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Inondations : la politique devra faire une place à la science

Rassemblant 120 chercheurs provenant de 16 universités, le Réseau Inondations intersectoriel du Québec est le regroupement le plus imposant de la province.

par JEAN-FRANÇOIS VENNE | 10 JUIN 19

Le Québec s’est récemment doté du Réseau Inondations intersectoriel du Québec (RIISQ), un regroupement de 120 chercheurs, 16 établissements universitaires et 40 partenaires. Financé à hauteur de 500 000 dollars annuellement pour trois ans par les Fonds de recherche du Québec, il a pour objectif d’améliorer les connaissances scientifiques des inondations, mais aussi d’appuyer la gestion du risque et de réduire la vulnérabilité des citoyens.

Il faut dire que les crues printanières ont fait mal au Québec ces dernières années. Ce printemps, des milliers de résidents ont dû être évacués et un bon nombre ont vu leur habitation inondée. À la fin mai, le gouvernement québécois avait versé 24,2 millions de dollars en indemnité, selon le bureau de la ministre de la Sécurité publique. Plus de 4 500 dossiers restaient à traiter, promettant une facture finale bien plus salée. En 2017, les 6 000 demandes d’indemnisations avaient coûté près de 156 millions de dollars à l’État.

Ces deux périodes de fortes inondations très rapprochées ont agi comme un signal d’alarme. « Le RIISQ constitue une réponse à un besoin d’approfondir les connaissances scientifiques sur les inondations, mais aussi sur d’autres aspects comme l’aménagement du territoire et la cartographie des zones inondables », affirme Nathalie Barrette, professeure de climatologie à l’Université Laval et membre du RIISQ.

Les questions ne manquent pas. Par exemple, les fortes crues de 2017 avaient été qualifiées d’événement exceptionnel. Deux ans plus tard, faut-il penser qu’il s’agit plutôt d’une nouvelle tendance? « Il est trop tôt pour le dire, répond la chercheuse. Il faudra mesurer cela sur un horizon de 20 ou 30 ans. »

De la même manière, il reste difficile de lier scientifiquement ces inondations aux changements climatiques. « En 2050, on s’attend à ce que les crues, en moyenne, arrivent plus tôt et soient moins fortes, mais il reste hasardeux de faire des prédictions sur ce qui se passera d’ici là », explique Alain Bourque, directeur général d’Ouranos et membre du RIISQ. On ne sait pas non plus comment les crues extrêmes se comporteront. Elles pourraient devenir plus fréquentes dans certaines régions du Québec et moins dans d’autres.

Agir en amont

Dès son lancement, le RIISQ est devenu le plus gros réseau du Québec en nombre de chercheurs et d’établissements universitaires. Un gigantisme rendu nécessaire par la complexité et les multiples facettes du problème des inondations. « Elles ne sont pas seulement une question de météorologie, de climatologie ou d’hydrologie, mentionne Philippe Gachon, directeur général du RIISQ. Elles touchent l’aménagement du territoire, les politiques publiques, la gouvernance, la gestion de risque, les conséquences sur les sinistrés et sur les infrastructures, etc. »

Il rappelle qu’il se fait beaucoup de recherches sur ces sujets au Québec, mais qu’elles sont réalisées en vase clos. Si elles font avancer les connaissances dans leur spécialité respective, leur isolement ne favorise pas le développement d’une vision globale du problème. Un manque que le RIISQ compte combler en favorisant les maillages entre chercheurs de différentes disciplines.

« Après les inondations de 2017, on a senti la volonté du gouvernement d’avoir une vision plus complète du problème, afin de prévenir les crises, plutôt que de les gérer », souligne M. Gachon. Cette volonté politique a semblé renforcée par ces dernières inondations. Toutefois, les préoccupations exprimées par le gouvernement concernent beaucoup la gestion à court terme de la crise, notamment les indemnisations et le sort des habitations construites en zone inondable.

Remettre la science dans la politique

Le directeur du RIISQ rappelle que le plus important reste d’apprendre à prévenir la répétition de ce genre de sinistre. Ce ne sera pas simple. Par exemple, la construction en zone inondable tient souvent au fait que les municipalités comptent énormément sur les taxes foncières pour se financer. Revoir l’aménagement du territoire suppose donc de réviser la fiscalité des municipalités. « Pour trouver des solutions à long terme, il faudra la collaboration des chercheurs, des municipalités et des gouvernements fédéral et provincial », soutient-il.

L’horizon temporel d’intérêt des politiciens est souvent beaucoup plus court que celui des chercheurs. Toutefois, les deux groupes devront apprendre à faire des compromis. « Les politiciens ont parfois des décisions importantes à prendre à très court terme et les chercheurs du RIISQ seront appelés à les y aider, croit M. Bourque. À l’inverse, les décideurs devront commencer à penser à plus long terme. »

Il déplore une certaine déconnexion entre la science et les prises de décision pendant de nombreuses années au Québec, par exemple en aménagement du territoire. L’arrivée du RIISQ représente une occasion de reconnecter les chercheurs et les décideurs.

COMMENTAIRES
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  1. Éric E. Van Blaeren / 13 juin 2019 à 16:22

    L’article ci-dessus exprime la nécessité pour les politiciens de penser à long terme. Je ne pense pas que cela puisse arriver. Le vieil adage « Dis-moi comment tu es évalué, je te dirai comment tu vas te comporter » est, toujours d’actualité. Nos politiciens, étant évalués par la population tous les 4 ou 5 ans, ne penserons qu’à court terme. Les électeurs ne les pousserons jamais à penser à long terme parce qu’eux-mêmes veulent des politiciens des profits (dans le sens large du terme) immédiats.

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