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La dernière entente de règlement en matière d’équité des CRC fixe des échéanciers fermes

Si un établissement postsecondaire participant n’atteint pas les cibles d’ici la fin de 2029, le Programme réduira le nombre de chaires qui lui sont attribuées.

par IAN MUNROE | 29 JUIN 21

Shree Mulay, professeure en santé communautaire et en sciences humaines, constate un changement d’attitude touchant le processus d’attribution des chaires de recherche du Canada (CRC) à l’Université Memorial, où elle enseigne. Comparativement aux dernières années, on accorde une attention marquée à l’embauche de candidats issus de divers horizons.

Une transition semblable s’opère dans les autres universités canadiennes, principalement en raison d’une saga judiciaire instiguée par un petit groupe de professeures, et qui a duré près de vingt ans.

En 2003, Mme Mulay, Marjorie Griffin Cohen, Louise Forsyth, Glenis Joyce, Audrey Kobayashi, Susan Prentice, Wendy Robbins et Michèle Ollivier ont déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne. Elles avançaient que le programme des CRC discriminait certains groupes protégés, tels qu’ils sont définis dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, ce qui entraînait une surreprésentation d’hommes blancs chez les titulaires de ces chaires très convoitées.

Le programme avait été mis sur pied trois ans plus tôt dans le but de contrer « l’exode des cerveaux ». Le gouvernement estimait à l’époque que « les chaires de recherche du Canada visaient uniquement les personnes d’exception, alors l’équité ne pesait pas vraiment dans la balance », explique Mme Mulay. « Nous étions d’avis, et nous le sommes encore, que la poursuite de l’excellence ne doit pas se faire au détriment de l’équité – que les deux ne sont pas incompatibles. »

Leurs efforts ont mené à une entente de règlement en 2006, en vertu de laquelle le gouvernement fédéral a convenu de former un groupe de spécialistes pour fixer des cibles à l’égard de quatre groupes – les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones et les membres de minorités visibles – en fonction de leur représentation au sein du bassin de candidats. Puis, en 2017, l’entente de règlement a été assimilée à une ordonnance de la Cour, après que les plaignantes eurent fait valoir que les mesures pour améliorer la sous-représentation étaient insuffisantes. Un processus de médiation a été entamé. Ottawa a accepté en 2019 d’établir de nouvelles cibles pour chaque groupe en fonction de sa représentation dans la population canadienne, et de les mettre en œuvre.

Comme le mentionne Mme Mulay, « il était évident que si nous nous concentrions sur la représentation de chaque groupe dans le milieu universitaire, nous ne parviendrions jamais à l’équité ».

Bien que les deux ententes soient juridiquement contraignantes, la plainte distincte concernant les droits de la personne qu’Amir Attaran, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, a portée en 2016 a mené à une autre entente de règlement. Ratifiée en mars 2021, cette entente renforce la mise en application des exigences. Si un établissement postsecondaire participant n’atteint pas les cibles d’ici la fin de 2029, le Programme réduira le nombre de chaires qui lui sont attribuées. Les universités étaient également tenues de finaliser au plus tard le 28 mai 2021 le plan d’action devant leur permettre d’atteindre leurs cibles sur le plan des mises en candidature.

Aujourd’hui, le programme finance 2 285 postes au sein de 76 universités, ce qui représente près de 300 millions de dollars par année. Les universités reçoivent 200 000 dollars par année pendant sept ans pour les chaires de niveau 1 et 100 000 dollars par année pendant cinq ans pour les chaires de niveau 2, chaque chaire étant renouvelable une fois.

En mars dernier, 38,6 pour cent des titulaires de chaires déclaraient être des femmes, 21,4 pour cent des membres de minorités visibles, 5,5 pour cent des personnes handicapées et 3,2 pour cent des Autochtones. À titre comparatif, les cibles pour 2029 ont été fixées, respectivement, à 50,9 pour cent, 22 pour cent, 7,5 pour cent et 4,9 pour cent.

Le programme est administré par le Conseil de recherches en sciences humaines. Sa vice-présidente, Dominique Bérubé, estime que le processus tout entier a eu des répercussions considérables et durables.

« Nous saluerons toujours le travail des premières plaignantes, les efforts qu’elles ont déployés pour transformer le programme, souligne-t-elle. On voit maintenant se métamorphoser le milieu de la recherche. »

Selon Mme Bérubé, les taux de réussite – à savoir la proportion de candidatures soumises par les universités qui sont approuvées par le CRSH – augmentent à mesure que les universités s’approchent lentement de leurs cibles. Ce constat réfute l’idée qu’il pourrait y avoir une pénurie de candidats qualifiés issus de la diversité. Toutes les universités tenues de le faire ont soumis des plans d’action, mais ceux-ci n’ont pas encore été tous approuvés par l’agence.

« Il nous reste beaucoup à faire au cours des prochaines années, indique Mme Bérubé. L’addenda de 2019 à l’entente de règlement contient plus de 65 mesures. Nous devons nous mobiliser encore davantage pour toutes les intégrer, qu’il s’agisse de déclaration de données désagrégées, de collectivité LGBTQ ou de pratiques intersectionnelles. »

Selon Sara-Jane Finlay, vice-rectrice adjointe, Équité et inclusion, à l’Université de la Colombie-Britannique, la nomination de professeurs handicapés soulève de grandes difficultés et cela se répercute dans les cibles. Alors que près de 15 pour cent des Canadiens déclarent avoir un handicap, l’entente de règlement fixe une cible de seulement 7,5 pour cent.

« Les obstacles à l’embauche de professeurs qui déclarent avoir un handicap sont particulièrement marqués, en raison notamment d’une mauvaise compréhension des handicaps et des mesures d’adaptation. Je crois aussi que le parcours vers la titularisation est étroit et qu’il n’offre peut-être pas suffisamment de latitude aux professeurs qui, parce qu’ils ont besoin de congés ou de mesures d’adaptation, ne travaillent qu’à temps partiel. »

L’inclusion demeure également un enjeu. « Il faut aller au-delà de la diversification de la représentation des titulaires et se pencher sur l’environnement dans lequel ils évoluent, souligne Mme Finlay. Le programme des CRC aborde la diversification de la représentation, mais pas celle de l’environnement inclusif. »

En ce qui la concerne, Mme Mulay considère l’entente de règlement en matière de droits de la personne pour laquelle elle s’est battue si longtemps avec ses coplaignantes comme une infime partie de la question.

« À mon avis, le grand problème au sein des universités, c’est le fait que les postes de chargés de cours à temps partiel demeurent occupés par des femmes, des membres des minorités visibles et d’autres groupes. Dans une perspective d’avenir, c’est le genre d’iniquités qu’il faudra éliminer. »

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