De l’espoir pour les RCE menacés de perdre leur financement

Les Réseaux de centres d’excellence dont le dernier cycle de financement se termine d’ici 2019 peuvent soumettre une nouvelle demande.

07 novembre 2017

Une modification discrètement présentée pourrait changer la donne en matière de financement pour plusieurs réseaux de recherche canadiens dont les activités se chiffrent en millions de dollars. Les détails du nouveau concours de subventions des Réseaux de centres d’excellence (RCE) ont en effet été publiés en ligne en août, sans tambour ni trompette. On y apprend que les réseaux ayant atteint la limite de financement de 15 ans peuvent soumettre une nouvelle demande à titre de « réseaux établis ». Cela signifie que plusieurs RCE, dont ArcticNet, AllerGen et le Réseau des cellules souches, pourraient déjouer les attentes et poursuivre leurs activités.

Soixante-quinze millions de dollars en subventions fédérales de recherche sont en jeu dans le présent concours. Chaque réseau est libre de demander le montant qu’il estime nécessaire à ses besoins. Ceux dont le dernier cycle de financement a déjà pris fin ou prendra fin le 31 mars 2019 sont maintenant autorisés à soumettre une nouvelle demande de financement de cinq ans. Quarante pour cent des fonds sont toutefois réservés aux nouveaux RCE. Les lettres d’intention seront acceptées jusqu’au 15 novembre.

« Ce changement est très encourageant, car jusqu’ici, l’impossibilité d’obtenir un renouvellement compromettait certaines initiatives stratégiques », explique Leah Braithwaite, directrice exécutive d’ArcticNet. Son réseau a été créé en 2003 pour étudier les conséquences des changements climatiques sur le littoral arctique canadien et son financement devait prendre fin en 2018. Pour sa part, le réseau AllerGen, qui se consacre aux maladies allergiques, verra son financement prendre fin en 2019.

Le financement du Réseau des cellules souches a pris fin cette année. Il a toutefois reçu des subventions fédérales de 12 et de 6 millions de dollars respectivement en 2016 et en 2017 pour poursuivre ses travaux de recherche clinique. Son avenir était donc moins menacé.

Le programme des RCE est administré conjointement par les trois organismes subventionnaires fédéraux, soit le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), le Conseil de recherches en sciences humaines et les Instituts de recherche en santé du Canada. Les réseaux créés grâce au programme avaient droit à un maximum de deux cycles de financement de sept ans, qui a ensuite été modifié à trois cycles de cinq ans.

Les administrateurs jugeaient ces délais suffisamment longs pour permettre aux RCE d’atteindre leurs objectifs : résoudre un problème de traitement médical, mettre un nouveau produit en marché ou mener des activités de recherche et développement susceptibles d’attirer des investisseurs privés durables, par exemple. Les responsables des réseaux estiment toutefois que cette limite minait leur potentiel, et la plupart des RCE cessaient leurs activités une fois le financement épuisé.

Dans une réponse écrite, Lucy Lai, agente des relations médias et des affaires publiques au CRSNG, explique que le changement fait suite aux demandes répétées des chercheurs. « L’examen du soutien fédéral aux sciences a aussi confirmé le bien-fondé de cette demande », ajoute-t-elle en faisant référence au rapport publié en 2017 par le Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale, aussi connu sous le nom de rapport Naylor.

Un site du réseau canadien de l’eau. Photo du réseau canadien de l’eau/Abderrahim Ouraghidi.

Les chercheurs concernés espèrent que la mesure sera maintenue lors des prochains concours, ce qui demeure incertain, mais « nous ne pouvons pas prédire quelles règles s’appliqueront à l’avenir », mentionne Mme Lai. Selon Mme Braithwaite, compte tenu de l’accélération des changements climatiques, la poursuite des travaux d’ArcticNet est essentielle à l’élaboration des politiques environnementales. Avec l’aide de chercheurs et de collaborateurs issus d’un grand nombre d’universités, d’organismes gouvernementaux, de groupes de recherche autochtones et d’entreprises, ArcticNet étudie tous les aspects de la question, allant de l’effet des changements climatiques sur les écosystèmes marins aux conséquences de la fonte du pergélisol sur le logement, le transport et l’infrastructure industrielle. Le maintien du financement permettra aussi au réseau de profiter de la station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique, qui doit ouvrir cet automne à Cambridge Bay, au Nunavut.

Les RCE déjà dissous pourront aussi soumettre une nouvelle demande. Mais Peter Frise, qui dirigeait le réseau AUTO21, n’a pas l’intention de reformer son groupe de recherche. « La mise sur pied d’un tel organisme et du réseau de collaborateurs connexe demande énormément de travail », précise le professeur en génie de l’Université de Windsor, où le réseau de recherche automobile était installé. Ce RCE a cessé ses activités en 2015 après avoir touché 81 millions de dollars en 14 ans grâce au programme. Selon le site d’AUTO21, le réseau a permis « de sauver des vies, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d’accroître le rendement énergétique des carburants et d’augmenter la compétitivité du secteur automobile canadien ».

Bernadette Conant, directrice générale du Réseau canadien de l’eau, mentionne également que son réseau ne participera pas au concours de subventions actuel. De 2001 à 2017, son organisme a reçu un total de 62 millions de dollars grâce au programme des RCE. Selon elle, soumettre une nouvelle demande nécessiterait « trop d’efforts pour redevenir ce que nous étions à la base ».

Elle explique que son réseau n’envisage pas de réaliser de nouveaux projets, mais qu’il souhaite étendre la portée d’études existantes et mettre l’accent sur l’application des connaissances. Elle croit que le concours favorise les réseaux qui s’intéressent à de nouveaux sujets d’étude. Elle indique cependant que le sien cherche des moyens de « passer à l’étape suivante ». Les réseaux consacrés à l’application des connaissances peuvent obtenir du financement par l’entremise d’un autre programme de RCE.

Même pour les RCE établis, le maintien du financement n’est pas garanti. Plusieurs réseaux n’ont eu droit qu’à un cycle de subventions, comme le CANVAC, qui travaillait à l’élaboration de vaccins et dont le financement n’a pas été renouvelé en 2007.

« En général, l’absence de financement public à long terme pour la recherche axée sur l’innovation mine la compétitivité du Canada sur la scène internationale, croit M. Frise. Cela fait du Canada un partenaire peu fiable en innovation. Sans oublier que l’interruption et la reprise du financement sont très coûteuses », conclut-il.

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