Majoration des droits de scolarité : une francophonie à géométrie variable
La nouvelle tarification des droits de scolarité au Québec soulève des débats sur l'égalité et l'internationalisation de la francophonie, mais puise sa légitimité de faits historiques.
À partir de l’automne 2024, les étudiants et étudiantes provenant de l’étranger et les personnes non-résidentes du Québec désirant y étudier feront face à une augmentation significative des droits de scolarité.
Les inscriptions sujettes à des ententes bilatérales, notamment avec la France et la Belgique francophone, ne sont que peu concernées par ces changements sauf en premier cycle où les frais de scolarité sont alignés sur ceux des Canadiens et Canadiennes hors Québec. L’objectif ? Rééquilibrer le financement des universités entre institutions francophones et anglophones. Présenté par Pascale Déry, ministre de l’Enseignement supérieur, comme « un geste fort […] pour l’avenir du français », ce nouveau modèle de tarification divise les expertes et experts en enseignement sur l’argument de la francophonie. Pour certains, la nouvelle tarification n’est qu’une étape logique dans l’affirmation du caractère distinct de la province, mais pour d’autres, elle contribue à accentuer l’écart de traitement entre les personnes francophones venues de pays où les ententes de mobilité sont généreuses et les autres francophones, souvent issus des pays du Sud et déjà aux prises avec des enjeux d’immigration temporaire pour venir étudier au Canada.
« Ces changements de tarification peuvent paraître subits, mais ils s’inscrivent dans une continuité », relativise Olivier Bégin-Caouette, professeur agrégé en enseignement supérieur comparé de l’Université de Montréal (UdeM). Quand, en 1960, le Québec se dote d’un ministère de l’Éducation, explique-t-il, la province se donne les moyens d’utiliser l’enseignement supérieur comme levier de ses propres relations internationales. Des accords d’échanges sont signés avec la France dès 1964. En 2002, l’internationalisation du Québec mise sur la mobilité sortante et les échanges d’étudiants et d’étudiantes entre universités se multiplient. « Il y avait alors une logique de promotion du caractère distinct du Québec », souligne le professeur. En 2017, le gouvernement libéral de Philippe Couillard avantage les inscriptions internationales. « Depuis 2018, la logique était surtout économique », poursuit M. Bégin-Caouette qui rappelle ces chiffres : entre 2019 et 2022, les trois universités anglophones du Québec ont bénéficié de plus de 60% des revenus générés par l’ensemble des universités du Québec grâce à la population étudiante provenant de l’étranger. Selon lui, « le gouvernement a simplement décidé de rétablir une situation qui était en train de dégénérer ».
Approche sélective
La nouvelle tarification affecte surtout les droits de scolarité des programmes de certificats et de baccalauréats pour les étudiantes et étudiants hors Québec. « Au premier cycle, on fait payer les étudiants, aux cycles supérieurs, on paie les étudiants pour qu’ils viennent étudier au Québec, résume M. Bégin-Caouette. Et même s’ils ne restent pas, faire vivre la science en français, c’est une dynamique très importante ». À l’Université du Québec à Montréal (UQAM) par exemple, une année de baccalauréat coûtera environ 3770 $ à un étudiant ou une étudiante du Québec, 10 000 $ à un étudiant ou une étudiante du reste du Canada, de la Belgique francophone ou de la France, et plus de 26 000 $ aux personnes provenant du reste du monde, qu’elles soient francophones ou non.
« Dans la situation de la Belgique et de la France, c’est une logique d’échange, mais il n’y a pas tant d’étudiants québécois qui souhaitent aller étudier au Bénin, au Cameroun, au Sénégal » explique le professeur, également membre fondateur du Laboratoire interdisciplinaire de recherche en enseignement supérieur. En l’absence de réciprocité, le Québec a négocié des ententes plus restreintes avec certains pays francophones. La province octroie chaque année 83 exemptions aux personnes provenant de l’Algérie, 10 pour le Bénin, 27 au Burkina Faso, 16 au Cameroun, ou encore 43 à la Côte d’Ivoire, cite-t-il. Il s’agit d’exemption des droits de scolarité supplémentaires, en vertu d’ententes de coopération signées entre le gouvernement du Québec et ces pays. À chaque exemption accordée, le contribuable québécois défraie la totalité de la scolarité de la personne. « Cette mesure s’inscrit davantage dans une logique de coopération et de développement international que d’échange universitaire », analyse M. Bégin-Caouette en expliquant que le Québec n’hésite pas à se présenter comme une alternative francophone non-coloniale pour attirer les étudiants et étudiantes étrangers qui seraient sensibles à cet argument.
Une efficacité contestée
Questionné sur la nouvelle tarification, le professeur associé à l’UQAM Pierre Doray s’interroge à son tour sur « l’absence de préoccupation » pour les pays francophones du Sud. « Dans un contexte où l’on recherche un peu plus d’égalité sociale et éducative, ces étudiants-là paient le maximum et c’est eux qui voient l’augmentation la plus élevée », se désole ce spécialiste de la sociologie de l’éducation. Il ne cache pas son scepticisme quant à l’efficacité du nouveau modèle de tarification imposé par Québec, tout comme le professeur associé Jean-Pierre Corbeil, du département de sociologie de l’Université Laval, pour qui la nouvelle mesure ne semble reposer sur aucune démonstration probante de retombées. « Les solutions apportées ne vont pas sérieusement aborder le problème », anticipe-t-il. « On pointe les étudiants internationaux dont on a dit qu’ils contribuent à l’anglicisation de Montréal, mais à ma connaissance, il n’y a pas d’étude sérieuse démontrant leur influence importante sur l’évolution de l’anglais. »
Le véritable problème, selon lui, concerne plutôt le sous-financement chronique des universités au Québec comparativement aux autres provinces, un enjeu soulevé par divers organismes universitaires francophones et anglophones depuis plusieurs années. Si l’Université du Québec salue « la volonté du gouvernement de rééquilibrer les revenus générés par les étudiants internationaux », ce réseau francophone demande surtout un réinvestissement majeur de rattrapage d’au moins 100 millions de dollars par année. Plus alarmiste, le Bureau de coopération interuniversitaire craint « les effets négatifs sur la capacité des établissements universitaires québécois de se maintenir parmi les meilleurs au Canada et dans le monde », peut-on lire dans un communiqué publié mi-juin.
Mais pour le professeur Olivier Bégin-Caouette, le manque à gagner avec les inscriptions d’étudiants et étudiantes de l’international constitue une réalité déjà bien présente au sein de son université.
« Le Québec veut favoriser le recrutement international d’étudiants francophones, notamment en Afrique, or 75% des demandes de visas d’étudiants internationaux africains sont refusées ; je vois plutôt le niveau de discrimination dans ce sens-là », dit-il. Il a beau avoir accepté les dossiers en doctorat de plusieurs candidats d’Afrique, poursuit-il, aucun n’a réussi à obtenir de visa pour venir poursuivre son cursus universitaire.
« On oublie que toutes celles et ceux qui viennent d’ailleurs étudier ici deviendront aussi des ambassadeurs du Québec à l’étranger et dans les autres provinces », rappelle M. Corbeil. « À cet égard, il y aurait eu lieu d’avoir une meilleure réflexion pour corriger le déséquilibre financier entre universités. »
Postes vedettes
- Doyen(ne), Faculté de médecine et des sciences de la santéUniversité de Sherbrooke
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
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