Mange-t-on sainement dans les universités canadiennes ?

De plus en plus d’universités canadiennes revoient leur offre alimentaire pour mieux répondre aux enjeux de santé publique, de diversité culturelle et de développement durable.

28 mai 2025
Photo courtoisie de l’Université Guelph

Il n’y a pas si longtemps, les cafétérias d’universités étaient les hauts lieux des bâtonnets de poulet pané et des frites. S’ils sont encore présents sur les menus, ils laissent de plus en plus de place à des plats santé. Il est désormais difficile d’ignorer les nombreuses études scientifiques qui mettent en lumière les effets néfastes des aliments ultra-transformés sur la santé. Parallèlement, les bienfaits d’une alimentation riche en légumes, en protéines végétales, en viande blanche ou en poisson, ainsi qu’en grains entiers, sont de mieux en mieux connus. À cela s’ajoute le fait que de nombreux jeunes, soucieux de l’empreinte carbone de la viande ou guidés par leurs convictions culturelles ou religieuses, choisissent de réduire leur consommation de produits animaux, voire de les exclure entièrement. Bol de riz brun avec tofu grillé, plusieurs légumes et sauce oignon vert et gingembre ? Dans certaines universités canadiennes, c’est maintenant possible.  

Il y a 11 ans, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) lançait une véritable révolution alimentaire sur son campus de Vancouver. D’abord, les services alimentaires ont défini leur vision, leur mission et leurs valeurs qui tournent autour d’une alimentation saine, délicieuse et inspirante composée d’ingrédients frais et choisis avec une conscience sociale et environnementale. Ainsi, les aliments ultra-transformés qu’on avait souvent qu’à réchauffer ont fait place à des ingrédients frais cuisinés sur place. 

« Il a fallu embaucher une équipe culinaire et plusieurs chefs pour mener cette révolution », affirme David Speight, chef exécutif et directeur culinaire au campus de Vancouver de UBC.  

Un tournant clé a été l’arrivée d’une diététiste à temps plein, qui a collaboré avec les chefs pour établir des lignes directrices inspirées du Menus of Change (une initiative du Culinary Institute of America et de l’Université Harvard), du Guide alimentaire canadien, ainsi que des valeurs institutionnelles.  

L’assiette type est composée à moitié de légumes et/ou de fruits, le quart de protéines et l’autre quart de grains entiers ou de féculents riches en fibres. Les laits, les yogourts et les boissons végétales fortifiées offerts sont non sucrés. Chaque point de service propose quotidiennement des options végétariennes et véganes. 

Les diététistes, moteurs du changement 

D’autres établissements suivent cette voie. À l’Université Guelph (UofG), en Ontario, une diététiste est présente depuis deux ans. Résultat ? Entre autres, plus de 50% du menu est réalisé à partir de protéines végétales. Pour y arriver, l’équipe a suivi plusieurs formations. 

Photo courtoisie de l’Université de la Colombie-Britannique

« Nous comptons près d’une cinquantaine de chefs et de cuisiniers de 12 origines ethniques différentes qui mettent énormément de goût et de saveurs dans nos plats à base de protéines végétales », indique Vijay Nair, directeur associé des opérations culinaires à UofG. 

De plus, en misant sur une approche de soutien par les pairs, des étudiantes et des étudiants en nutrition font partie du Student Nutrition Awareness Program (SNAP) qui met en place différentes initiatives pour promouvoir de saines habitudes alimentaires auprès de la communauté étudiante.  

À l’Université Carleton, à Ottawa, la diététiste en poste aide à planifier les menus et réalise des consultations gratuites pour la population étudiante qui a un plan repas. La cafétéria compte 15 stations pour offrir plusieurs options. Puis, le logo EatWell (bien manger, traduction libre) encourage les choix santé.  

« Nous sommes la principale source de nourriture pour nos quelque 4 000 résidentes et résidents, alors il est crucial d’offrir des options nutritives », estime Chad McKenzie, directeur des services sur le campus à Carleton.  

Mais qu’apportent, concrètement, les diététistes aux services alimentaires universitaires? « Nous pouvons calculer la valeur nutritionnelle de chaque plat, explique Carol-Ann Robert, nutritionniste-diététiste chez Équipe Nutrition. S’il est faible en fibres par exemple, on peut proposer d’ajouter un légume à la recette, ou de changer un ingrédient pour un autre. Nous nous assurons aussi que le menu est varié. » 

Une transformation en cours 

Même si la plupart des services alimentaires des universités canadiennes ne comptent pas encore de diététiste et proposent toujours une large part de friture et de sandwichs au pain blanc, plusieurs établissements amorcent une transition vers des options plus saines.  

Par exemple, l’Université de Moncton intègre un repas végétarien.  

« Nous avons une grande population étudiante qui vient du Maroc, de la Tunisie, de l’Algérie et du Sénégal, des pays où on mange beaucoup de pois chiches et de lentilles, alors nous en avons dans nos menus », affirme Marc Surette, gestionnaire des services alimentaires de l’Université de Moncton qui s’approvisionne en légumes auprès d’un producteur local. 

À l’Université de Montréal (UdeM) des changements sont en cours depuis huit ans pour offrir une grande variété de plats. Le menu comprend une option végétarienne, une option végane et, une fois par semaine, du poisson. L’approvisionnement local est aussi privilégié. Par exemple, l’UdeM achète de l’omble chevalier élevé à Montréal dans un système à recirculation intensive d’eau.  

« L’approvisionnement local vient avec des coûts supplémentaires, mais en contrepartie, les protéines végétales sont peu dispendieuses », indique Geneviève O’Meara, porte-parole de l’établissement.  

L’Université de Saskatchewan entreprend également un virage. « Nous offrons maintenant plusieurs choix à base de plantes et nous voulons en offrir plus, affirme James McFarland, chef exécutif et directeur des services culinaires. Nous avons aussi à l’occasion des burgers, par exemple, mais nous essayons d’éduquer la population étudiante en mettant de l’avant des choix nutritifs, comme nos bols santé. » 

Montrer l’exemple 

Pour Mme Robert, le rôle des services alimentaires universitaires ne se limite pas à nourrir : il s’agit aussi d’éduquer. « L’idée n’est pas de viser la perfection, mais de créer un environnement propice à l’adoption de meilleures habitudes. » 

Elle rappelle que certains aliments peuvent être consommés quotidiennement, d’autres occasionnellement et d’autres exceptionnellement. Une université, selon elle, devrait refléter cette réalité : « On ne veut pas éliminer les aliments de plaisir, mais faire en sorte que les choix plus sains deviennent la norme. »