Destiny Tchéhouali, professeur-chercheur globe-trotter
Originaire du Bénin, le professeur en communication Destiny Tchéhouali déroule un parcours de vie qui rime avec francophonie.
Le nom de Destiny Tchéhouali est fortement lié à la promotion de la francophonie au Québec, lui qui a gravi les échelons dans quatre pays adeptes de la langue de Molière. Il part étudier au Maroc dès l’âge de 17 ans à la faveur d’une bourse, puis déménage en France pour ses masters et doctorat, avant de s’expatrier à Montréal où il n’échappe aux défis du nouvel arrivant surdiplômé. M. Tchéhouali célèbre en 2024 ses 10 années à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). La bougie pourrait être sa nomination comme cotitulaire de la nouvelle Chaire de recherche du Québec sur l’intelligence artificielle et le numérique francophones, début juin. L’occasion de revenir sur la carrière riche et variée de cet orateur hors pair, intarissable sur la découvrabilité, l’accès aux contenus culturels et la gouvernance d’Internet.
La découvrabilité numérique, faut-il le rappeler, renvoie à la disponibilité d’un contenu en ligne et à sa capacité à être repéré parmi un vaste ensemble d’autres contenus. Ce domaine de recherche connaît un essor singulier quand les plateformes de diffusion, Netflix, Spotify et consorts chamboulent l’écosystème de la culture et du divertissement. « Ce qui me passionne le plus ? être à l’avant-garde, observer les tendances à partir d’un travail méthodologique, orienter les prises de décision », confie le professeur, aussi titulaire de la Chaire Unesco en communication et technologies pour le développement.
En remontant le fil de son cheminement universitaire, Destiny Tchéhouali évoque d’abord son père, professeur-chercheur en génie civil. Cependant, il n’a pas suivi cette voie, se considérant « plus littéraire que matheux ». Il se souvient néanmoins de son premier contact avec le monde numérique comme d’une rencontre amoureuse : c’étaità l’âge de 11 ans, quand Cotonou, capitale économique du Bénin, accueillait le 6e sommet de la francophonie en 1995. « Ils avaient mis les petits plats dans les grands, avec une couverture Internet dans la capitale et des campus numériques francophones ». L’envoi de courriels le fascine, il s’en souvient encore. « On voyait l’image d’un globe terrestre en rotation avec une enveloppe en mouvement. Je me demandais comment cela fonctionnait ».
La curiosité s’est précisée ensuite en termes géopolitiques et géographiques plus engagés. Pendant ses études et ses premiers pas professionnels, Destiny Tchéhouali s’intéresse à la fracture numérique, aux inégalités Nord-Sud en matière de technologies et rejoint l’Agence mondiale de solidarité numérique, à Lyon, pour y mener une évaluation de programmes.
Il résume le bilan des politiques menées au Sénégal, au Mali et au Burkina Faso comme étant « un peu critique ». Il réalise aussi une mission d’évaluation pour l’OIF, organisation souvent citée dans ses travaux.
En 2013, l’appel du large, amplifié par le rêve nord-américain, le pousse vers Montréal. Son doctorat en poche, il redécouvre le bas de l’échelle professionnelle chez Bell, « les clients fâchés » à convaincre au téléphone, les aléas de l’expérience canadienne indispensable à tout novice. Philosophe, Destiny Tchéhouali en tire d’autres leçons : « un bel apprentissage en communication et marketing. »
Rétrospectivement, cette parenthèse à l’extérieur du milieu universitaire n’aura duré qu’un an. Une intervention lors d’un forum mondial sur la gouvernance du numérique le révèle rapidement; il se fait recruter comme agent de recherche à l’UQAM pour réaliser une étude sur la Convention de l’UNESCO sur la diversité des expressions culturelles dans l’environnement numérique.
« L’étude a eu une grande résonance, puisque l’UNESCO a décidé d’adopter de nouvelles directives sur le numérique », se félicite le chercheur qui a ensuite tracé sa voie patiemment à l’UQAM, de contrats de substitut renouvelables au poste régulier de professeur en communication internationale dont il rêvait tant. « J’ai traversé des périodes très précaires, partage-t-il sans ambages, mais j’avais foi en ma bonne étoile et j’ai persévéré pour être accepté par mes pairs. »
Bâtisseur de ponts
Son enthousiasme à toute épreuve séduit ses collaboratrices et collaborateurs. « C’est quelqu’un de très joyeux, très positif, ce qui rend le travail avec lui très agréable » partage la doctorante Lucile Ouriou, dont il est le codirecteur de thèse. « C’est un bâtisseur de ponts qui ne s’arrête pas aux difficultés, renchérit Christian Agbobli, vice-recteur à la recherche création et diffusion de l’UQAM. Il entre dans la catégorie des professeurs avec beaucoup d’idées, qui ne disent jamais non ». Preuve de sa réputation internationale ? « Il reçoit beaucoup de demandes d’encadrement d’Europe et d’Afrique francophones », poursuit M. Agbobli, avec qui M. Tchéhouali a partagé la Chaire UNESCO en communication et technologies pour le développement à l’UQAM.
Et pour la nouvelle Chaire de recherche du Québec sur l’intelligence artificielle et le numérique francophones, le travail ne manquera à la dizaine de co-chercheuses et co-chercheurs et la vingtaine de collaboratrices et collaborateurs impliqués. « Il est question de cartographier les acteurs francophones de l’IA au Québec, dans les domaines technologiques, techniques et scientifiques », explique le cotitulaire de la Chaire avec Jonathan Roberge de l’Institut national de la recherche scientifique. « Il a une approche plus sociologique et critique, alors que je suis plutôt spécialisé dans les enjeux de gouvernance », précise M. Tchéhouali. Les travaux de la Chaire contribueront à définir les politiques publiques du Québec tout en tenant compte de l’évolution fulgurante de l’IA. Rien de moins. « Nous devons développer nos capacités de prospective, mais aussi de recherche expérimentale », complète le chercheur sur l’art délicat d’analyser les enjeux sociétaux d’aujourd’hui et de demain en numérique.
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