Rédiger (ou pas) en période de quaranthèse

Comme dans plusieurs domaines, il faut accepter collectivement qu’une partie de la recherche scientifique tourne au ralenti durant la pandémie et diminuer nos attentes envers nos collègues, nos étudiant.e.s et nous-mêmes.

La rédaction d’un mémoire ou d’une thèse comprend son lot de difficultés et de défis, notamment le sentiment d’isolement que cette période génère. Outre cette difficulté, les parents étudiants font face au défi supplémentaire d’ajouter le casse-tête familial à la rédaction. Dans les dernières années, plusieurs étudiants et étudiantes gradués, dont de nombreux parents étudiants, ont choisi de se réunir pour rédiger seuls ensemble et partager cette tâche avec d’autres vivant les mêmes réalités, notamment en participant à des activités de Thèsez-vous.

Malheureusement, cette période de confinement liée à la Covid-19 fait rejaillir une souffrance qui était apaisée par ces initiatives de rédaction collective. Comment les étudiant.e.s peuvent-ils arriver à prioriser la rédaction au détriment de leurs autres tâches et obligations alors qu’il était déjà difficile de le faire auparavant? Pourtant, les étudiant.e.s ont des livrables, des attentes de la part de leur direction, pire encore, des échéanciers pour la graduation…  Ne pas les atteindre devient une source de stress intense. Pour les parents étudiants, cette situation les affecte particulièrement alors qu’ils ont de la difficulté à faire de la rédaction une tâche tout aussi légitime qu’un autre travail rémunéré aux yeux de leur entourage. De plus, on présente souvent la rédaction comme une activité qui peut se faire un peu n’importe où, du moment qu’on ait un papier et un crayon.

En réalité, la rédaction est une tâche ardue qui nécessite une concentration profonde. La recherche et l’expérience nous mènent plutôt à croire qu’il faut rassembler des conditions favorables afin d’arriver à produire un travail de qualité. Depuis cinq ans, Thèsez-vous a pour mission de soutenir les étudiants aux cycles supérieurs dans cette recherche de conditions de travail favorables. Nous aimerions saisir cette tribune afin d’affirmer haut et fort que les conditions actuelles de pandémie, de travail à la maison, de stress et, pour nombre d’étudiant.e.s et de chercheur.e.s, de parentalité à temps complet, ne sont pas du tout favorables à la rédaction.

Comme dans un grand nombre de domaines, il faut accepter collectivement qu’une partie de la recherche scientifique tournera au ralenti durant cette période et ainsi diminuer nos attentes envers nos collègues, nos étudiants et nous-mêmes. Alors que certains arriveront à être productifs durant ce chamboulement mondial, sachez que cette production est un extra, c’est une cerise sur le sundae et ne devrait pas être utilisée comme barème de comparaison pour tous ceux et celles qui ne seront pas aussi performant.e.s. Alors soyons clairs :

  • Si vous êtes inquiets pour votre avenir;
  • Si vous vous sentez seul.e;
  • Si vous n’arrivez pas à trouver du silence;
  • Si vous n’avez pas d’aide pour superviser les enfants;
  • Si vous trouvez votre sujet de recherche vide de sens dans le contexte actuel;

C’est correct! C’est légitime de ne pas arriver à écrire. C’est légitime de demander un report d’échéancier, de reporter un cours, de rallonger la durée de ses études, de ne pas répondre à ses courriels instantanément… Vous n’avez pas à performer votre pandémie!

Vous êtes en forme pour rédiger?

Si vous sentez que l’énergie et la motivation sont présentes et que vous voulez avancer, il est important de commencer par accorder une légitimité à sa rédaction, tant pour soi-même que pour les autres. La rédaction passe souvent au second plan puisque les objectifs qui s’y rattachent sont de longue haleine et imprécis. Pour y arriver, établissez des règles claires avec votre partenaire et vos enfants, car la concertation sur le fonctionnement de votre temps de travail donne cette légitimité attendue à votre rédaction. Morcelez vos grands objectifs en plus petits objectifs SMART. Afin de garder contact avec votre texte, nous vous conseillons de finir chaque séance de travail par l’élaboration d’une liste de tâches pour la prochaine séance. L’idée est d’éviter de devoir relire en entier le texte produit précédemment pour se mettre immédiatement à la rédaction en sachant exactement ce qui doit être fait pour les prochaines 15 minutes avant que la sieste du plus petit soit déjà terminée! Expérimentez la rédaction par petits morceaux.

Alors que certains emplois se prêtent à travailler avec l’attention divisée, plusieurs facettes de la rédaction ne fonctionnent pas de cette façon. Tenter de rédiger en supervisant des enfants, c’est s’assurer de ressentir de la culpabilité parce qu’on n’accorde pas toute son attention ni à la rédaction, ni aux enfants. Il est préférable de ne travailler que quelques heures dans un contexte favorable, que de s’asseoir 8h devant l’écran sans réellement avancer. Accordez-vous ce temps, celui-ci vous permettra d’apprécier davantage le prochain moment en famille. Dès lors, ce moment vous appartient, idéalement préparez-vous (collations, café, etc.) et n’allez pas voir votre famille durant les pauses pour ne pas « décrocher ». Les activités en ligne de Thèsez-vous sont là pour vous appuyer et vous sortir un peu de l’isolement.

Alors que les tâches de pararédaction sont souvent considérées comme de la procrastination, elles sont parfaites pour les circonstances où vous êtes constamment interrompu par votre petit amour. Si c’est votre cas, pourquoi ne pas se pencher sur des tâches nécessitant un peu moins de concentration, mais nécessaires à la complétion de votre parcours. Ces tâches deviennent actuellement une bonne façon de garder le fil et faire avancer vos travaux de manière à être plus efficaces quand des conditions plus favorables se présenteront.

Bref, toutes ces belles idées pourront vous aider si et seulement si vous réduisez vos attentes et que vous êtres bienveillants envers vous-même. Soyez fiers de vous à chaque micro-objectif accompli, car vous aurez réussi à avancer et c’est ce qui compte en ce moment. Rappelez-vous que vous n’êtes pas seuls à vivre ces difficultés, parlons-en afin de normaliser ces ajustements.

Cet article a été coécrit avec l’aide de la communauté de parents de Thèsez-vous.

Émilie Tremblay-Wragg est professeure au département de didactique de l’UQAM, professeure-associée au CRIFPE et co-fondatrice de Thèsez-vous.

Élise Labonté-Lemoyne est chercheure associée à HEC Montréal, chercheure au Tech3Lab et à la Chaire de recherche industrielle du CRSNG-Prompt en expérience utilisateur et co-présidente de Thèsez-vous.

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