Liste de souhaits en matière d’enseignement supérieur adressée aux partis politiques

Voici quelques idées favorables à la science, aux compétences et à l’innovation en vue des élections fédérales de l’automne.

29 janvier 2019

Le début d’une nouvelle année est souvent source d’espoir, d’aspirations et de résolutions. Avec les élections fédérales qui se profilent à l’horizon – prévue pour le 21 octobre – à quoi pourrait ressembler la liste de souhaits du milieu de l’enseignement supérieur en 2019?

Premièrement, le gouvernement fédéral pourrait reconnaître qu’il n’a pas excellé sur le plan de l’application de politiques touchant d’importantes initiatives dans le domaine de l’enseignement supérieur. L’exemple du Centre des Compétences futures donne matière à réflexion. Le ministre des Finances, Bill Morneau, a accordé aux compétences une importance capitale dans les derniers budgets et la question demeure une priorité pour le gouvernement en 2019. Pourtant, la mise en œuvre de l’une des initiatives phares du gouvernement sur le plan des compétences semble étrangement tortueuse.

L’idée de créer un Centre des Compétences futures a été lancée en février 2017, s’est transformée en un appel de propositions seulement en juin 2018, en passant par un léger changement de nom au coût de 30 000 $ c’est-à-dire la substitution d’un mot (Laboratoire) par un autre (Centre). Ensuite les candidats ont eu environ cinq semaines pour préparer une proposition d’une complexité incroyable, un processus qui a généré du scepticisme par rapport à la viabilité du projet. Un consortium de l’Université Ryerson a été déclaré gagnant en novembre dernier, mais aucune annonce officielle n’a encore été faite – et selon l’appel de propositions, le Centre devrait être prêt à investir jusqu’à 23 millions de dollars d’ici la fin de mars.

Cette tendance aux idées grandioses, aux objectifs trop vagues et aux détails nébuleux en matière de mise en œuvre n’est pas unique au Centre des Compétences futures. Vous rappelez-vous les supergrappes? Une initiative phare d’un milliard de dollars du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique qui a annoncé en grande pompe les noms des gagnants en février 2018, mais dont les fonds n’ont été versés qu’en novembre à trois des cinq groupes lauréats. Il aura fallu neuf mois pour que les consortiums considérés comme « assez bons » reçoivent le soutien et pour que les ententes de financement soient réglées avec le ministère, ce qui pousse d’emblée à s’interroger sur la qualité du projet.

Un souhait clair pour les libéraux en vue des élections de 2019 : accorder priorité à l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes, et prendre garde aux plans de mise en œuvre fastidieux. Promouvoir une initiative avec charisme à la grandeur du pays c’est bien, mais le diable est dans les détails lorsqu’il est question de mettre en place de nouveaux programmes.

Ensuite, les conservateurs pourraient profiter de l’année électorale en cours pour tenter quelque chose de nouveau et d’audacieux : établir une norme pour le conservatisme canadien en proposant des politiques visant à régler de réels problèmes. Je sais, la sagesse populaire veut que, au cours de dernières années, les conservateurs aient su tirer profit du déni, de la tromperie et des idées farfelues dans leur propre intérêt politique. À en juger par la popularité des gens comme Stephen Bannon en tant que source d’inspiration pour tout politicien de droite dans le monde, on imagine facilement un cadre de conseillers politiques supposément experts s’adonnant à un nouveau fanatisme selon lequel pour gagner des votes, un chef conservateur doit avoir pris un engagement intégriste à l’égard de la bêtise.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, ait fait campagne en ne disant rien de pertinent à propos de la science, des compétences et de l’innovation, mais en parlant de liberté d’expression sur les campus, ce à quoi le premier ministre de l’Ontario Doug Ford s’est accroché avec plaisir lors de sa propre campagne électorale. Une banalité qui a déjà fait couler trop d’encre au pays en raison de la prépondérance des synergies entre polémistes de droite, fervents utilisateurs de médias sociaux et médias traditionnels.

Un souhait pour les conservateurs : Pourquoi ne pas essayer d’avoir les libéraux en présentant de meilleures idées sur des dossiers comme la science, l’innovation et les compétences? Rejetez catégoriquement l’idée que le fait de parler en faveur de ces sujets en public vous classe dans la catégorie des intellos.

Pour ce qui est du Nouveau Parti démocratique, à en juger par son succès dans les sondages, 2019 pourrait être une bonne occasion de faire un examen de conscience. Le parti pourrait envisager d’offrir une véritable solution de rechange aux politiques des libéraux et des conservateurs dans les dossiers qui touchent l’enseignement supérieur. Il pourrait commencer par cesser de réclamer « des frais plus bas » chaque fois qu’il est question des universités. Il est possible d’élaborer une plateforme favorable aux travailleurs sans pour autant adopter un point de vue réducteur centré sur les frais de scolarité, comme s’ils étaient la seule et unique cause des problèmes d’accessibilité, ou leur solution. Une plateforme distinctive sur la science et l’innovation serait aussi la bienvenue lors des débats politiques.

Ces souhaits peuvent sembler trop optimistes pour 2019, mais y a-t-il un meilleur moment d’abriter de bonnes pensées et d’espérer pour le mieux?

Creso Sá est directeur du Centre d’études en enseignement supérieur canadien de l’Institut pédagogiques de l’Ontario (IEPO) de l’Université de Toronto.

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