Pour que la quatrième révolution industrielle prenne la place qui lui revient à l’Université
La coopération interuniversitaire s’impose pour l’émergence de nouveaux modes de collaboration et de transmission des savoirs, grâce à l’intelligence artificielle.
Longtemps avant l’émergence de la notion d’intelligence artificielle telle que nous la connaissons aujourd’hui, le biochimiste et icône de la littérature de science-fiction Isaac Asimov établissait les trois lois de la robotique, dont la première, « un robot ne peut porter atteinte à un être humain » et la deuxième qui lui sert de corollaire, « un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains » sont d’une actualité brûlante en cette ère de révolution numérique. Or, les avancées technologiques en matière d’intelligence artificielle (IA) semblent provoquer une certaine anxiété dans les milieux de l’enseignement supérieur, à telle enseigne que certains prêchent l’élimination des dissertations du système d’évaluation des apprentissages universitaires.
Convaincue que l’IA peut contribuer à la réalisation du 4e objectif de développement durable (ODD) qui est d’« assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie », l’UNESCO milite pour que soient reconnues les possibilités qu’offre l’IA dans la lutte contre les inégalités d’accès au savoir, à la recherche et à la diversité des expressions culturelles. En 2019, cette agence des Nations Unies lançait un projet, « L’intelligence artificielle et les futurs de l’apprentissage », qui vise à examiner les possibilités et les défis de l’utilisation de l’IA dans l’enseignement, notamment dans l’apprentissage à distance et l’enseignement personnalisé. Ce projet devrait ultimement déboucher sur la création d’un réseau international de centres d’excellence sur la contribution de l’IA dans l’enseignement, notamment en matière d’éthique et de responsabilité, de partage de connaissances, d’outils et de pratiques exemplaires.
Partant du modèle des économies qui ont mieux résisté aux effets de la pandémie en passant plus rapidement à de nouveaux modes de travail numériques, le Conseil exécutif de l’UNESCO a adopté, lors de sa 214e session tenue le 8 avril 2022, la nouvelle Stratégie de l’UNESCO pour l’EFTP 2022-2029 : Transformer l’enseignement et la formation techniques et professionnels pour des transitions réussies et justes, qui vise le relèvement et le renforcement de la résilience postpandémie en misant notamment sur l’évolution technologique pour atteindre l’égalité de l’accès aux savoirs. À l’ouverture du forum du Conseil économique et social autour de la science, de la technologie et de l’innovation, son président, Collen Vixen Kelapile, rappelait que les avancées technologiques inspiraient autant l’admiration que la peur, mais qu’il fallait faire pencher la balance vers l’espoir et redonner à ces domaines leur place de « vitrine de l’ingéniosité humaine ».
En dépit de la méfiance des uns et du manque de préparation des autres, l’IA prend de plus en plus de place dans l’enseignement supérieur. De nombreuses universités y recourent déjà dans l’enseignement et l’apprentissage. Alors que la professeure Elizabeth Ellis, responsable de la School of Digital Education de l’Université Arden au Royaume-Uni milite pour que l’IA prenne le relais des « activités fastidieuses » dans l’enseignement, tels le référencement bibliographique et l’évaluation, la Massachusetts Institute of Technology utilise déjà l’IA pour dynamiser l’expérience d’apprentissage et l’Université de Stanford l’a intégré dans l’élaboration de programmes d’apprentissage adaptatifs destinés à accompagner ses étudiantes et étudiants. D’autres universités se sont également jointes à la révolution numérique et travaillent à intégrer l’IA de plus en plus dans leurs programmes. Ainsi, l’Université de technologie de Delft, aux Pays-Bas a créé un laboratoire d’apprentissage en ligne qui utilise l’IA pour stimuler l’intérêt de sa communauté étudiante et aider le corps enseignant à adapter les contenus pour mieux cibler les lacunes des classes. L’Université de technologie de Munich (TUM) en Allemagne a quant à elle créé une chaire spécialisée dans la robotique, l’IA et les systèmes d’exploitation en temps réel pour étudier les applications de l’IA dans l’enseignement et la recherche. En France, l’Université Paris-Saclay est devenue un pôle de recherche sur le rôle de l’IA dans l’apprentissage automatique « profond » et elle œuvre en partenariat avec le secteur privé et les milieux de la science, tout comme l’Institut MIAI de l’Université Grenoble Alpes.
Bien qu’elle offre des avantages prometteurs dans l’enseignement supérieur, il importe d’analyser minutieusement ses forces et ses faiblesses afin d’en exploiter les possibilités au maximum.
Réglementation de l’utilisation de l’IA – L’un des risques posés par l’IA et soulevé par de nombreux collèges et universités concerne la collecte et la gestion de renseignements personnels, ce qui pose des questions d’éthique et de responsabilité. Dans la foulée de l’interruption de l’utilisation de ChatGPT par l’Italie au début du mois d’avril, le professeur Urs Gasser de la TUM croit qu’il faut plutôt se tourner vers l’établissement d’une législation claire sur l’usage de l’IA au lieu de l’interdiction pure et simple. Vu les nombreuses possibilités qu’offre l’IA, il importe de rétablir l’équilibre entre les avantages et les inconvénients des progrès technologiques et adopter une approche préventive qui en permet une utilisation efficace et sécuritaire.
Apprentissage plus inclusif et plus accessible – La réalisation du 4e ODD passe par la démocratisation de l’accès au savoir et la révolution numérique offre les solutions nécessaires. L’IA rend possible l’apprentissage dans un format personnalisé et adapté en fonction des besoins de la personne apprenante. L’IA peut être utilisée non seulement pour personnaliser l’apprentissage, mais également le développement de nouveaux modèles et outils pédagogiques pour le corps enseignant comme pour la communauté étudiante. En outre, un même contenu peut être offert en format audio ou vidéo ou texte, et ce, dans une multiplicité de langues. Si les progrès de l’IA permettent la propagation des savoirs, ils offrent également des possibilités d’innover en matière d’accès, d’inclusivité et d’égalité dans l’apprentissage.
Dynamisation des publications en libre accès – L’utilisation accrue de l’IA met la pression sur la question des droits de propriété intellectuelle à l’ère de l’édition en libre accès. Le pouvoir transformateur des technologies assistées par l’IA dans les plateformes de publication est indéniable et peut contribuer à accroître la visibilité tout en stimulant la recherche. Pour que l’IA soit véritablement efficace en matière de données, il faut que les algorithmes soient de qualité, mais surtout, il faut multiplier les données disponibles en libre accès, notamment dans les langues autres que l’anglais afin de pourvoir également à la diversité des données. Pour Kuansan Wang, directeur de Microsoft Research Outreach Academic Services, il n’y a aucun doute que pour maximiser son potentiel, le libre accès nécessite des solutions technologiques qu’offre l’IA.
Accroissement des espaces de collaboration – La mobilité universitaire rend propice la collaboration. Mais les déplacements ne sont pas toujours possibles, comme vient de nous le montrer la pandémie. Or, la création de plateformes collaboratives peut pallier les obstacles à la mobilité. L’Université de Glasgow a investi pas moins de 116 millions de livres sterling (approximativement 194 millions de dollars canadiens) dans la création d’un centre de recherche avancé, ARC XR, pour propulser la recherche collaborative soutenue par l’IA. Pour le chercheur Neil McDonnell, il est temps de penser à créer un environnement adapté à la recherche d’aujourd’hui pour qu’elle soit utile demain.
Collaboration humain-machine — Le Consensus de Beijing sur l’intelligence artificielle et l’éducation tenu en 2019 prône une approche humaniste du déploiement des technologies d’IA pour que l’innovation technologique n’entraîne pas le recul de l’échange humain dans l’enseignement. Alors que l’IA présente un environnement virtuel propice à l’enseignement, l’apprentissage et la recherche, on ne saurait faire l’impasse sur l’interaction en personne. Les universités doivent viser le meilleur des deux mondes, en complétant les activités étudiantes sur le campus par des activités virtuelles. Pour Ben Swift, de l’Université nationale australienne, il est utile de comprendre comment l’IA transformera l’enseignement supérieur, par la manière dont les humains interagiront avec la technologie et les risques de changement de comportement que cela implique, afin d’éviter que l’avenir de l’IA dans l’enseignement ne se transforme en « dystopie ».
Certes, le développement et la mise en œuvre de l’IA dans l’enseignement supérieur nécessitent un financement phénoménal, en particulier pour les établissements qui n’ont pas accès aux ressources nécessaires. La nécessité d’une coopération interuniversitaire s’impose pour l’émergence de nouveaux modes de collaboration et de transmission des savoirs, grâce à l’IA, pour que la quatrième révolution industrielle prenne la place qui lui revient à l’université.
Postes vedettes
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Doyen(ne), Faculté de médecine et des sciences de la santéUniversité de Sherbrooke
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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