Les entreprises multiplient les programmes de bourses d’études pour tisser des liens durables
De nombreuses entreprises canadiennes créent des programmes de bourses d’études dans le but de promouvoir leur responsabilité sociale.
Il y a quelques années, Rogers Communications cherchait à renouveler sa stratégie en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), à savoir un mélange de relations publiques, d’action philanthropique et d’investissements au profit de la collectivité qui est de rigueur pour l’ensemble des entreprises privées de nos jours. « Nous n’avions guère de doute sur la stratégie à privilégier, raconte Peter King, directeur principal, RSE, chez Rogers. Appuyer l’éducation par des bourses d’études est une noble cause. Notre fondateur, Ted Rogers, était d’ailleurs convaincu qu’une nation instruite est une nation forte. »
Président-directeur général de l’entreprise jusqu’à son décès en 2008, M. Rogers se plaisait à qualifier l’éducation de « grand vecteur d’égalité ». Si les convictions de M. Rogers expliquent que l’entreprise ait privilégié l’éducation pour s’acquitter de sa responsabilité sociale, elle n’est pas la seule entreprise à avoir choisi ce créneau.
Malgré l’inexistence au Canada de données objectives sur la provenance de l’aide financière aux étudiants, les spécialistes estiment qu’elle émane de plus en plus du secteur privé. Gestionnaire de Partenaires en bourses d’études Canada – un service d’Universités Canada –, Julia Scott affirme recevoir chaque année un nombre croissant de demandes d’entreprises désireuses de lancer leur propre programme de bourses d’études (Rogers fut l’une d’elles, en 2016).
Chris Wilkins est président-directeur général d’EDge Interactive, qui publie scholarshipscanada.com, le site Web qui répertorie toutes les bourses d’études. Selon lui, les entreprises font de plus en plus connaître sur ce site leurs bourses d’études axées sur la RSE. Jane Thompson, directrice du programme Bourses d’études TD pour le leadership communautaire, confirme l’intérêt croissant des entreprises à cet égard. « Il s’agit en partie pour elles de donner l’image d’entreprises citoyennes, explique-t-elle, ajoutant qu’une telle image est désormais essentielle pour attirer une main-d’œuvre qui sera en phase avec le travail qu’elle fait, en particulier la génération du millénaire. »
Comme l’a clairement montré une étude portant sur les 18-36 ans à la recherche d’un emploi parue en 2016 dans la Revue canadienne des sciences du comportement, depuis quelques années, la RSE est devenue le mot d’ordre en matière de recrutement. D’autres études ont conduit à des résultats semblables, ailleurs dans le monde.
Tout cela renforce l’intérêt des stratégies en matière de RSE axées sur les étudiants universitaires, selon Dev Jennings, directeur du Centre canadien de responsabilité sociale d’entreprises de l’Université de l’Alberta : « Nombre de bourses d’études ne s’élèvent qu’à quelques milliers de dollars, mais ça n’empêche pas les étudiants et leurs parents de les apprécier. C’est un bon investissement pour les entreprises. »
Lancé en 1996, le programme Bourses d’études TD pour le leadership communautaire est le plus ancien et le plus important programme de bourses d’études axé sur la RSE au Canada. Les bourses peuvent atteindre 70 000 dollars sur quatre ans, en plus de donner accès à des emplois d’été au sein de la banque. Les boursiers sont sélectionnés avant tout en fonction de leur engagement communautaire et non de leurs notes, peu importe le programme d’études qu’ils suivent.
Lancée en 2017, la Bourse d’études Ted Rogers a une démarche semblable. L’entreprise s’appuie sur 15 organisations communautaires, comme Grands frères Grandes sœurs, le YMCA ou encore Les Clubs Garçons et Filles du Canada, pour dénicher des candidats ayant fait preuve de compétences en leadership et d’engagement communautaire. Le programme a jusqu’à présent décerné des bourses de 10 000 dollars à 318 étudiants, partout au pays.
Autre nouveau commanditaire de bourses d’études, la fondation Beedie Luminaries a été mise sur pied grâce à un don personnel de 50 millions de dollars du promoteur immobilier vancouvérois Ryan Beedie. Son programme est davantage axé sur la philanthropie que sur la RSE, mais témoigne largement de l’image de marque de Beedie. De plus, comme les programmes de bourses d’études de Rogers et de TD, il est accessible aux étudiants de toutes les disciplines, ce qui constitue une autre tendance émergente (traditionnellement, beaucoup de bourses émanaient d’entreprises des secteurs énergétique et financier et étaient donc réservées aux étudiants des disciplines les plus susceptibles de joindre les rangs de ces entreprises).
Selon Mme Thompson, la nouvelle stratégie de TD vise moins à recruter du talent qu’à répondre à l’évolution des préoccupations des étudiants. « C’est fascinant de voir avec quelle rapidité les universités sont parvenues à faire la transition pour se tourner vers la protection de l’environnement, la justice sociale ou le développement international c’est-à-dire pour aborder de front les questions qui préoccupent aujourd’hui les jeunes de 17 ans. »
L’offre de bourses d’études non réservées aux étudiants d’un petit éventail de disciplines est en outre une bonne stratégie pour les entreprises désireuses d’attirer une main-d’œuvre qui arrive sur un marché en rapide évolution. « Le temps des bourses ciblées est révolu, estime M. Jennings. La génération actuelle se tourne vers les mégadonnées et l’intelligence artificielle. Les entreprises prennent conscience qu’elles auront besoin d’un large éventail de compétences et de talent. »
Il rappelle aussi combien les bourses d’études axées sur la RSE sont rentables pour les entreprises : il leur suffit d’investir quelques milliers de dollars pour pouvoir ensuite concocter de jolis récits témoignant de l’aide qu’elles apportent aux jeunes Canadiens. Mme Scott est d’accord : « Ces bourses procurent de nombreux avantages aux entreprises. […] Une bourse d’études s’étale sur des années. Son titulaire en profite dès le début de ses études postsecondaires, ce qui crée des liens. »
Aube Giroux peut en témoigner. Aujourd’hui réalisatrice de documentaires en Nouvelle-Écosse, elle était de la première cohorte de boursiers TD, en 1996. Sa bourse lui a permis de financer ses études et de profiter d’occasions hors du cadre scolaire. « Je viens d’une famille relativement modeste, dit-elle. Sans ma bourse, j’aurais été lourdement endettée au terme de mes études. Je n’aurais pas pu autant voyager, mes perspectives d’emploi auraient été limitées. » TD a permis à Mme Giroux d’occuper divers emplois d’été, dans plusieurs villes. Elle a même travaillé dans un refuge pour femmes aux frais de TD.
Pour maintenir ses liens avec ses boursiers après l’obtention de leur diplôme, TD organise des conférences et des activités. L’entreprise constitue aussi ce que Mme Thompson appelle un « réseau de leaders émergents ». Les liens entre TD et ses boursiers ont toutefois été mis à l’épreuve en 2016 quand Mme Giroux et 68 autres d’entre eux lui ont demandé dans une lettre ouverte de se désengager du projet d’oléoduc baptisé Dakota Access Pipeline.
Mme Giroux affirme n’avoir subi aucune pression de TD, mais elle croit que les jeunes boursiers actuels seraient plus réticents à critiquer leur bienfaiteur. Quoi qu’il en soit, cette affaire n’a pas brisé le lien de Mme Giroux avec TD. « Malgré tout, et bien que je ne sois plus boursière depuis longtemps, cette relation demeure. »
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
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