L’utilisation des organoïdes se taille une place en recherche médicale
Des scientifiques cultivent de petites structures multicellulaires en laboratoire pour vérifier des hypothèses, modéliser des maladies et tester des médicaments.
On dirait un scénario de science-fiction, mais des chercheurs cultivent bel et bien des similiorganes, ou organoïdes, en laboratoire. Ces amas multicellulaires tridimensionnels qui ne font souvent que quelques millimètres imitent certaines structures et fonctions organiques à l’échelle cellulaire.
« On parle parfois de “minicerveaux”, mais ce n’est pas juste », explique Jeffrey Wrana, professeur de génétique moléculaire à l’Université de Toronto qui travaille avec des organoïdes cérébraux. « Les organoïdes ne font que reproduire certaines fonctions neuronales précises. Ils ne sont pas réellement autonomes. »
Cela vaut aussi pour les organoïdes de foie, de reins, d’intestins et de vaisseaux sanguins, qui sont loin d’avoir la taille ou la polyvalence de leurs modèles in vivo. Ils permettent néanmoins de vérifier des hypothèses, de modéliser des maladies et de tester des médicaments. À l’avenir, les organoïdes pourraient favoriser la médecine personnalisée et faciliter la thérapie cellulaire. Ils pourraient même réduire l’utilisation des tests sur les animaux, dont dépend beaucoup la recherche actuelle.
« C’est une technologie révolutionnaire », se réjouit Andrew Stadnyk, professeur au Département de microbiologie et d’immunologie de l’Université Dalhousie qui étudie le système digestif. Selon Josef Penninger, professeur à l’Université de la Colombie-Britannique qui travaille avec des organoïdes vasculaires, « c’est un domaine en pleine expansion ».
La science des organoïdes progresse depuis plusieurs décennies, soit depuis qu’on a découvert que les cellules souches pouvaient s’organiser et se différencier in vitro. Elle offre un modèle expérimental viable depuis une dizaine d’années : le premier organoïde cérébral a été créé en 2013. Durant ses cinq ans de travaux sur le sujet, M. Wrana a vu émerger des systèmes de plus en plus complexes, calqués sur différents organes.
Aujourd’hui, les organoïdes représentent un gros filon. Selon la société de capital de risque et de capital-investissement Insight Partners, le marché mondial des organoïdes, estimé à 689 millions de dollars américains en 2019, devrait atteindre plus de 3 milliards de dollars américains d’ici 2027. Plusieurs chercheurs, dont M. Penninger, s’empressent de déposer des demandes de brevets et de fonder des entreprises dérivées.
Étudier le développement des maladies
Auparavant, pour étudier le tube digestif, M. Stadnyk observait des cellules cancéreuses, une pratique courante en recherche in vitro. Or, il précise que « ce ne sont pas des cellules normales, alors il y a des limites à ce qu’on peut en tirer ». Quant aux modèles animaux, ils présentent trop de « bruit » pour qu’on puisse isoler les fonctions cellulaires basiques. Mais grâce aux organoïdes, M. Stadnyk et un étudiant en maîtrise ont confirmé que les cellules épithéliales produisent de l’interleukine-10, une découverte qui pourrait faciliter la compréhension des maladies inflammatoires intestinales. « La question est très simple, reconnaît-il, mais elle a fait l’objet de vifs débats. »
Les organoïdes cérébraux permettent de suivre le développement des maladies cognitives. À l’Université de Calgary, Deborah Kurrasch, professeure de génétique médicale, compare le développement de parties de cerveaux sains et épileptiques. De son côté, les travaux de M. Wrana portent sur l’influence de la génétique sur le développement précoce du cerveau et qui pourrait être lié aux troubles du spectre de l’autisme. À l’Université de la Colombie-Britannique, M. Penninger se penche sur les malformations vasculaires, y compris celles liées au diabète, et sur la façon dont elles réagissent aux médicaments.
Selon M. Wrana, 90 % des médicaments expérimentaux sont inefficaces, mais les organoïdes, en tant qu’outils de modélisation, pourraient améliorer le taux de réussite des traitements. « Le perfectionnement du processus de découverte de médicaments pourrait avoir des retombées importantes pour la société », souligne-t-il.
La promesse de la médecine personnalisée
Dans l’avenir, les organoïdes pourraient faire progresser la médecine personnalisée. Si un patient ne répond pas à son traitement, par exemple, les chercheurs pourraient créer des organoïdes à partir de ses cellules souches pour tester d’autres médicaments. M. Penninger a déjà réalisé des greffes d’organoïdes vasculaires sur des souris. Ils se sont adaptés à leur hôte et sont devenus fonctionnels. Avec le temps, on pourrait même cultiver des parties d’organes pour réaliser des greffes cellulaires.
Cela soulève des préoccupations d’ordre éthique, mais il est peu probable que les chercheurs arrivent à produire des organes entiers. « Les organoïdes ne sont pas parfaits, et nous ne connaissons pas encore bien leurs limites », déclare M. Stadnyk. Il est par exemple difficile de garder les cultures d’organoïdes en vie à long terme, car elles ont tendance à s’agglutiner, ce qui provoque la mort des cellules internes et pourrait diminuer leur valeur scientifique. « Quelle est l’influence de ce phénomène sur l’influx nerveux et les connexions neuronales? », s’interroge Mme Kurrasch. Afin de parfaire le modèle, les chercheurs s’échangent divers conseils. La professeure de génétique médicale a par exemple entendu parler d’une chercheuse qui taille ses organoïdes pour que les cellules internes aient accès aux nutriments.
M. Wrana explique que le modèle se perfectionne au fil du temps, mais qu’il ne s’agit jamais d’une priorité. « On obtient des subventions pour tester des hypothèses, et le développement des modèles doit s’y intégrer. On ne peut pas travailler sur les organoïdes à temps plein. »
Autre problème, les organoïdes cultivés en laboratoire pendant des mois ressemblent à des organes de fœtus ou d’enfant. « Quand on étudie l’Alzheimer sur des organoïdes ayant une maturité de deux ans, on travaille dans un environnement très différent d’un cerveau de 70 ans », déclare Mme Kurrasch.
De plus, les réactifs qui permettent de démarrer une culture sont très onéreux. Il existe des trousses pour améliorer la rapidité et la fiabilité du processus, mais là encore, il faut débourser des sommes astronomiques. « Le modèle est ridiculement cher », ajoute Mme Kurrasch. Durant un certain temps, son laboratoire dépensait 1 200 dollars par mois en réactifs. M. Wrana prédit qu’à terme, la généralisation des organoïdes et l’accroissement de la concurrence contribueront à faire baisser les prix.
Pour l’instant, la recherche animale demeure une option moins coûteuse pour les laboratoires déjà équipés à cette fin. Selon le Conseil canadien de protection des animaux, l’expérimentation animale a augmenté de 11 % en 2020. Même si certains chercheurs espèrent que les organoïdes pourront un jour renverser la vapeur, il sera probablement impossible d’éliminer tout à fait cette pratique. « Pour les pathologies plus complexes, nous devons quand même recourir à l’expérimentation animale, indique M. Penninger. Notre objectif est de trouver le meilleur modèle possible : dans beaucoup de cas, il faut en combiner plus d’un. »
Postes vedettes
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
Laisser un commentaire
Affaires universitaires fait la modération de tous les commentaires en appliquant les principes suivants. Lorsqu’ils sont approuvés, les commentaires sont généralement publiés dans un délai d’un jour ouvrable. Les commentaires particulièrement instructifs pourraient être publiés également dans une édition papier ou ailleurs.