Une fin discrète pour Dimensions
Malgré des avancées importantes dans les établissements participants, le projet pilote s’est terminé en 2023.
La fin du projet pilote Dimensions, avec aucune autre suite en vue, mais surtout, l’absence de communication claire à ce propos, laissent les 17 établissements qui y ont participé dans le brouillard. « C’est décevant », confie Eden Hennessey, spécialiste des données en matière d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) au bureau du vice-recteur associé EDI de l’Université Wilfrid Laurier. Comme plusieurs, la professeure avait entendu circuler des rumeurs par rapport à l’absence de financement accordé dans le budget déposé au 31 mars 2023, et donc la fin de Dimensions. « C’est un peu déroutant, parce que ce genre de travail demande du temps », précise-t-elle. « À ma connaissance, nous n’avons pas reçu de lettre officielle. J’espérais que les négociations étaient en cours et que nous serions avertis à temps », raconte pour sa part Malinda Smith, vice-provost EDI à l’Université de Calgary.
Kirsty Duncan, qui était ministre des Sciences et du Sport au moment du lancement du projet pilote, a d’ailleurs interrogé la Chambre des communes à ce sujet en octobre dernier. La réponse, reçue le 12 décembre, confirmait la fin du programme. Selon nos informations, l’équipe aurait été démantelée à l’automne 2023. « Je suis très déçue qu’un programme ayant eu autant de succès et une reconnaissance internationale ait pris fin », nous a écrit celle qui a les questions d’EDI à cœur.
Lancé en 2018, le projet pilote Dimensions était une vaste initiative soutenue par les trois agences fédérales de financement de la recherche (Instituts de recherche en santé, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et Conseil de recherches en sciences humaines du Canada). Le programme était particulièrement ambitieux, allant plus loin que tout autre programme du même type dans le monde. Les 17 établissements qui avaient été sélectionnés — sur les 40 ayant soumis une lettre d’intérêt — travaillaient en collaboration pour mieux définir un programme pertinent pour tous les établissements d’enseignement supérieur canadiens. « C’était emballant d’avoir été sélectionnés », se rappelle Mme Smith. De plus, 143 établissements (cégeps, universités, agences gouvernementales, instituts de recherches) ont signé la Charte Dimensions.
Petit investissement, grandes retombées
Par courriel, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), qui était responsable de la gestion de Dimensions, explique que le projet pilote « n’a bénéficié que d’un financement temporaire. Les réalités fiscales actuelles rendent extraordinairement difficile l’extension de programmes pilotes sans budget associé ». Rappelons qu’à l’automne dernier, le fédéral a demandé à tous ses ministères de se serrer la ceinture.
Bien sûr, il est courant qu’un programme de subvention ou qu’un projet pilote n’ait pas de suite, « mais habituellement, c’est déterminé à la lumière d’une évaluation », note Mme Smith. Or, la fin du financement a ici été déterminée avant l’évaluation. Celle-ci, réalisée avec la Division de l’évaluation du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, devrait être rendue publique « au début de l’année 2024 », écrit le CRSNG. Celle-ci est attendue par les établissements partenaires. « Je serais curieuse de connaître les impacts du projet pilote. Dans d’autres programmes, l’évaluation a donné lieu à des articles scientifiques », donne comme exemple Mme Hennessey.
Pourtant, le programme Dimensions n’était pas très dispendieux, selon plusieurs sources. La totalité du budget de 5 millions de dollars sur cinq ans n’aurait pas non plus été complètement dépensée.
« Dimensions ne demandait pas beaucoup de financement, mais avait une grande portée », croit Kamel Beji, directeur du bureau EDI à l’Université Laval. « C’est dommage, considérant que le programme représente une petite proportion des programmes fédéraux », ajoute Steven Liss, vice-président à la recherche et à l’innovation à l’Université métropolitaine de Toronto.
En effet, si les établissements pouvaient faire une demande au programme de subventions de renforcement des capacités institutionnelles en matière d’EDI (financé à la hauteur de 5,3 millions sur cinq ans), les 17 établissements du pilote n’ont pas reçu d’emblée une assistance financière. La majeure partie des établissements ont donc eux-mêmes « investi beaucoup de ressources et d’énergie et en pleine pandémie », souligne Mme Smith, dont l’université faisait à l’époque face à ses propres défis financiers.
Aller de l’avant malgré tout
Même si Dimensions s’est terminé, plusieurs avancées ont pu être réalisées dans ces cinq années. « Cela a favorisé la mise en place d’une communauté de pratique où nous avons mis en commun des pratiques prometteuses et des ressources. Dimensions et sa Charte étaient comme un phare pour les universités », remarque M. Liss. Le professeur Beji est du même avis : « Le projet pilote était un levier, une motivation pour faire des choses. » L’Université Laval s’est ainsi dotée d’un plan d’action EDI. « On a saisi cette occasion pour travailler ensemble et bonifier ce qui se faisait sur le campus », poursuit-il.
Selon le CRSNG, Dimensions a permis de rehausser le profil de l’EDI dans tous les établissements, de créer des postes, des bureaux et des comités dédiés à l’EDI, de modifier les pratiques d’embauche et, dans certains cas, d’améliorer des espaces physiques. Les établissements ont pu mieux comprendre leurs forces et les lacunes auxquelles s’attaquer, en particulier sur le plan des données et de leur analyse, pour prendre des décisions éclairées. « L’aiguille a bougé », résume Mme Hennessey.
Malgré tout, les universités comptent aller de l’avant et continuer leurs efforts pour abattre les barrières et être plus inclusives. « Avec ou sans le programme de reconnaissance fédérale, l’Université métropolitaine de Toronto ira de l’avant et défendra les valeurs d’EDI », soutient M. Liss. Parce que si obtenir une reconnaissance était motivant, « c’est davantage le processus et l’introspection qui furent incroyablement précieux », note Mme Hennessey.
La fin du programme n’aura pas le même impact partout, notamment pour les établissements de petite taille ou qui n’ont pas de personnel dédié à l’EDI. « La conversation ne se poursuivra peut-être pas; la fin de Dimensions pourrait être interprétée comme un manque de soutien », avance Mme Hennessey. Parce que même si « les agences vont poursuivre leurs efforts de soutien à l’EDI », assure-t-on au CRSNG, « quel genre de message envoie [la fin de Dimensions] aux établissements ?», se demande Mme Hennessey.
Si « la vague de l’EDI prend tout le pays, et qu’il est inévitable que ça revienne, sous la forme de Dimensions ou d’une autre » selon M. Beji, l’ancienne ministre Duncan ne cache pas sa déception. « Des millénaires de patriarcat et des siècles de colonialisme et d’esclavage laissent des marques indélébiles. Ce n’est pas le temps d’arrêter, mais plutôt de continuer et de réparer […] les inégalités. »
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
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