Direction de recherche : comment bien gérer la relation de supervision
Quatre stratégies pour aider les étudiant.e.s aux cycles supérieurs à inscrire leurs besoins parmi les priorités de leur professeur.e.
Quand j’étais étudiant au doctorat, je me suis porté volontaire pour faire la navette de l’aéroport au campus pendant un colloque de quelques jours. En reconduisant un réputé professeur le samedi matin à l’aéroport, je lui ai demandé pourquoi il ne restait pas pour une allocution fort attendue qui devait avoir lieu le soir même. Il m’a répondu qu’il devait assister au match de soccer de sa fille le lendemain matin. Je n’avais jamais pris conscience qu’un professeur pouvait avoir des responsabilités plus importantes que son travail universitaire. En fait, je ne savais rien de la vie de professeur.
Trente ans plus, alors que j’étais doyen des études supérieures, j’ai entrepris de tenter d’améliorer la relation liant étudiant.e et directeur.trice afin de diminuer le nombre de problèmes portés à mon attention. Étant donné le déséquilibre de pouvoir inhérent à cette relation, je me suis employé à orienter le comportement professoral. J’ai lu sur les pratiques exemplaires, consulté d’autres universités, créé un groupe de travail, révisé les règlements, publié des conseils sur le site Web de mon établissement et organisé des ateliers. Après un certain temps, j’ai compris que j’avais deux problèmes.
Le premier : les professeur.e.s qui portaient attention à mes interventions étaient déjà de bon.ne.s superviseur.e.s.
Le deuxième : en insistant sur le déséquilibre de pouvoir, j’avais laissé entendre, à l’instar d’autres doyen.ne.s et leaders étudiants, que la solution aux problèmes d’encadrement était de régir le comportement professoral. Or, cette façon de faire renforce l’idée que les professeur.e.s sont responsables de la relation, alors que ce sont les étudiant.e.s qui ont le plus à gagner d’une expérience gratifiante aux études supérieures. J’ai donc décidé d’inciter les étudiant.e.s à prendre les rênes de la relation et à se mettre à la place de leurs directeur.trice.s.
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Me souvenant de ma propre naïveté, je commençais l’atelier en demandant aux étudiant.e.s de dresser la liste des responsabilités d’un.e professeur.e. Évidemment, l’enseignement, la correction, l’encadrement d’étudiant.e.s, la recherche et la publication arrivaient généralement en tête de liste. Les étudiant.e.s en sciences mentionnaient la gestion de laboratoires et la rédaction de demandes de subvention, et leurs collègues en sciences humaines, la participation à des colloques dans des villes européennes romantiques ou à des conférences publiques. Venaient ensuite les responsabilités administratives. À un certain moment, quelqu’un suggérait que les professeur.e.s devaient bien consacrer du temps à leurs loisirs et à leur famille.
Une fois le tableau rempli de responsabilités des professeur.e.s, je demandais : « Pourquoi l’encadrement d’étudiant.e.s aux cycles supérieurs diffère-t-il de la plupart des autres responsabilités de cette longue liste? » La première réponse était habituellement : « Parce qu’il n’y a pas de conséquence si le travail est mal fait. » Ce n’est pas faux, mais je proposais une reformulation : l’encadrement d’étudiant.e.s aux cycles supérieurs est l’une des quelques responsabilités professorales dont le non-respect d’échéances n’entraîne pas de conséquence.
La plupart des professeur.e.s carburent aux échéances, que ce soit pour préparer un cours, noter des travaux, rédiger un article, envoyer des révisions à la personne responsable d’une revue ou demander une subvention. Toutes ces tâches s’accompagnent d’une date butoir qui ne dépend pas des professeur.e.s, au contraire de l’encadrement d’étudiant.e.s. Précisons que les universités établissent une date limite pour l’obtention du diplôme, mais c’est l’étudiant.e qui est pénalisé.e si celle-ci est dépassée. Il n’est donc pas surprenant qu’entre respecter une échéance imminente et lire la deuxième version du chapitre trois d’une thèse, des professeur.e.s choisissent la tâche la plus urgente. Et la plupart d’entre nous avons une longue liste de tâches urgentes à faire et d’échéances fixes à respecter.
La deuxième moitié de l’atelier était consacrée à la manière de prendre en charge cette relation de supervision, et de s’assurer que les besoins de l’étudiant.e figurent parmi les priorités de l’universitaire. Je conseillais essentiellement aux étudiant.e.s de contourner (plutôt que de contester) le déséquilibre de pouvoir en communiquant avec clarté et en créant des tâches assorties d’échéances. Voici les stratégies les plus efficaces que vous gagnerez à adopter.
1. Prévoir des rencontres régulières. Leur fréquence peut varier selon les phases de votre travail. Assurez-vous toutefois que votre directeur.trice inscrive ces rencontres régulières à son agenda. Et envoyez-lui un ordre du jour quelques jours auparavant. N’annulez pas une rencontre. Si vous jugez qu’il n’y a rien à discuter, faites le point sur l’avancement de vos recherches ou sollicitez des conseils sur une question donnée. Après la rencontre, envoyez-lui un résumé des points abordés et une liste des mesures à prendre (pour les deux) assorties d’une échéance, par exemple : « Nous avons convenu que je remettrais le chapitre trois le 15 mars et que vous m’enverriez vos commentaires avant le 25 mars.
2. Fournissez l’information nécessaire afin que votre superviseur.e puisse répondre à vos besoins. Ne vous contentez pas de lui demander une lettre de recommandation : dressez une liste des réalisations pertinentes pour la bourse que vous souhaitez obtenir. Ne lui demandez pas : « Comment dois-je structurer ce chapitre? » Donnez-lui trois options et sollicitez une recommandation de sa part.
3. Tirer au clair la question de la propriété intellectuelle, source de nombreux conflits entre étudiant.e.s et directeur.trice.s. Couchez votre entente par écrit avant de commencer votre travail. Quels droits détenez-vous sur les données que vous produisez? Si vous utilisez les idées, les données, les méthodes ou l’équipement de votre directeur.trice, son nom devra-t-il apparaître dans votre recherche?
4. S’informer des moments où votre directeur.trice sera très occupé.e ou à l’extérieur du campus. Je ne compte plus le nombre d’ébauches qui m’ont été remises la veille de mes vacances. Discutez avec votre directeur.trice du moment où son horaire lui permettra de lire des chapitres ou de vous aider à planifier une expérience. Faites-le des mois ou des semaines d’avance, et demandez-lui de fixer une date où le travail escompté pourra être accompli. Une à deux semaines avant la date prévue, rappelez-lui son engagement.
Si vous voulez réussir vos études supérieures, vous avez intérêt à prendre en main cette. Le déséquilibre de pouvoir n’en sera pas moins présent, mais votre directeur.trice vous sera reconnaissant.e d’assumer une part de la responsabilité.
Jonathan Driver est professeur d’archéologie à temps partiel et ancien doyen aux études supérieures et provost de l’Université Simon Fraser.
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
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