La Bourse Rhodes : comment gagner le « jackpot académique » ?

À l’été 2023, fraîchement diplômé en journalisme de l’Université Concordia à Montréal, j’ai entamé mon stage à CBC News entre Londres et Toronto, où j’ai couvert des conflits internationaux, dont l’invasion de mon pays d’origine, l’Ukraine. Mes proches étant à l’abri des missiles russes, j’ai ressenti l’urgence de contribuer durablement à la sécurité internationale et de mieux comprendre l’ordre mondial en constante mutation. Porté par cette mission personnelle, j’ai décidé de viser haut et de postuler à la plus ancienne bourse d’études supérieures au monde – la Rhodes Scholarship – afin de poursuivre mes objectifs académiques à l’Université d’Oxford.

Sans surprise, la première étape écrite exige beaucoup de temps et de concentration. Cependant, un plan stratégique permet d’éviter de réécrire des brouillons sans cesse en essayant de rédiger une dissertation « parfaite ». Mon premier conseil serait donc de composer soigneusement une histoire personnelle suivant une séquence logique. Par exemple, on commence par une anecdote qui a marqué un tournant dans notre vie, puis on la relie naturellement à une expérience académique et professionnelle pertinente et enfin on connecte le message principal aux futures aspirations à Oxford et au-delà.  

Mon deuxième conseil serait de faire une distinction claire entre la dissertation personnelle et la déclaration académique, car cette dernière nécessite des recherches approfondies sur le programme, ses cours, les membres du corps enseignant ainsi que quelques diplômés remarquables. Faites en sorte que chaque mot compte : évitez des phrases générales et des clichés, car des dizaines de candidats « aspirent à aider ceux qui sont dans le besoin et à étudier dans une institution prestigieuse ». Si cet objectif vous ressemble, remplacez-le par des exemples uniques tirés de votre propre expérience, montrant au jury pourquoi vous méritez d’être un boursier Rhodes. 

Lorsque vous atteignez l’étape finale – la soirée cocktail et l’entretien en personne – n’oubliez pas de vous concentrer sur votre propre mission au lieu de vous comparer aux autres finalistes. Il est possible que vous soyez impressionnés par certains qui ont étudié dans des établissements mieux classés, effectué des stages « plus impressionnants » à l’étranger ou atteint des résultats sportifs de niveau olympique.  

Cependant, n’oubliez pas que vous êtes là pour une raison. Profitez de cette occasion pour apprendre des autres, tout en montrant un réel intérêt pour le parcours des juges de Rhodes afin d’avoir des conversations constructives en amont de l’entretien. Enfin, profitez de l’entrevue pour montrer votre personnalité et votre charisme, car vous n’êtes plus un candidat sur papier. D’après mon expérience personnelle, la majorité des questions évaluaient moins mes connaissances techniques que ma capacité à gérer la pression et à fournir des réponses éloquentes, même sur des sujets controversés, en anglais et en français. 

Je n’ai encore jamais rencontré un boursier Rhodes qui pensait avoir réussi l’entretien à 100 pourcent — mais la bonne nouvelle, c’est que les juges Rhodes ne vous laisseront pas dans l’incertitude. Chaque finaliste reçoit un appel dans la soirée du dernier jour de la sélection. Félicitations ! La partie la plus difficile est maintenant derrière vous. Mais c’est là que le fun commence (ou, en fait, continue) …  

Les paparazzis ne vous suivront pas (désolé), mais les médias le feront. Préparez-vous à recevoir plusieurs demandes d’entrevue de la part des médias locaux, de votre université et, dans mon cas, de notre diffuseur public national. En tant que journaliste, j’ai accepté ces entretiens comme un poisson dans l’eau, y compris un reportage à la télé en direct sur CBC Montréal (même si c’était inhabituel de jouer le rôle inverse dans ma profession cette fois-là). Quelle que soit votre expérience avec les médias, je recommande toujours de préparer des notes manuscrites à l’avance et, encore une fois, d’avoir une histoire personnelle en tête pour éviter de longues pauses, du stress ou des réponses incomplètes lorsque votre heure de gloire est arrivée. 

Ce parcours a déjà été long, mais le marathon n’est pas encore terminé. Dans un à deux mois suivant l’obtention de la bourse, vous devrez soumettre une candidature séparée à l’Université d’Oxford, spécifiquement pour le(s) programme(s) que vous souhaitez poursuivre. Cela pourrait sembler contre-intuitif, mais la bourse Rhodes — bien qu’elle couvre tous les frais de scolarité et d’hébergement à Oxford — ne garantit pas l’admission à l’université. En fait, votre candidature sera évaluée par un tout nouveau comité à Oxford, ce qui signifie que vous redevenez un candidat sur papier. Vous devez donc ranimer cette motivation en vous pour réaliser votre mission académique en Angleterre.  

Dans mon cas, j’ai acquis une expérience supplémentaire au niveau de maîtrise en gouvernance internationale et diplomatie à SciencesPo Paris, afin d’appliquer ces nouvelles connaissances à mon parcours diplomatique à Oxford. Avec le recul, ce coup d’essai s’est transformé en montagnes russes pleines d’adrénaline au fil des candidatures, des entretiens et des connexions clefs formées en cours de route. Bref, à l’instar des étapes de vie non académiques, c’est la principale mission personnelle – et une capacité d’adaptation face aux imprévus – qui m’a permis d’atteindre ce point, avec de nombreuses nouvelles aventures et leçons à venir dans la Ville aux clochers rêveurs.