Bonne nouvelle : les jours du CV commun canadien sont comptés
Un nouveau CV descriptif sera bientôt adopté par les organismes subventionnaires pour tous les concours.
Les chercheuses et chercheurs qui présentent des demandes de subventions aux trois principaux organismes subventionnaires fédéraux auront bientôt de quoi célébrer : le mal-aimé CV commun canadien sera progressivement remplacé par un nouveau CV descriptif.
Au lieu de présenter un répertoire structuré de toutes les publications et les données biographiques d’une personne, ce nouveau curriculum vitæ, appelé CV des trois organismes, comporte un maximum de cinq pages (six en français) divisées en six sections : renseignements personnels (comme le nom et les diplômes), déclaration personnelle, description d’un maximum de cinq contributions scientifiques importantes, liste de cinq autres contributions, description des activités de supervision et de mentorat, et autres renseignements pertinents.
Adrian Mota, vice-président associé, Programmes de recherche aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), explique que deux raisons ont motivé l’adoption de ce nouveau format : la volonté de s’arrimer aux valeurs et aux objectifs de la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche, que les conseils de recherche ont signée en 2019, et les plaintes que formule depuis longtemps le milieu de la recherche. « Le milieu n’aime pas beaucoup [le CV commun canadien], et ce, depuis un certain temps », explique-t-il.
Voilà un euphémisme, si l’on tient compte de l’opinion de scientifiques qui l’ont utilisé.
Un vrai cauchemar
« Le remplir est un vrai cauchemar », raconte Michael Hoffman, bio-informaticien à l’Université de Toronto. Chaque métadonnée sur un article – titre de la revue, volume, numéro de page, etc. – doit être entrée dans un champ distinct, de sorte que l’on ne peut copier-coller les éléments d’une liste de publications. Et si l’on veut utiliser un même CV pour différents concours, on obtient parfois plusieurs messages d’erreurs, ce qui force les chercheuses et chercheurs à consacrer plusieurs heures à apporter de petits ajustements.
« Ce devait être un CV unique pour tous les concours, mais cet objectif n’a jamais été atteint », commente Jim Woodgett, scientifique principal à l’Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum de l’Hôpital Mount Sinai à Toronto. « Nous devons à tout coup rédiger un CV adapté à chaque concours. C’est tellement frustrant».
Et souvent, le système tombe en panne à l’approche des dates limites, alors que des scientifiques partout au pays s’emploient à mettre à jour leur CV en même temps. « C’était une mauvaise idée mal déployée », conclut M. Woodgett.
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Le format actuel n’est pas non plus très utile aux personnes qui examinent les demandes de subventions, ajoute M. Hoffman, qui a fait partie de plusieurs comités d’évaluation. « On a tout mis en œuvre pour que les métadonnées sur les publications soient recueillies uniformément, ce qui ne nous aide pourtant pas à réaliser une évaluation efficace », précise-t-il. Une longue liste d’articles n’a rien d’éclairant quand le CV ne précise pas le rôle de la personne candidate dans le projet, ni les publications les plus pertinentes pour la demande en question. « Tout ce que nous pouvons réellement évaluer, c’est la quantité ».
Le virage descriptif
Partout dans le monde, les organismes subventionnaires sont de plus en plus nombreux à adopter le CV descriptif. Aux États-Unis, les Instituts nationaux de la santé utilisent depuis des années une notice biographique de cinq pages à structure non imposée, et bien d’autres organismes en Europe ont recours à des formats similaires. Par exemple, le CV pour la recherche et l’innovation adopté par l’Organisme de recherche et d’innovation britannique se limite à quatre modules sur deux pages.
Joanna Harrington, professeure de droit et conseillère spéciale à la vice-rectrice à la recherche et à l’innovation de l’Université de l’Alberta, estime que l’adoption par les trois organismes subventionnaires d’un CV descriptif aidera les chercheuses et chercheurs canadiens participant à des projets de collaboration internationale à se familiariser avec ce format. « C’est un virage qu’ont également opéré d’autres organismes subventionnaires, explique-t-elle. Nous retrouverons donc cette approche ailleurs ».
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Puisque le nombre de pages est limité et que ce n’est plus le total de publications qui prime, les personnes candidates devront réfléchir davantage à ce qu’elles mettront en valeur en fonction de chaque concours. Ce virage suscitera inévitablement une certaine opposition, surtout chez les personnes qui utilisent le CV actuel depuis des décennies et qui ont une longue liste de publications à leur actif. Mais il fera en sorte que seule l’information la plus pertinente, autant pour les personnes candidates que pour les comités d’évaluation, soit mise en valeur.
« Nous estimons que le CV descriptif permet aux chercheuses et chercheurs de mieux contextualiser leurs travaux dans le domaine qui les intéresse », explique M. Mota.
Une différence importante : le CV descriptif met en valeur l’incidence des activités de la personne, au-delà du nombre de publications, comme le mentorat de la relève ou les retombées sur une collectivité ou dans la pratique clinique.
« Une personne qui travaille auprès des communautés autochtones ou en milieu hospitalier n’a pas forcément pour but de publier un article dans Nature, ajoute M. Mota. Elle veut peut-être changer une politique ou un processus. Et c’est ce qui a de l’importance dans le contexte où elle accomplit son travail ».
Pour Mme Harrington, cette prise en compte d’un vaste éventail de retombées est l’un des grands avantages du CV descriptif. « C’est la marque d’un bon modèle : il est très inclusif, tant à l’égard des différents types de travaux et de résultats, que des différentes trajectoires de carrière », explique-t-elle.
Un accueil positif
Des chercheuses et chercheurs canadiens ont déjà eu l’occasion d’utiliser le nouveau format. Un projet de mise à l’essai du CV des trois organismes pour certains programmes de subventions des IRSC et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada a été lancé au printemps dernier. Quelque mille personnes participant à trois différents concours, dont l’Initiative nationale de recherche sur la santé des femmes des IRSC, ont utilisé le nouveau CV dans le cadre du projet.
La rétroaction est jusqu’à présent principalement positive, annonce M. Mota; c’est un peu plus de la majorité des personnes ayant utilisé le nouveau CV qui se disent satisfaites du format, de la longueur et des directives. « Il nous reste encore certaines choses à régler et à peaufiner, bien sûr », nuance-t-il. Les organismes subventionnaires continueront de recueillir des commentaires et d’ajuster le modèle au fil du temps.
On ne sait pas encore quand tous les concours de subventions passeront au CV descriptif, ajoute M. Mota. Il est élaboré parallèlement à la nouvelle Solution de gestion des subventions des trois organismes, ou SGSTO, dont le chantier a véritablement démarré récemment. Il faudra sans doute quelque temps avant que les concours d’envergure, comme les subventions Projet des IRSC, prennent ce virage, mais le nouveau format s’imposera peu à peu. « Dans quelques années, il devrait être plus fréquemment utilisé pour nos concours; à terme, nous prendrons la décision d’accroître nos efforts quand nous jugerons que la SGSTO s’y prête », conclut M. Mota.
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
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