Donner le ton face à la fraude scientifique
Même si le contenu de la prochaine politique de conduite responsable de la recherche des organismes subventionnaires fédéraux demeure à préciser, une chose est néanmoins certaine : cette mise à jour devra tenir compte de l’évolution des pratiques frauduleuses en science.
Les pratiques scientifiques frauduleuses gagnent en complexité. Une étude publiée en août dernier dans PNAS décrit en effet le fonctionnement « d’usines à articles », ces réseaux d’éditeurs et d’auteurs qui coopèrent entre eux pour court-circuiter le processus de relecture par les pairs. Un exemple parmi tant d’autres d’inconduite universitaire qui, selon le site spécialisé Retraction Watch, concerne aussi le Canada.
C’est dans ce contexte que sera bientôt actualisé le Cadre de référence des trois organismes sur la conduite responsable de la recherche du pays. Comme en 2016 et en 2021, il fera l’objet d’un processus de révision qui s’étendra sur toute la durée de l’année 2026, confirme à Affaires universitaires le Secrétariat sur la conduite responsable de la recherche, l’organisme chargé de cette politique.
Le Cadre de référence décrit les responsabilités des scientifiques à l’égard notamment de l’exécution des travaux de recherche et de la diffusion des résultats. Les chercheurs et chercheuses qui demandent ou détiennent des fonds fédéraux doivent en principe respecter son contenu. Il fournit en outre des balises aux établissements en ce qui concerne les allégations de violation des exigences des organismes.
Des bémols
Cette mise à jour est toutefois peu susceptible d’enrayer le fléau de la fraude scientifique. « Tous les cas documentés depuis deux décennies témoignent au fond d’une minorité de scientifiques qui suit une recette pour publier, et donc exister dans le monde académique », analyse Vincent Larivière, professeur à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal.
Seules des modifications du système d’évaluation de la science, qui met actuellement l’emphase sur le volume de production plutôt que sur la qualité, parviendraient à renverser le statu quo. « La mise à jour d’une politique normative ne change rien aux problèmes fondamentaux de l’édition savante », souligne celui qui est par ailleurs l’un des expertsappelés à s’impliquer dans le processus de révision de cette politique.
Ces transformations passent par une formation obligatoire de la relève à l’intégrité de la recherche, estime Jean-François Sénéchal, chargé d’enseignement à la Faculté de philosophie de l’Université Laval et spécialiste du rôle social de la personne chercheuse en science. « À l’heure actuelle, cette conscientisation se fait surtout de manière implicite, par l’entremise de la socialisation au métier de chercheur », fait-il valoir.
Que devrait contenir le nouveau cadre ?
Ajouts, suppressions, clarifications : les révisions proposées au Cadre de référence sont diverses. Impossible toutefois de connaître la nature exacte des « zones d’amélioration possibles » à l’heure actuelle. « L’objectif est que le contenu du Cadre de référence reste pertinent dans un contexte où le paysage de la recherche est en constante évolution », nous répond le Secrétariat par courriel, sans fournir plus de détails.
Lors de la précédente révision, en 2021, une vingtaine d’établissements et d’organisations ont commenté publiquementles propositions de révision du Cadre de référence d’alors. Parmi eux figurait l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU), qui a accepté de partager les questions qu’elle souhaite voir aborder dans la prochaine politique.
À l’instar de nombreuses universités au pays, l’ACPPU s’attend ainsi à ce que l’usage de l’intelligence artificielle (IA) comme outil de recherche soit mieux balisé. « Nous recherchons des conseils pour les chercheurs et chercheuses qui utilisent l’IA dans leur travail, en particulier en ce qui concerne la confidentialité des sujets de recherche et l’intégrité de leurs données », propose Robin Whitaker, président de l’ACPPU.
De plus, l’ACPPU appelle de ses vœux l’intégration de principes éthiques de recherche avec les Premiers peuples, lesquels seraient élaborés « en consultation avec les chercheurs autochtones ». L’instauration d’un processus d’approbation accéléré, autant pour les études présentant un risque minimal que pour les modifications mineures à des protocoles, par les comités d’éthique de la recherche locaux est aussi espérée.
Une démarche qui donne le ton
Également invités à se prononcer sur la nature des modifications attendues, le Fonds de recherche du Québec (FRQ) préfèrent s’abstenir de commentaires. Comme par le passé, les FRQ procéderont à la mise à jour de leur propre Politique sur la conduite responsable en recherche dans l’année suivante l’actualisation du Cadre de référence, donc en 2027.
« De manière générale, nous emboitons le pas aux organismes subventionnaires fédéraux, avec qui nous collaborons étroitement, fait savoir Mylène Deschênes, directrice des affaires éthiques et juridiques au FRQ. Il s’agit d’une question de cohérence et de prévisibilité ; ces documents ont pour objectif de faciliter la vie de la communauté de recherche, pas de la lui compliquer. »
Nombre de violations du Cadre de référence des trois organismes sur la conduite responsable de la recherche entre le 1er avril 2024 et le 31 mars 2025. Lors de cette période, 114 dossiers en matière de conduite responsable de la recherche ont été traités.
Source : Groupe sur la conduite responsable de la recherche
Postes vedettes
- Sciences de la terre et de l'environnement - Professeure adjointe ou professeur adjoint (hydrogéologie ou hydrologie)Université d'Ottawa
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- Sociologie - Professeure adjointe ou professeur adjoint (féminismes, genres et sexualités dans les mondes noirs, africains et caribéens)Université de Montréal
- Études culturelles - Professeure ou professeurInstitut national de la recherche scientifique (INRS)
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