Des étages thématiques dans les résidences universitaires
Allier intérêts communs et expérience de vie sur le campus.
Avant même de s’inscrire à l’Université Wilfrid Laurier, Grace Jansen in de Wal a appris qu’elle pouvait habiter un étage de la résidence réservé aux étudiants en histoire. Ces étudiants se verraient offrir divers programmes spéciaux allant des séances d’étude en groupe à des ateliers de cuisine collective, et même un voyage d’études à la fin de l’année. Lors des journées portes ouvertes, elle a rencontré un étudiant qui ne tarissait pas d’éloges sur le programme de résidence. Lorsqu’elle a reçu sa trousse d’admission de l’Université Wilfrid Laurier, Mme Jansen in de Wal savait donc exactement où elle voulait vivre.
À l’automne, elle s’est installée sur un étage thématique avec 21 autres étudiants en histoire. Tous suivaient le même cours intitulé « Histoire de la piraterie en Atlantique ». Au printemps suivant, lors d’un voyage d’études de 10 jours, elle s’est rendue à Porto Rico sur les traces des pirates que le groupe avait étudiés. Au programme, visites de fortifications et d’un moulin à canne à sucre, kayak dans une mangrove et découverte de la culture locale.
Aujourd’hui en quatrième année, Mme Jansen in de Wal est retournée à Porto Rico dans le cadre du même programme; elle a mené un autre groupe en Angleterre pour visiter des sites historiques médiévaux; et elle travaille comme responsable d’un groupe d’étudiants en résidence qui partagent un étage sur le thème du cinéma. Même si les voyages comme ceux auxquels Mme Jansen in de Wal a participé ne sont pas courants dans les programmes de vie en résidence, les regroupements thématiques gagnent en popularité dans les universités canadiennes. À l’Université Wilfrid Laurier, on les appelle « communautés d’apprentissage en résidence », ou tout simplement communautés d’apprentissage.
Selon les responsables de l’élaboration et de l’exécution de ces programmes aux affaires étudiantes, ces regroupements aident les étudiants (surtout ceux de première année) à tisser des liens d’amitié, à communiquer avec leurs professeurs et l’université et à mieux vivre leur première expérience loin de la maison. Certaines sont rattachées à une faculté ou à une discipline particulière, d’autres réunissent des étudiants ayant un intérêt commun, par exemple une cause sociale comme l’écologie ou le bénévolat communautaire, ou une passion comme la santé et le bien-être ou la musique. D’autres reposent sur l’identité, regroupant des étudiants autochtones ou des étudiants qui se déclarent de la communauté LGBTQ.
Débuts modestes
À l’Université St. Francis Xavier, où 90 pour cent des étudiants de première année habitent sur le campus, Kerri Arthurs, coordonnatrice de l’éducation et des programmes offerts aux étudiants en résidence, a participé cet automne au lancement des premières communautés d’apprentissage de l’Université. Elle en a d’abord créé quatre : une pour les étudiants de la Faculté des sciences infirmières, une pour les étudiants en sciences humaines, une axée sur le style de vie (« Quieter Lifestyles ») et une quatrième exempte de substances.
Chacune offre des activités mensuelles adaptées à ses membres. Les étudiants de la Faculté de sciences infirmières visitent un hôpital et un centre de soins infirmiers de la région et accueillent des conférenciers provenant, par exemple, du centre local de ressources pour femmes. Les activités pour les étudiants en sciences humaines portent sur les films et les débats. « L’exploration intellectuelle ne se cantonne plus aux salles de classe, explique Mme Arthurs. Les membres de «Quieter Lifestyles» définissent leurs règles ensemble. Ils établissent une entente collective qu’ils revoient plusieurs fois par année. Les normes de vie reposent sur les besoins du groupe. »
Comme l’Université St. Francis Xavier, de nombreuses universités ont d’abord créé quelques communautés d’apprentissage, mais certaines en comptent maintenant plus d’une dizaine. L’Université de Regina, par exemple, a établi en 2015 quatre communautés réunissant 45 étudiants. Aujourd’hui, elle en compte 10 et plus d’une centaine d’étudiants. Dans certains établissements, jusqu’à 20 pour cent de la population étudiante en résidence en fait partie.
Les preuves sont là
De nombreux instigateurs de ces groupes disent que ce sont les données positives sur ces projets qui les ont convaincus d’en faire l’essai et que le succès de leur propre communauté les incite à continuer. « Les recherches démontrent que les étudiants en résidence qui obtiennent du soutien sur le campus réussissent mieux. Ils sont plus susceptibles de poursuivre leurs études et d’obtenir de meilleurs résultats », déclare Vianne Timmons, rectrice de l’Université de Regina, qui trace un lien direct entre le plan stratégique de son établissement et les communautés d’apprentissage sur le campus. Bettina Welsh, directrice des affaires étudiantes, ajoute : « Nous savons que ces étudiants vivent une meilleure expérience. Ils se font des amis rapidement et ont un grand sentiment d’appartenance, ce qui est essentiel pour les jeunes vivant loin de la maison. »
D’autres universités font les mêmes constatations. L’Université de l’Alberta compte quatre « étages thématiques », l’équivalent des communautés d’apprentissage. Selon Laura Huxley, gestionnaire intérimaire de la vie en résidence et de l’éducation : « Les sondages sur la satisfaction nous révèlent chaque année que les étudiants [qui vivent à ces étages] sont plus satisfaits du personnel étudiant et des programmes. » Elle ajoute que d’après les données autodéclarées, ces étudiants ont une moyenne pondérée cumulative supérieure à ceux qui occupent les étages de résidence traditionnels.
Melissa McNown-Smith, gestionnaire des communautés d’apprentissage à l’Université de Waterloo, affirme que les membres de ces communautés « trouvent qu’il est plus facile de rencontrer des étudiants qui suivent les mêmes cours et qui ont les mêmes intérêts qu’eux ». À l’Université Wilfrid Laurier, Dave Shorey, directeur adjoint de l’éducation pour les étudiants en résidence, affirme qu’en plus d’obtenir de meilleures notes et de mieux réussir leurs études, les membres de communautés d’apprentissage disent tisser des liens étroits avec leurs professeurs. « Un étudiant qui entretient des relations positives avec ses professeurs la première année sera plus enclin à se rapprocher de tous les membres du corps professoral, à les consulter durant leurs heures de disponibilité et à utiliser d’autres formes de soutien. Grâce aux communautés d’apprentissage, les étudiants sont plus à l’aise. »
Et les étudiants le confirment. « C’est une occasion unique de pouvoir commencer sa vie universitaire avec une longueur d’avance grâce aux liens tissés au tout début de ses études », ajoute Mme Jansen in de Wal. À l’autre bout de la ville, à l’Université de Waterloo, Michael Davos, étudiant de deuxième année et leader étudiant de la communauté d’apprentissage en finances et en comptabilité, affirme que la vie en communauté durant sa première année d’études a facilité sa transition à l’université. Il a récemment conseillé à ses amis de faire une demande d’hébergement en résidence : « Vous pourrez mieux profiter de votre première année. Vous obtiendrez un soutien personnalisé de la part d’un leader étudiant, et comme vous vivrez avec des étudiants qui suivent le même programme que vous, vous pourrez aussi obtenir leur aide. » Lorsque nous l’avons joint pour cet article, M. Davos préparait une soirée pizza en vue d’une séance d’étude de mi-semestre pour les 18 étudiants de première année dont il s’occupe. Son expérience prouve que les communautés d’apprentissage n’offrent pas seulement des avantages aux étudiants de première année. Bon nombre d’entre elles recrutent des étudiants de dernière année qui ont eux-mêmes fait partie du programme.
Même principe, démarches différentes
Certains programmes confient des responsabilités aux leaders étudiants et les laissent choisir les activités, avec l’aide du personnel des résidences. D’autres comptent beaucoup sur les professeurs pour diriger le programme. L’Université de l’Alberta a créé un guide de ressources pour les professeurs encadrant des étages thématiques. À l’Université Wilfrid Laurier, Mme Jansen in de Wal attribue son expérience extraordinaire au professeur d’histoire de l’Afrique, Jeff Grischow, qui donnait le cours sur la piraterie. « Il organisait des séances d’étude [sur l’étage] pour nous aider à approfondir la matière du cours, se souvient-elle. Une relation de mentorat comme celle-là est exceptionnelle. »
Les frais de résidence dans une communauté d’apprentissage varient d’une université à l’autre. La plupart des étudiants s’inscrivent à même le formulaire de demande de résidence en répondant à quelques questions. Certains établissements, comme l’Université de Waterloo et l’Université de l’Alberta, n’imposent aucun supplément aux frais de résidence. La plupart exigent un montant symbolique annuel variant de 20 à 100 dollars, pour garantir l’engagement des étudiants, disent-ils. « L’inscription était gratuite la première année, mais les étudiants manquaient de motivation, explique Mme Welsh. Parfois, le fait de payer stimule les attentes et, par conséquent, l’engagement des participants. »
Dans la plupart des communautés d’apprentissage, le personnel des résidences essaie de regrouper les étudiants sur un étage ou une partie d’étage. Certains s’inquiètent toutefois d’une éventuelle ghettoïsation.
« Nous essayons d’offrir aux étudiants le meilleur des deux mondes, c’est-à-dire de les regrouper entre pairs dans une zone plus vaste qui réunit des étudiants d’autres programmes afin de favoriser les échanges interdisciplinaires », explique Mme McNown-Smith. Quant à l’Université de Regina, elle loge intentionnellement les membres de certaines disciplines plus près les uns des autres, dans des appartements à quatre chambres avec cuisine commune. « Les étudiants apprennent vraiment à se connaître, car ils vivent et préparent les repas ensemble », ajoute Mme Welsh.
Prochaines étapes
Comment les membres du personnel des résidences déterminent-ils si les communautés d’apprentissage conviennent à leur université? Les anciens recommandent de lire l’abondante documentation sur le sujet. L’Association of College and University Housing Officers-International offre aussi un cours en ligne intitulé Creating a Living-Learning Program (en anglais seulement). De plus, le sujet fait souvent l’objet de discussions durant la rencontre annuelle de l’association, qui se tiendra à Toronto du 22 au 25 juin 2019.
Mme Welsh conseille aux universités de commencer par analyser les caractéristiques démographiques des étudiants en résidence afin de cibler les groupes les plus nombreux et ceux pour lesquels le soutien se fait le plus pressant. M. Shorey propose également de vérifier dans quelle mesure les communautés d’apprentissage s’inscrivent dans la mission de l’Université. « Il faut d’abord se familiariser avec la culture sur le campus, dit-il, trouver des moyens de réaliser les objectifs de l’Université en fixant des objectifs complémentaires. » La plupart conseillent de commencer à petite échelle et de demander de l’aide. « Les professeurs savent très bien ce que les étudiants vivent à l’université. Leur collaboration nous a été vraiment précieuse », explique Mme Huxley.
Deborah Langford, directrice des services de résidence et de conférence à l’Université Bishop’s, attribue la création de son plus récent programme à une étudiante de dernière année qui a eu l’idée d’une communauté d’apprentissage axée sur la santé et le bien-être. « Nous n’avions pas prévu de mettre en place une autre communauté avant quelques années, mais cette étudiante nous a proposé son aide avec enthousiasme », explique-t-elle, ajoutant que le jumelage des étudiants avec des membres du personnel des résidences qui partagent les mêmes intérêts peut se révéler utile.
Les groupes d’étudiants peuvent aussi s’avérer de précieux alliés naturels. À l’Université de Waterloo, la communauté d’apprentissage en sciences de la santé et le groupe d’étudiants en sciences appliquées de la santé organisent une activité conjointe chaque année. « Nous essayons de collaborer le plus possible avec les groupes sur le campus afin de mettre nos étudiants en contact avec ces ressources », explique Mme McNown-Smith. À l’Université de Regina, la communauté d’apprentissage Neekaneewak a été créée en partenariat avec le Centre pour étudiants autochtones et l’Université des Premières nations du Canada, située à proximité.
Pour le personnel de planification des résidences, les communautés d’apprentissage sont aussi un excellent moyen de tisser des liens avec les étudiants. « Pour le personnel des services de logement, il est fréquent de se soucier d’abord des installations au lieu de s’occuper des personnes et des programmes, ajoute Mme Welsh. Nous voulions renverser cette tendance et accorder la priorité aux personnes, aux programmes et à l’apprentissage des étudiants. » M. Shorey abonde dans ce sens : « Je crois qu’une telle démarche révèle l’ouverture d’esprit des affaires étudiantes en général. Le programme de vie et d’apprentissage prouve que les divisions des affaires étudiantes partout au pays accordent une grande attention à l’épanouissement des étudiants. »
Les communautés d’apprentissage d’un océan à l’autre
L’Université Memorial mis en place une communauté d’apprentissage axée sur le plein air qui offre des activités toute l’année aux étudiants qui souhaitent pratiquer un loisir extérieur. Ces activités sont offertes avec l’appui du corps professoral de l’école des sciences de l’activité physique.
À l’Université d’Ottawa, on trouve une communauté d’apprentissage axée sur l’engagement communautaire et le leadership dont les membres peuvent faire du bénévolat auprès d’enfants d’une école primaire, aider un centre de santé communautaire local et promouvoir des causes sociales qui leur tiennent à coeur.
L’Université York a créé une communauté d’apprentissage axée sur la politique, le droit et les affaires publiques pour les étudiants qui s’intéressent à la politique et souhaitent approfondir leur connaissance des systèmes politique et judiciaire canadiens. Des voyages d’études sont organisés dans les hôtels de ville et les assemblées législatives provinciales, les bureaux de circonscription des élus, les tribunaux et les pénitenciers.
Le Collège universitaire St. Paul de l’Université de Waterloo organise une communauté d’apprentissage réservée aux étudiantes en ingénierie, en collaboration avec la faculté de génie, pour aider les étudiantes de première année à tisser des liens et à se bâtir des réseaux. Son programme comprend des activités de mentorat organisées par des paires leaders qui racontent leurs expériences et apportent leur soutien.
À l’Université Nipissing, la communauté d’apprentissage Mosaic réunit des étudiants qui s’intéressent de près à l’expression artistique avec des passionnés de médias, de musique et de design. Des soirées de discussion, de productions médias et d’expositions sont organisées pour inviter les étudiants à explorer leur créativité.
La Cité universitaire francophone de l’Université de Regina offre une communauté d’apprentissage aux étudiants francophones. Selon le site Web de l’Université, celle-ci permet aux étudiants d’entrer en contact et de créer des liens, tout en faisant la promotion de la culture francophone.
L’Université de Victoria a une communauté d’apprentissage axée sur la durabilité, où les étudiants apprennent à réduire leur empreinte carbone et à adopter un mode de vie favorisant la durabilité. Le nettoyage des rives et l’élimination d’espèces envahissantes des habitats de la région comptent parmi les activités qui ont déjà été organisées.
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