Gilles Comeau : la musique sous toutes ses coutures
Dès le début de son parcours, l’universitaire a utilisé différentes lentilles disciplinaires pour mieux comprendre la pédagogie du piano.
« J’ai toujours été passionné par l’enseignement et par la capacité d’apprendre », raconte Gilles Comeau, professeur à l’École de musique de l’Université d’Ottawa. Il n’avait que 17 ans lorsqu’il a commencé à enseigner le piano, et déjà, il savait qu’il ferait une carrière non seulement en musique, mais plus spécifiquement en pédagogie.
Au baccalauréat, il a conçu une première trousse pédagogique s’adressant aux enseignants non musiciens de la maternelle à la deuxième année. Par la suite, sa thèse de maîtrise en psychopédagogie, dans laquelle il analyse et compare les trois grandes approches dominantes de l’enseignement de groupe, a été publiée en français et en anglais, et a même été traduite en chinois.
Des expertises multiples au service de la musique
Pour celui qui complètera également un baccalauréat en philosophie, l’interdisciplinarité a toujours été essentielle. Durant son doctorat, qui porte sur les fondements philosophiques de l’éducation musicale, il a notamment eu recours à des grilles d’analyse en sociologie, en psychanalyse, en esthétique, etc.
Il faut dire que la pédagogie du piano était jusqu’à récemment une discipline à ses balbutiements. « À l’époque, on s’appuyait sur les grands maîtres. L’enseignant de piano recopiait la façon dont on lui avait enseigné », rappelle-t-il. On utilisait des méthodes qui dataient d’une centaine d’années : « Ça n’avait pas d’assise scientifique », remarque M. Comeau. On parlait d’élèves doués ou non, et on s’interrogeait peu sur les causes d’abandon ou les raisons qui motivaient les étudiants en musique.
La création du Laboratoire de recherche en pédagogie du piano a donc été marquante dans la carrière de M. Comeau, mais aussi pour la discipline. Alors jeune professeur à l’Université d’Ottawa, c’est grâce à une demande de subvention qu’il a fait à la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) qu’il a pu mettre sur pied son laboratoire. « Je voulais mieux comprendre ce qui se passe dans le studio de piano. L’enseignement du piano se fait sur une base individuelle, et porte close! Ça restait quelque chose d’ésotérique », souligne M. Comeau.
« On avait besoin de l’interdisciplinarité pour faire reconnaître la pédagogie du piano comme un domaine de recherche », ajoute-t-il. Lancé en 2004, le laboratoire en question s’appuie, depuis sa planification, sur des spécialistes de tous les horizons : kinésiologue, ingénieur mécanique et biomédical, psychologue, etc.
À ce moment, tout était à accomplir : « On était un peu naïf, et on n’avait pas d’expérience », relate M. Comeau. Après avoir obtenu 1,2 million de dollars, un des plus gros montants jamais attribués pour un seul projet par la FCI, de surcroît dans un domaine qui n’avait jamais été financé par l’organisme, le professeur raconte avoir cogné à plusieurs portes pour mettre en place le laboratoire et sa programmation de recherche.
Liste des lauréats du Gala de l’Acfas 2021
- Prix Acfas Jacques-Rousseau pour la multidisciplinarité : Gilles Comeau – Université d’Ottawa
- Prix Acfas Thérèse Gouin-Décarie pour les sciences sociales : Marie Beaulieu – Université de Sherbrooke
- Prix Acfas André-Laurendeau pour les sciences humaines : Michel Biron – Université McGill
- Prix Acfas Adrien-Pouliot pour la coopération scientifique avec la France : Émile Lévy – Université de Montréal et CHU Sainte-Justine
- Prix Acfas Denise-Barbeau pour la recherche au collégial : Jean-François Lemay – Cégep de Shawinigan
- Prix Acfas Jeanne-Lapointe pour les sciences de l’éducation : Susanne P. Lajoie – Université McGill
- Prix Acfas Léo-Pariseau pour les sciences biologiques et les sciences de la santé : Sylvie Belleville – Université de Montréal
- Prix Acfas Michel-Jurdant pour les sciences de l’environnement : Jacques Brodeur – Université de Montréal
- Prix Acfas Pierre-Dansereau pour l’engagement social : Céline Bellot – Université de Montréal
- Prix Acfas Urgel-Archambault pour les sciences physiques, mathématiques, informatique et génie : Frederico Rosei – Institut national de la recherche scientifique
- Prix Acfas IRSST Santé et sécurité du travail – Maîtrise : Marie-Anne Landry-Duval – Université de Montréal
- Prix Acfas IRSST Santé et sécurité du travail – Doctorat : Alexis Pinsonnault-Skvarenina – Université de Montréal
- Prix Acfas Thèse en cotutelle France-Québec : Arthur Manœuvrier – Université de Bretagne Occidentale
De la pédagogie au bien-être
Après une décennie de recherche en pédagogie du piano, M. Comeau s’est plus récemment intéressé au domaine des douleurs et des blessures chez les musiciens, volet qui s’est greffé à ses activités de recherche. On observe en effet un nombre croissant de blessures et d’anxiété de performance chez des musiciens de plus en plus jeunes. Cet intérêt a culminé par l’ouverture du Centre de bien-être pour les musiciens en 2019. Celui-ci offre des ateliers, des cours et des traitements individuels au musicien. « On y mène aussi beaucoup de recherche, en santé physique comme mentale », précise M. Comeau, qui dirige le Centre.
Élargissant sans cesse sa compréhension du domaine, l’universitaire a développé depuis quelques années un volet de recherche qui s’intéresse à l’intégration de la musique dans la santé et le bien-être des individus. D’ailleurs, en septembre 2021, M. Comeau a été nommé directeur du tout nouvel Institut de recherche en musique et santé, qui se situe à l’intersection de la musique, des sciences de la santé, des sciences sociales, de l’ingénierie et de la médecine. Le pôle de recherche compte notamment sur un partenariat entre différentes facultés de l’Université d’Ottawa, d’hôpitaux et de centres de recherches hospitaliers, de même que de l’Université de Carleton.
Une reconnaissance bien méritée
Tous les efforts de M. Comeau pour bâtir les assises de la discipline ont commencé à porter fruit. En 2019, il est devenu membre de la Société royale du Canada; « c’était dans les premières fois qu’on intégrait quelqu’un dans le domaine de la pédagogie. Cette reconnaissance a contribué à la valorisation de la discipline, qui reste encore peu reconnue », croit M. Comeau.
Hier (8 décembre 2021), c’était l’Acfas qui en lui remettant le prix Acfas Jacques-Rousseau pour la multidisciplinarité soulignait l’excellence et le rayonnement des travaux de Gilles Comeau, qui a établi des ponts novateurs entre différentes disciplines. « C’est toujours très plaisant de recevoir un prix, mais celui-ci est particulièrement important, parce que si je peux distinguer une constante dans ma carrière, c’est bien la multidisciplinarité », affirme-t-il. Le professeur à une université située à l’extérieur du Québec est par ailleurs touché que cette reconnaissance vienne de l’Acfas, un organisme basé dans la Belle Province qui fait la promotion de la recherche en français : « c’est valorisant », conclut-il.
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