Étudiantes et étudiants étrangers : entre contribution économique et stigmatisation sociale
Malgré leur contribution économique, les personnes étudiantes provenant de l’étranger sont injustement stigmatisées au cœur des débats sur l’immigration et la crise du logement au Canada.
Estimées à 1 040 985 à tous les niveaux d’études en 2023 à l’échelle du Canada dont 11% au Québec selon les données du Bureau de coopération interuniversitaire, les personnes étudiantes internationales font tristement et injustement la une des journaux depuis un certain temps. Le débat entourant la crise de logement et d’habitabilité questionne l’accueil et l’intégration des personnes étudiantes au Canada d’une part et des répercussions du volume de ces personnes sur les services sociaux, d’autre part. En effet, la situation des étudiantes et étudiants internationaux s’inscrit dans un contexte de forte stigmatisation des personnes immigrantes en général, fondée sur un construit social et politique, postulant que ces dernières sont la source principale des problèmes auxquels font face les populations d’accueil, notamment ceux relatifs à l’accès à au logement et de la cherté de la vie au Canada.
Ce qui contraste avec la réalité dans la mesure où même si le nombre élevé des personnes étudiantes internationales des incidences négatives sur les services offerts, cette catégorie d’étrangers est fortement recherchée par le Canada et les provinces en raison de sa contribution essentielle à l’économie.
Au Canada, selon le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugies et de la Citoyenneté (IRCC) Marc Miller, les étudiantes et étudiants étrangers injectent chaque année de 20 à 30 milliards de dollars dans les universités et dans les établissements d’enseignement supérieur sous forme de frais de scolarité et d’autres frais. Québec et ses régions bénéficient des retombées importantes de ce programme. En 2017 et 2018, les répercussions économiques directes et indirectes de toutes les personnes étudiantes internationales au Québec sont estimées à plus de 2,5 milliards de dollars. Ce groupe d’étrangères et d’étrangers autorisés à venir étudier dans les établissements désignés et d’y travailler sous certaines conditions, illustre comme si le besoin en était, le paradoxe et l’hypocrisie qui entourent l’immigration au Canada en général et au Québec en particulier.
Dans cette perspective, la décision de limiter l’admission des personnes étudiantes internationales dans le projet de loi n° 74 de la Coalition Avenir Québec, parti au pouvoir dans la province s’inscrit dans cette continuité de retirer des personnes étudiantes étrangères, le maximum d’avantages économiques afin de préserver le système d’enseignement de certaines régions du Québec. Et les propos du ministre provincial de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) selon lesquels « plusieurs programmes sont parfois gardés en vie dans des régions grâce à la présence des étudiants étrangers et ces programmes-là permettent ensuite à des Québécois de suivre leur formation près de chez eux et de demeurer en région, alors évidemment qu’on voudra préserver ça», illustrent, par ce fait, l’approche utilitariste visant à prioriser des intérêts stricto sensu du Québec.
Cette approche invisibilise les divers obstacles et les nombreuses exigences qui s’appliquent aux personnes étudiantes internationales. Il serait pertinent d’en nommer quelques-unes afin de mieux comprendre leur parcours pré-péri et post migratoire.
Au Québec, une personne est considérée comme personne étudiante étrangère si elle vient pour étudier dans un établissement d’enseignement québécois. Elle doit toutefois remplir plusieurs conditions : être admise dans un établissement québécois, couvrir les frais de scolarité, de transport, d’assurance maladie et d’hospitalisation si elle n’est pas couverte par la RAMQ, et disposer de ressources financières suffisantes pour subvenir à ses besoins essentiels sans devoir travailler au Québec. S’ajoutent à cela diverses dépenses pour les démarches administratives à effectuer dans le pays d’origine, comme la demande de diplôme, les relevés de notes, les informations personnelles, l’ouverture de dossiers auprès d’agences, et les frais de transport vers le Québec, entre autres.
Après avoir reçu la documentation nécessaire et le paiement des 128 $ requis pour la demande en tant qu’étudiant étranger ou pour séjour temporaire à des fins médicales, le gouvernement du Québec délivre un Certificat d’acceptation du Québec. Ensuite, il est possible pour la personne étudiante de soumettre une demande de visa d’étude auprès d’IRCC, qui exige d’autres vérifications (sécurité et santé) et le paiement de frais supplémentaires pour traiter la demande.
Durant leur séjour, les étudiantes et étudiants étrangers doivent s’acquitter des droits de scolarité (10 000$- 12 000 $ par session, selon le programme) et subvenir à leurs besoins pour leur séjour au Québec (environ 8 000 $ par année). En outre, à leur arrivée dans les collèges et universités au Québec, plusieurs obstacles sont identifiés, notamment l’intégration sociale (climat, valeurs, cultures) et des défis académiques (manque de connaissances des techniques d’enseignement, des outils pédagogiques, des types d’évaluation, des critères de notation, d’outils méthodologiques). Les différences au niveau académique, culturel et social, peuvent exposer ces personnes étudiantes à un risque d’échec et remettre en question tout leur projet d’étude et leur perspective professionnelle, sans oublier les conséquences de cette situation sur leur santé mentale.
Il semble clair que face aux différents enjeux soulevés par le programme des étudiantes et étudiants étrangers au Canada et au Québec dernièrement, s’impose une réforme en profondeur afin de définir une stratégie québécoise. Cependant, il serait pertinent de réfléchir ensemble, de manière sereine et humaine, sur comment trouver un équilibre entre les objectifs du ministère de l’Éducation supérieure qui considère, dans son plan stratégique 2023-2027, qu’« attirer davantage d’étudiants internationaux dans les collèges et les universités francophones de la province est une priorité gouvernementale », et ceux du MIFI qui visent à limiter le nombre des personnes étudiantes. Cela contribuera sans doute à une meilleure connaissance de ce programme au sein de la population québécoise et des milliers de futurs candidats et candidates qui choisissent les établissements d’enseignement du Québec pour leur projet d’études.
Postes vedettes
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Doyen(ne), Faculté de médecine et des sciences de la santéUniversité de Sherbrooke
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
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