Le rapport Naylor jette les bases d’un renouvellement de la recherche fondamentale au Canada

Le milieu de la recherche doit maintenant se trouver une cause commune et se rallier aux recommandations, selon le président du Comité.

12 avril 2017
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Le Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale a publié son rapport (PDF) le 10 avril, jetant ainsi les bases d’une stratégie pluriannuelle qui prévoit une augmentation des investissements dans la recherche entreprise par des chercheurs indépendants, une coordination accrue des quatre organismes subventionnaires, ainsi que la création d’un Conseil consultatif national sur la recherche et l’innovation.

Le Comité recommande également des réinvestissements « majeurs » qui feraient hausser les dépenses fédérales annuelles en recherche de neuf pour cent sur quatre ans, les faisant passer d’environ 3,5 milliards de dollars à 4,8 milliards de dollars. Une telle augmentation représente 0,4 pour cent du budget annuel du gouvernement fédéral, souligne le rapport.

Présidé par David Naylor, ancien recteur de l’Université de Toronto, le groupe d’experts mis sur pied en juin 2016 par la ministre des Sciences, Kirsty Duncan, a organisé des tables rondes dans cinq villes, reçu 1 275 mémoires et consulté 230 chercheurs avant de rédiger un rapport de près de 250 pages sur l’état des sciences et de la recherche au Canada.

Principales conclusions

Le matin de la publication du rapport, des membres du Comité ont discuté de son contenu à l’occasion d’un événement organisé par le Forum des politiques publiques à Ottawa. En présentant les principales conclusions du rapport, M. Naylor s’est exprimé en ces termes : « Nous nous plaisons à considérer le Canada comme un pays relativement petit qui joue dans la cour des grands » dans le domaine de la recherche. Pourtant, souligne le rapport, « diverses mesures indiquent que la compétitivité du Canada en matière de recherche s’est érodée ces dernières années par rapport aux pays comparables ».

Pendant ces années, des restrictions des dépenses engagées par le gouvernement fédéral ont été imposées et les fonds étaient principalement alloués à la recherche axée sur les priorités, au détriment des projets de recherche indépendants. Le Comité estime que ce changement était « mal avisé », selon M. Naylor : « Les gouvernements ne peuvent réduire les fonds alloués à la science fondamentale et s’attendre à ce que l’innovation soit florissante. » Par conséquent, la « recommandation la plus importante » du Comité est celle de procéder à un investissement progressif de 485 millions de dollars sur quatre ans destiné au financement de la recherche entreprise par les chercheurs dans toutes les disciplines. Cet investissement contribuerait à rétablir une proportion de 70:30 entre la recherche indépendante et la recherche axée sur les priorités.

Le Comité recommande également au gouvernement fédéral d’accorder à la Fondation canadienne pour l’innovation un budget annuel stable d’environ 300 millions de dollars, et de faire passer de 21 pour cent à 40 pour cent le taux de remboursement des frais de soutien à la recherche engagés par les établissements. Le Comité recommande par ailleurs de rétablir le financement du programme des Chaires de recherche du Canada à son niveau de 2012, d’ajuster le financement des chaires pour tenir compte de la perte de valeur attribuable à l’inflation et d’attribuer les nouvelles chaires de manière « asymétrique » en privilégiant les chaires de niveau 2 pour aider les chercheurs en début de carrière. Le Comité recommande aussi de procéder à une analyse comparative détaillée du rapport coûts-avantages du Programme des chaires de recherche du Canada et du Programme des chaires d’excellence en recherche du Canada afin de déterminer vers quel programme les investissements devraient être orientés pour en maximiser les retombées.

La consolidation et la surveillance des organismes subventionnaires de recherche forment également un des enjeux clés soulevés par le rapport. « Le Canada se distingue par son système de financement décentralisé, a expliqué M. Naylor. Bien qu’il n’existe pas de système idéal, la plupart des autres pays se sont dotés d’un organe de surveillance qui lie les différentes composantes de l’écosystème de recherche. »

Le Comité propose de créer un organisme indépendant, le Conseil consultatif national sur la recherche et l’innovation, chargé de conseiller le gouvernement fédéral en matière d’investissements et de planification stratégique en recherche, et de coordonner les différentes activités de recherche financées par le secteur public. Le conseiller scientifique en chef – qui n’a pas encore été nommé – serait le vice-président du Conseil. De plus, un conseil de coordination des quatre organismes subventionnaires serait créé pour harmoniser les pratiques d’évaluation par les pairs et élaborer des politiques visant l’atteinte de cibles en matière d’équité et de diversité.

Accueil réservé au rapport

Le rapport a reçu un accueil favorable de la part des chercheurs universitaires, du milieu scientifique en général et des organisations du secteur de l’enseignement supérieur. « Le rapport pose un excellent diagnostic de l’écosystème de recherche du Canada et trace clairement la voie vers le rétablissement de l’investissement en recherche et la solution à des problèmes de longue date, se réjouit Paul Davidson, président-directeur général d’Universités Canada. Toutes les recommandations que nous avons formulées dans nos mémoires prébudgétaires au fil des ans se retrouvent dans le rapport Naylor. »

Le milieu de la recherche doit maintenant se rallier derrière une cause commune, estime M. Naylor. « Je suggère d’abord et avant tout que nous évitions de nous lancer dans une interminable dissection du rapport. Je crois fermement que nous devons appuyer les recommandations dans leur ensemble, sans trop nous embrouiller dans les détails, pour multiplier les chances de voir le rapport adopté, a-t-il affirmé lors du lancement qui avait lieu à Ottawa. En nous exprimant d’une voix unie, nous pourrons mieux nous faire entendre. »

Sur le plan des communications, Martha Crago, vice-rectrice à la recherche de l’Université Dalhousie et membre du Comité, a souligné l’importance de transmettre le message. « Tous les membres du milieu universitaire doivent réfléchir à des façons de communiquer l’importance de la recherche fondamentale. Ses retombées ne sont pas évidentes pour ceux qui n’ont pas de diplôme d’études supérieures. »

Prochaines étapes

Jim Woodgett, professeur de biophysique médicale à l’Université de Toronto et directeur de la recherche à l’Institut de recherche Lunenfeld-Tanenbaum, abonde dans le même sens. « Je crois que l’avis [du Comité] rejoint celui des chercheurs et des administrateurs de la recherche, explique-t-il. Le milieu de la recherche doit absolument poursuivre le dialogue avec les députés comme avec la population, car c’est de là que viendra l’appui au bout du compte. »

M. Woodgett participe à l’organisation d’une réunion multidisciplinaire de chercheurs à Toronto à la fin de mai. M. Naylor a été invité à prendre la parole lors de cette rencontre pendant laquelle les chercheurs discuteront des moyens de faire adopter les recommandations du rapport. « La réunion suscite beaucoup d’intérêt. Nous tenterons de sélectionner les participants de façon à assurer une représentation des différents domaines de recherche et de chercheurs à différentes étapes de leur carrière. Avec un peu de chance, elle donnera lieu à d’autres rencontres ailleurs au pays », espère M. Woodgett.

Absente de la discussion à Ottawa, la ministre des Sciences, Kirsty Duncan, a néanmoins publié une déclaration pour remercier le Comité : « Les conclusions du rapport aideront notre gouvernement à renforcer la position internationale du Canada en science fondamentale et sa capacité à produire de la recherche de calibre mondial qui améliore la vie des Canadiens. »

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