Mesurer les effets de la pandémie sur le personnel de la santé

Des chercheurs québécois veulent comprendre les besoins du personnel de santé et établir le profil des personnes qui seraient les plus disposées à intervenir en situation de crise.

15 avril 2020
Doctors walking through corridor in hospital

Des études effectuées après l’épidémie de SRAS à Toronto en 2003 révélaient que près de la moitié du personnel de santé avait subi des impacts psychologiques. « Une des recommandations était d’identifier le profil ou les valeurs types des personnes qui n’avaient pas eu d’effets psychologiques », raconte Bruno Pilote, professeur à la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval.

Devant une situation de crise comme on la vit aujourd’hui, « on demande aux personnes de devenir une force d’intervention, mais tout le monde n’a pas le profil pour le faire », observe M. Pilote. Certains ont choisi cette profession pour ces situations, et verront la crise comme un défi, adoptant une posture mentale souvent observée chez les militaires  : « Aujourd’hui, c’est ce qui se passe aujourd’hui. Demain ? On verra », illustre M. Pilote. Et à l’inverse, d’autres professionnels auront peur même s’ils ne sont pas exposés directement à des patients atteints de la COVID-19.

Profil type

Ainsi, rien n’existe encore dans la littérature pour établir un profil type des personnes les plus aptes à jouer un rôle de premier plan en temps de crise. C’est donc avec comme prémisse de pouvoir placer « la bonne personne, au bon endroit, au bon moment » que Bruno Pilote et ses collaborateurs ont répondu à l’appel d’intérêt des Instituts de recherche en Santé du Canada (IRSC).

Alors que l’équipe prévoyait faire l’enquête via simulation médicale, l’évolution rapide de la situation a amené un changement de stratégie : « la simulation est devenue la réalité », constate M. Pilote. Les chercheurs espèrent maintenant effectuer une centaine d’entrevues semi-structurées (à distance), et ont aussi mis en ligne un questionnaire auquel médecins, infirmières, préposés aux bénéficiaires et ambulanciers peuvent répondre.

Besoins

À court terme, cette étude permettrait de connaître les besoins immédiats des professionnels de la santé et aider les instances de santé publique à prendre des décisions. « On croit parfois connaître les besoins, mais on veut leur demander directement. Est-ce qu’il y a des déterminants, des facteurs qui aideraient les gens à continuer ?  », observe Liette St-Pierre, co-chercheuse et professeure en sciences infirmières à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Offrir le nettoyage des vêtements, de l’hébergement ou des repas sécuriseraient-il par exemple les travailleurs ? « Le personnel qui a peur risque de tout simplement démissionner, et sera réengagé après la crise comme nous sommes en contexte de pénurie de main-d’œuvre », rappelle M. Pilote. La meilleure façon de rassurer les professionnels de la santé reste de fournir l’équipement adéquat, et de ne pas semer le doute dans leur esprit quant à la protection qu’il offre, remarque-t-il.

À moyen terme, l’étude veut améliorer la formation du personnel, notamment par la simulation. « Est-ce qu’on devrait mettre en place des équipes dédiées, comme pour les arrêts cardiaques ? », avance Mme St-Pierre. Les chercheurs espèrent également trouver des pistes pour mieux accompagner les travailleurs dans l’après-crise, évoque Mme St-Pierre : « On dit qu’on a dégagé 7000 lits. Mais ces cas ne sont que repoussés à plus tard. Lorsque [qu’une situation comme celle-là] va revenir, le système va être en surchauffe. Comment préparer les gens à l’après-crise et les soutenir ? »

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