Plonger ou surfer en recherche : un choix déterminant
Lorsque l’interdisciplinarité sera reconnue, le milieu universitaire en bénéficiera grandement.
On pourrait dire qu’il existe deux types de chercheurs et chercheuses dans le milieu universitaire. Le premier groupe est composé de personnes qui explorent un sujet de recherche bien défini en profondeur en plongeant dans celui-ci. Ces individus choisissent un endroit approximatif dans l’océan, sautent à l’eau et descendent graduellement dans les profondeurs pour voir ce que cette partie de l’océan a à leur offrir. Plusieurs autres personnes se trouvent à l’endroit choisi, et la plupart peuvent échanger au sujet de ce qui s’y trouve.
Plus ces chercheurs et chercheuses s’enfoncent pour examiner ce qui les intéresse, plus les collègues se font rares. La communication devient graduellement difficile parce que chacun.e observe quelque chose de différent. Ainsi éloigné.e.s des autres, impossible de se comprendre ou de communiquer. On pourrait définir les « spécialistes » comme des plongeurs et plongeuses.
Les personnes composant le second groupe commencent leur aventure au même endroit que les autres, à savoir un endroit approximatif de l’océan, mais prennent le chemin opposé. Au lieu de se jeter à l’eau et de s’enfoncer petit à petit pour explorer un coin en particulier, ces personnes décident d’explorer l’océan de manière horizontale. Elles comprennent que l’océan est vaste, extraordinairement vaste, et ne veulent pas se limiter à une zone en particulier. Elles préfèrent passer leur temps à explorer ce que cette vaste étendue d’eau a à leur offrir.
Ce qui les intéresse, c’est de découvrir les liens qui existent entre les différentes parties de l’océan. Avec leur équipement de plongée et leurs jumelles, ces chercheurs et chercheuses surfent sur l’océan tout en scrutant l’horizon pour voir les endroits faciles d’accès à partir de leur région, et s’y rendent tout en continuant d’établir des liens. Leurs jumelles leur servent également à regarder au fond de l’océan pour déterminer le niveau de profondeur qui leur permettra de faire des rapprochements avec leurs observations précédentes. Comme leurs jumelles ne leur permettent pas de voir très loin sous l’eau, lorsque quelque chose d’intéressant croise leur chemin, les surfeurs et surfeuses s’arrêtent un moment pour enfiler leur équipement de plongée et s’enfoncer dans les profondeurs. Contrairement aux membres du premier groupe, ces personnes ne descendent que jusqu’à ce qu’elles trouvent l’information voulue et remontent ensuite à la surface pour continuer à surfer.
La rareté des surfeurs et surfeuses
Le milieu universitaire est conçu pour former des spécialistes. Comme les spécialistes sont perçus comme des plongeurs et plongeuses, les universités préconisent leur formation. Le dictionnaire Robert définit un·e spécialiste comme étant une « personne qui s’est spécialisée, qui a des connaissances approfondies dans un domaine déterminé et restreint ». Or, la notion de « domaine déterminé » est trop vague pour le milieu universitaire. S’agit-il du domaine en général, du sous-domaine, ou d’un enjeu particulier du sous-domaine? En philosophie par exemple, on pourrait se demander si la philosophie morale et l’éthique animale comptent ou pas comme des « domaines déterminés » de la philosophie.
En adoptant une perspective trop étroite, le milieu universitaire a mal compris le sens de « domaine déterminé ». Même si le domaine est considéré dans son ensemble le plus large (comme dans l’exemple de la philosophie) pour signifier le « domaine déterminé », le milieu universitaire adopte encore une vision trop restrictive. Or, il est également possible d’envisager le « domaine déterminé » de manière horizontale, c’est-à-dire d’admettre qu’il peut toucher plusieurs domaines à la fois. Ainsi, un « domaine déterminé » pourrait désigner un domaine de recherche qui fait appel à la connaissance de concepts liés aux sciences politiques, à la biologie, à la philosophie et à l’économie. Bien qu’un tel domaine n’existe pas et qu’il n’y a aucun nom pour le désigner, aucune raison ne justifie qu’il ne puisse constituer un « domaine déterminé ». Après tout, la division des disciplines universitaires est arbitraire et pourrait être faite autrement. On pourrait tout aussi bien les diviser à l’horizontale plutôt qu’à la verticale, alors pourquoi ne pas reconnaître les deux types de domaines de recherche et ainsi élargir la définition de « spécialiste »? Les universitaires qui surfent peuvent être des spécialistes, au même titre que les plongeurs et plongeuses.
Comme le milieu universitaire cherche à former des spécialistes, il devrait former à la fois des chercheurs et chercheuses des deux groupes. En fait, leur formation ne devrait pas être son seul objectif : l’embauche et le soutien de surfeurs et surfeuses devraient aussi en faire partie. Toutefois, la spécialisation excessive, la délimitation des disciplines et la définition restreinte du terme « spécialiste » empêchent bien souvent le milieu universitaire d’y parvenir. Le regroupement de ces facteurs mène également les plongeurs et plongeuses, qui sont en situation majoritaire, à faire preuve d’un certain snobisme et à voir les travaux des universitaires de l’autre groupe comme étant de moindre importance. Voilà qui contribue à accentuer leur sous-représentation dans le milieu, ainsi que le manque de mesures de soutien à leur égard.
Relier les connaissances entre elles est aussi important que de les approfondir, tout comme le surf est aussi important que la plongée. Lorsque la recherche dite « interdisciplinaire » sera véritablement acceptée et que des actions concrètes seront posées, le milieu universitaire en bénéficiera grandement.
Tejas Pandya est étudiant à la maîtrise en philosophie à l’Université Dalhousie.
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
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