Photo de : Michele Pevide

Ce n’est pas un secret, entretenir de bons rapports avec sa direction de recherche est l’une des clés de la réussite étudiante. Cela peut raccourcir la durée des études, favoriser la satisfaction étudiante et réduire les risques d’abandon. Mais qu’arrive-t-il lorsqu’on travaille pour sa direction de recherche?  

C’est une situation qui est monnaie courante aux études supérieures. Bien souvent, on reçoit du financement sous condition de travailler au sein de son département. Alors quoi de mieux que d’avoir sa direction de recherche comme patronne ou patron? 

Dans le cadre de mes recherches doctorales, j’ai demandé à des étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs en sciences humaines de partout au Canada de me fait part de leur expérience universitaire. J’ai alors pu entendre divers points de vue sur la question suivante : est-ce une bonne idée de travailler pour sa directrice ou son directeur de recherche?  

Le bon côté 

« Difficile d’imaginer une expérience intellectuelle plus gratifiante. »  

Il s’agit en effet d’une occasion d’acquérir des connaissances pratiques axées sur des intérêts partagés sur le plan professionnel et intellectuel. Voici ce qu’avait à dire un doctorant récemment diplômé qui avait été embauché par sa direction de recherche à titre d’adjoint à la rédaction pour une revue prestigieuse : « Travailler pour une revue, c’est passer 90 % de son temps à évaluer des activités de recherche, des collectes de données, des méthodes de recherche et des styles de rédaction. J’ai pu voir les coulisses du monde de la recherche, et j’ai pu voir comment ma direction donnait de la rétroaction à d’autres que moi. »  

Le moins bon côté  

J’utilise l’expression « cruauté de la supervision » pour décrire les situations où, malgré de bonnes intentions, les directrices et directeurs de recherche nuisent aux étudiantes et étudiants.  

Une ancienne doctorante travaillant comme auxiliaire de recherche pour son directeur m’a expliqué qu’elle était reconnaissante envers lui, mais aussi consciente du fait qu’il pouvait dépasser certaines limites.  

« Il tenait à nous donner le crédit comme co-autrice ou co-auteur, à nous rémunérer pour notre temps, à inclure tout le monde dans le processus et à nous aider à élaborer notre CV. » Toutefois, il considérait les recherches doctorales de son étudiante comme un obstacle aux travaux qu’ils faisaient ensemble, selon lui plus importants, et les jalons de son programme comme des éléments dont il fallait se débarrasser au plus vite, car il y avait beaucoup à faire. 

L’amitié qu’elle entretenait avec son directeur rendait acceptable sa fermeté affectueuse en tant que patron, même si celle-ci était dévastatrice. Cette amitié ouvrait aussi la porte à ce qu’elle appelait du travail « limite », comme répondre aux appels, aux courriels et aux textos à toute heure du jour. « Nous l’aidions avec ses travaux de recherche : c’était la priorité. » 

Le mauvais côté 

« Beaucoup de gens se complaisent dans la notion de l’universitaire débordé qui n’a pas le temps de répondre à nos questions stupides. » 

Une autre personne m’a décrit l’effritement de sa relation avec sa directrice de recherche au doctorat alors qu’elle participait à une demande de subvention comme auxiliaire de recherche : « Elle s’attendait à ce que je maîtrise des connaissances sur le processus que je n’avais tout simplement pas. » Malgré de nombreuses demandes d’aide, cette personne a dû se débrouiller seule pour la gestion du calendrier, la communication avec les parties prenantes, le transfert des connaissances et la saisie de données. En proie à l’inquiétude à l’approche d’une échéance, elle a appelé sa directrice de recherche, qui lui a répondu sèchement de ne pas l’appeler la fin de semaine avant de lui raccrocher la ligne au nez. Cette personne déplore que malgré des interactions qui les rabaissaient, des étudiantes et étudiants continuaient d’essayer de prouver leur valeur. Elle raconte par ailleurs que sa directrice ne prenait pas le temps de faire des réunions en bonne et due forme, préférant offrir des commentaires rapides et machinaux lors de rencontres fugaces. 

Que faire? 

Pour les étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs, travailler pour sa direction de recherche peut ouvrir bien des portes, mais il faut tenir compte de certains risques avant de signer le contrat. Voici quelques points à considérer : 

  • Réfléchissez à ce qui est nécessaire à votre réussite. Bien souvent, les étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs sont en situation d’emploi précaire et souhaitent ardemment obtenir des occasions qui leur permettront de payer les factures et de faire progresser leur carrière. Prenez le temps de bien réfléchir. Quelles sont vos attentes envers la personne qui vous emploie? Quel type d’environnement favorise votre épanouissement?   
     
  • Posez des questions difficiles. Le contrat que vous recevrez du département ne présentera pas tous les détails du poste. Il est donc essentiel que vous rencontriez votre direction de recherche et lui posiez des questions difficiles sur son style de gestion, sa philosophie de travail et ses attentes quant aux relations d’emploi qu’elle entretient avec ses étudiantes et étudiants. 
     
  • Obtenez des références.  Il y a de bonnes chances que votre direction de recherche ait embauché d’autres étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs avant vous. Découvrez qui sont ces personnes, payez-leur un café et demandez-leur de vous parler de leur expérience. Généralement, dans le milieu, on se serre les coudes. 
     
  • Explorez vos options. En matière d’emploi, les étudiantes et étudiants ont parfois une mentalité de pénurie. N’oubliez pas qu’il y a peut-être d’autres possibilités qui s’offrent à vous. Avant de vous engager, renseignez-vous sur les autres postes disponibles. 
     
  • Veillez à l’« harmonisation stratégique ». Quel poste correspond le mieux à votre recherche doctorale, à vos préférences personnelles et à vos objectifs professionnels? Pour que cette expérience d’emploi soit significative, et non seulement un contrat qui paye le loyer, elle doit concorder avec vos intérêts. 
     
  • Fiez-vous à votre instinct. Si la relation avec votre direction de recherche est marquée par les doutes, les mauvais pressentiments ou les réelles difficultés, la situation ne fera qu’empirer dans un contexte d’emploi. Vaut mieux alors refuser le poste. 

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