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Il s’agit ici du dernier article que j’écris pour la chronique Point de vue de l’administrateur. Le hasard a voulu qu’il coïncide avec la fin de mon mandat de vice-rectrice à la recherche à l’Université Dalhousie. Le moment est venu de rentrer chez moi, à l’Université McGill et à Montréal, là où j’ai passé 41 ans de ma vie.

Comme un autre de mes mandats vient aussi de s’achever (le Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale a publié son rapport le 10 avril), j’ai pensé profiter de cette chronique pour aborder ce que j’ai entre autres appris au sein de ce comité, ainsi que les leçons tirées de mon mandat en administration de la recherche à l’Université Dalhousie.

D’abord, j’ai découvert que le dernier examen complet de l’écosystème de recherche du Canada remonte à plus de 40 ans. Le Comité sénatorial de la politique scientifique, présidé par Maurice Lamontagne, a produit un remarquable rapport en plusieurs volumes au début des années 1970. Les autres membres du Comité et moi-même avons pu constater que, malgré de nombreux changements, certaines choses étaient restées les mêmes.

Parmi les changements, citons la création des quatre organismes qui financent la recherche universitaire. Dans le cadre des consultations menées auprès des chercheurs et des discussions des membres du Comité, j’ai appris que la plupart des chercheurs comprennent le fonctionnement de « leur » organisme, mais en savent très peu sur les autres. Lors d’une séance, après avoir entendu les plaintes concernant le modeste montant des subventions à la découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, un chercheur en études cinématographiques s’est exclamé : « Je prendrais bien une de ces subventions : ces 27 000 $ me conviendraient parfaitement. »

J’ai aussi constaté que, bien que ce soit involontaire, les organismes subventionnaires n’ont pas de bases de données communes ni la même définition de ce qui caractérise un chercheur « émergent ». Ces différences semblent anodines, mais, mises ensemble, elles compliquent grandement le système de financement. J’ai aussi été informée de situations encore plus graves, comme celle de chercheurs qui, après avoir acheté de l’équipement grâce au soutien de la Fondation canadienne pour l’innovation, n’ont pas pu l’utiliser, car le financement d’un autre organisme ne s’était pas concrétisé.

Le Comité a en outre découvert que, même si le gouvernement avait investi dans la recherche au cours des dernières années, une grande partie des fonds consentis étaient destinés à des partenariats de recherche axés sur les priorités. Les travaux de recherche théorique et axée sur la découverte ont obtenu un financement moindre. Dans l’ensemble, les investissements du gouvernement dans la recherche ont diminué, alors qu’ils ont augmenté dans la plupart des pays comparables, petits ou grands.

Ces exemples ne représentent qu’une parcelle du contenu du rapport du Comité, mais ils soulèvent plusieurs questions quant aux meilleures mesures à prendre par la suite. Par exemple, comment pouvons-nous, en tant que groupe national de chercheurs universitaires, promouvoir l’importance pour le gouvernement de réinvestir dans la recherche axée sur la découverte? Et peut-être encore plus important : comment pouvons-nous faire comprendre au grand public que les investissements dans la recherche constituent une utilisation judicieuse de ses impôts?

Au fil du temps, j’ai compris que des explications claires (et parfois répétées) valent mieux que de protester contre le gouvernement. J’ai aussi pu constater que les chercheurs universitaires possèdent un esprit critique hors pair. Tout cela risque toutefois de nous desservir si l’ensemble du milieu, à l’échelle nationale, commence à détruire le rapport point par point. On comprendrait alors très bien qu’un fonctionnaire se dise que, si nous n’arrivons même pas à nous entendre, nous serions impossibles à satisfaire. J’espère donc que nous pourrons nous mettre d’accord sur l’importance d’un investissement fédéral dans la recherche axée sur la découverte. Il sera aussi nécessaire de présenter des données probantes à tous les Canadiens pour les convaincre que la recherche permet de saisir de nombreuses occasions et de relever les défis mondiaux.

Certaines de ces occasions à saisir pour la création de nouvelles connaissances touchent les sphères sociale, économique, éducative et créative, et d’autres le génie et les sciences de la vie et de la nature. La recherche axée sur la découverte est non seulement fondamentale, mais elle est aussi nécessaire pour relever les défis de tous les jours. La création de nouveaux savoirs permet en outre d’enrichir ce que nous enseignons dans nos universités et, par conséquent, d’offrir une meilleure formation à la prochaine génération de Canadiens. Ainsi, nous créerons une société bien informée et axée sur le savoir.

Unissons nos forces et travaillons avec le gouvernement et l’ensemble des citoyens pour leur démontrer l’importance des investissements en recherche. Pour ce faire, nous devons croire en nous-mêmes et en ce que nous faisons : il faut rendre le savoir accessible en dehors des universités et convaincre ainsi nos interlocuteurs de son importance. Ces efforts nous obligeront à unir nos forces et à faire preuve de ténacité et de détermination. Si nous arrivons à relever ce défi, le Canada pourra occuper sa juste place de chef de file scientifique dans le monde.

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