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Si j’ai choisi de partir pour Halifax en 2008, c’était entre autres pour travailler à la résolution d’une énigme particulière dans un environnement stimulant. Halifax possède une université de recherche qui compte plus d’une centaine de chercheurs en océanographie, ainsi que cinq laboratoires de recherche fédéraux axés sur les sciences de l’océan. L’un de ces laboratoires se trouve sur le campus de l’Université Dalhousie, à un jet de pierre des départements d’océanographie et de biologie de l’établissement. Il représentait pour moi une occasion unique de mener des travaux de recherche universitaires dans un laboratoire gouvernemental, en toute synergie.

J’ai appris depuis que les chercheurs gouvernementaux qualifient leurs travaux d’« intra-muros » et la recherche universitaire d’« extra-muros ». Pour les chercheurs universitaires, c’est le contraire. Ils considèrent comme internes leurs travaux de recherche et activités savantes, et comme externes celles menées par les chercheurs gouvernementaux. À une époque où ce cloisonnement constitue une question sensible aux États-Unis, nous gagnerions à remettre en cause notre perception de ce qui est interne d’une part, et externe d’autre part. En réalité, il existe au Canada un certain nombre d’initiatives où le « mur » entre les deux est plus perméable. Mais il existe aussi des initiatives dans le cadre desquelles les gens travaillent encore à aplanir leurs différences et à trouver des moyens de collaborer.

Un article paru le 9 novembre dernier dans Research Money revient sur la forte hausse du financement de Pêches et Océan Canada (POC) ainsi que de la Garde côtière canadienne annoncée à l’occasion du budget de 2015. Une part considérable de cette augmentation sera dévolue à un nouvel organisme, le Bureau du partenariat et de la collaboration, qui contribuera à financer des projets menés conjointement par POC et par d’autres intervenants, dont les universités. Par ailleurs, de l’autre côté du « mur », certains projets financés par le Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada feront autant appel à la participation de chercheurs universitaires que de chercheurs gouvernementaux.

L’an dernier, des chercheurs de l’Université Dalhousie et de nombreuses autres universités canadiennes ont bénéficié d’une initiative bien accueillie par le gouvernement du Canada. Lors de la mise sur pied l’hiver dernier de la Child and Youth Refugee Research Coalition (CYRRC), évoquée dans le numéro de janvier 2017 d’Affaires universitaires, des chercheurs d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ainsi que de Statistique Canada ont proposé d’apporter leur aide en fournissant les données et une partie du financement de démarrage indispensables à la formation de partenariats avec des chercheurs allemands, dans le cadre de la CYRRC et des divers autres projets axés sur l’immigration et les réfugiés qui verront le jour.

L’Allemagne est un exemple utile en matière d’instituts de recherche financés par le gouvernement, qui, bien que non universitaires, entretiennent des liens étroits avec les universités. Tous dotés de mandats différents, les instituts Max Planck, Helmholtz, Frauenhofer et Leibniz travaillent ainsi souvent en collaboration avec les universités voisines, ou avec les chercheurs de celles-ci. Les étudiants aux cycles supérieurs ont ainsi la chance de travailler avec les chercheurs de ces instituts avant l’obtention de leur diplôme. Pendant de nombreuses années, la recherche menée au sein des universités allemandes était relativement sous-financée comparativement à celle qui se fait au sein des instituts non universitaires. C’est moins vrai depuis quelques années. La force de la recherche allemande repose désormais sur trois piliers : le financement accordé aux universités par la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG); le financement des instituts non universitaires par le gouvernement fédéral et les gouvernements étatiques; et enfin, les dépenses consacrées à la recherche par le secteur privé. Signalons que le financement de la recherche par le secteur privé dépasse de loin la somme des deux autres sources de financement combinées.

En 2006, l’Allemagne a lancé par l’intermédiaire de la DFG une initiative axée sur l’excellence en recherche, dont le Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada s’est inspiré. Cette initiative consistait entre autres à financer l’émergence d’établissements d’études supérieures offrant la meilleure formation qui soit en matière de recherche, et la création de grappes d’excellence en recherche. Dans un certain nombre de cas, l’émergence de ces établissements et grappes a été rendue possible grâce à l’aide des instituts Max Planck, Helmholtz, Leibniz et Frauenhofer, ainsi que de grandes entreprises et de PME associées aux universités de leurs régions respectives. Or, dans les descriptions du modèle de financement allemand que j’ai pu lire ou dont j’ai eu vent, jamais les termes « extra-muros » et « intra-muros » ne sont employés.

À l’heure où le Canada réfléchit aux moyens d’améliorer son rendement en matière de recherche et d’innovation, il doit tirer parti de la totalité des chercheurs qu’il compte, qu’il s’agisse de ceux des laboratoires du Conseil national de recherches Canada, des chercheurs en sciences et en sciences humaines qui œuvrent au sein de ministères fédéraux, ou encore des chercheurs rattachés au secteur privé et aux universités. Nous devons inventer de nouveaux modèles et trouver des moyens de faire en sorte qu’ils conduisent à des partenariats. L’ensemble des chercheurs canadiens forme le tissu qui sous-tend la recherche canadienne. À nous de renforcer ce tissu en donnant naissance à une recherche canadienne unie, dont les acteurs travailleront ensemble à améliorer la qualité de vie de nos citoyens et des nouveaux arrivants.

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