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Le parcours professionnel de
10 000 diplômés examiné

Le projet des 10 000 doctorats a permis de compiler des données sur l’emploi des diplômés du troisième cycle à l’Université de Toronto entre 2000 et 2015.

par ANQI SHEN | 07 FEV 18

Pour comprendre où aboutissent les doctorants à la fin de leurs études, l’école des études supérieures de l’Université de Toronto s’est donné pour mission de recueillir les données publiques des quelque 10 000 étudiants de l’établissement ayant obtenu leur doctorat entre 2000 et 2015. Ce projet (10 000 PhDs Project en anglais) vise à dresser le portrait de la situation professionnelle actuelle de ces 10 000 titulaires de doctorat.

Les résultats révèlent qu’un peu moins de 60 pour cent des titulaires d’un doctorat de l’Université de Toronto travaillent dans le milieu de l’enseignement supérieur, que ce soit comme professeurs enseignants, chargés de cours à temps plein ou à temps partiel, professeurs auxiliaires, agrégés de recherche, chercheurs postdoctoraux ou administrateurs universitaires. Moins du tiers d’entre eux ont un poste menant à la permanence.

Toutes les sections en bleu font partie du secteur de l’éducation postsecondaire.

Les titulaires d’un doctorat en sciences humaines et en sciences sociales sont les plus nombreux à occuper un tel poste (chacun dans une proportion d’environ 40 pour cent), alors que ceux du domaine des sciences physiques et de la vie sont les plus susceptibles de travailler dans le secteur privé. Les hôpitaux et les gouvernements sont les deux principaux employeurs du secteur public et emploient actuellement 12 pour cent des titulaires de doctorat suivis par l’étude.

Les résultats complets seront bientôt publiés au moyen d’un outil interactif en ligne et d’une série de mini-rapports ciblant différents publics, comme les étudiants, les fonctionnaires et les employeurs. Des données sur la nationalité des diplômés et leur lieu de travail (géographique et sectoriel) après l’obtention de leur doctorat ont aussi été recueillies.

Le projet a été chapeauté par Reinhart Reithmeier, un professeur de biochimie. En 2012, il a mené un exercice comparable dans son propre département et a ainsi appris que seulement 15 pour cent des anciens étudiants aux cycles supérieurs travaillaient comme professeurs. Il se souvient avoir d’abord cru à une erreur. Il s’est quand même dit impressionné par les résultats, qui l’ont incité à créer des possibilités de perfectionnement professionnel dans son département. « J’étais renversé. Leurs parcours étaient extraordinaires, explique-t-il. Le problème était que je n’en savais rien, comme la plupart des membres du corps professoral, à quelques exceptions près. Pire encore, nos étudiants n’en savaient rien non plus. »

En janvier 2016, il a proposé à l’école des études supérieures de lancer le projet des 10 000 doctorats afin d’assurer la transparence des perspectives des doctorants. Il a formé une équipe de chercheurs au premier cycle responsables de recueillir des données publiques sur Internet, notamment à l’aide des programmes de collation des grades et des médias sociaux. L’équipe a trouvé de l’information sur 85 pour cent des anciens étudiants aux cycles supérieurs, et cette proportion est passée à 88 pour cent après la consultation des dossiers du département.
« Nous espérons inciter d’autres universités à compiler des données sur les perspectives d’emploi de leurs étudiants aux cycles supérieurs pour les aider à faire des choix professionnels éclairés », souligne M. Reithmeier.

Hausse des effectifs aux cycles supérieurs

En 2005 et 2011, le gouvernement de l’Ontario a accordé des fonds supplémentaires aux universités afin de créer successivement 14 000, puis 6 000 nouvelles places aux cycles supérieurs. En 15 ans, l’Université de Toronto a vu quasiment doubler son effectif étudiant au doctorat. Les sciences physiques ont connu la hausse la plus importante, devant les sciences de la vie et les sciences sociales. Dans le domaine des sciences humaines, le nombre d’étudiants aux cycles supérieurs est resté constant.

« Je crois que le gouvernement et le milieu des affaires doivent mieux comprendre le rôle des études supérieures, affirme Joshua Barker, doyen des études supérieures et professeur d’anthropologie à l’Université de Toronto. Nos doctorants sont nos meilleurs ambassadeurs. Individuellement, ils ont une influence énorme, mais il est intéressant d’avoir un portrait global de leur place dans l’économie. »

D’autres projets canadiens ont permis de recueillir et de publier des données sur les perspectives de carrière des titulaires de doctorat : un projet interne de l’Université de la Colombie-Britannique, par exemple; le projet TRaCE qui s’intéresse au domaine des sciences humaines; et le projet du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES) à l’échelle provinciale. Selon M. Reithmeier, le rapport publié par le COQES en 2016 a inspiré la méthodologie du projet des 10 000 doctorats.

L’étude du COQES s’intéressait à la situation professionnelle des 2 310 étudiants ayant obtenu un doctorat dans une université ontarienne en 2009. Elle a conclu qu’ils étaient un peu moins de 30 pour cent à occuper un poste à temps plein ou menant à la permanence dans une université, et 21 pour cent à avoir un autre emploi dans le milieu universitaire. Plus du tiers travaillait dans divers secteurs à l’extérieur du milieu universitaire. Aucun renseignement sur l’emploi n’a été trouvé pour les 15 pour cent restant.

Un rapport du Conference Board du Canada publié en 2015 révélait des résultats légèrement différents. Il concluait en effet que 40 pour cent des titulaires de doctorat travaillaient dans le secteur de l’éducation postsecondaire, mais que moins du cinquième d’entre eux (18,6 pour cent) occupaient un poste de professeur à temps plein, qu’ils aient obtenu leur permanence ou non. Les autres (60 pour cent) se sont tournés vers d’autres secteurs (industrie, gouvernement et organisations non gouvernementales).

Selon Sally Rutherford, directrice générale de l’Association canadienne pour les études supérieures (ACES), la collecte de données est une priorité pour de nombreux administrateurs universitaires, mais la réglementation en matière de protection de la vie privée complique les choses. « Tout le monde a de l’information anecdotique, mais les vrais chiffres sont difficiles à obtenir », affirme-t-elle. Et pourtant, « de plus en plus d’établissements se tournent vers une forme de suivi pour répondre à leurs propres besoins. Leur utilité est évidente, car il faut de plus en plus rendre des comptes quant à l’utilisation des fonds publics ».

Mme Rutherford ajoute que, même s’il a été question de réformer les cycles supérieurs dans l’ensemble des établissements au cours de la dernière décennie, le changement de culture se fait lentement. « Différentes universités entreprennent de nouvelles démarches pour leurs projets, mais je crois que, dans l’ensemble, il nous reste du chemin à faire », soutient-elle.

Selon M. Barker, l’Université de Toronto « mettra toujours l’accent sur la formation liée aux emplois de haut niveau menant à la permanence ». Il ajoute cependant que le projet des 10 000 doctorats pourrait contribuer au changement. « Lorsqu’on comprend mieux où les diplômés travaillent, on peut commencer à repenser les programmes et leurs exigences. […] J’aimerais en arriver à un point où les étudiants verraient, au cours de leur programme universitaire, leurs options d’avenir se préciser. »

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