Le Québec fait de l’oeil aux étudiants étrangers

Le Québec multiplie les efforts pour attirer plus d’étudiants internationaux et les convaincre de rester après avoir obtenu leur diplôme.

07 juin 2017

Au tournant des années 2000, Maha Berechid étudie dans un lycée français au Maroc et rêve d’études universitaires à l’étranger. Le choix de Montréal s’impose rapidement. « Je souhaitais étudier en français, dans une université réputée, raconte-t-elle. Montréal est une ville très sécuritaire, paisible, abordable et pleine de charmes. De plus, l’anglais y est la langue seconde et je voulais l’apprendre. »

Le projet de s’y établir à long terme se formera dans son esprit après deux ans de baccalauréat. « Je me sentais bien à Montréal et je m’y voyais faire ma vie, dit-elle. Je m’étais habituée au rythme d’une métropole nord-américaine, différent de celui de l’Afrique du Nord. Surtout, j’y avais de bonnes perspectives professionnelles. »

Aujourd’hui âgée de 33 ans et détentrice d’une maîtrise en sciences économiques de l’Université de Montréal, elle est citoyenne canadienne et occupe un poste à la Ville de Montréal.

Futurs citoyens recherchés

S’il n’en tenait qu’au gouvernement québécois, les parcours comme celui de Maha Berechid se multiplieraient. Le Québec présente la cinquième plus vieille population au pays, précédée seulement des provinces maritimes. En 2015-16, sa population a crû de 0,8 pour cent, sous la moyenne nationale pour une cinquième année de suite, selon Statistique Canada.

« Il doit attirer des immigrants pour combler ses besoins démographiques, note Christian Bernard, vice-président stratégie et communications à Montréal international (MI). Or, les étudiants internationaux vivent déjà au Québec et plusieurs parlent français. Ils sont très qualifiés et n’ont aucun problème de reconnaissance de diplôme. »

En octobre 2016, le gouvernement québécois investissait 1,6 million de dollars sur trois ans dans le programme Je choisis Montréal, de MI, visant à tripler la rétention des diplômés étrangers dans la région. Un mandat semblable a été confié, en mars 2017, à Québec international pour les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches. Poursuivant sur sa lancée, le gouvernement du Québec a annoncé, en mai dernier, une subvention de 85 000 dollars pour Sherbrooke Innopole afin d’inciter les étudiants internationaux qui obtiennent notamment un diplôme d’études universitaires en Estrie à s’y établir de façon permanente.

Une récente étude de l’Institut du Québec, effectuée en partenariat avec le Conference Board du Canada et HEC Montréal, pointe vers trois obstacles qu’il faudra surmonter pour réussir. L’apprentissage de la langue française, nécessaire à l’obtention de la résidence permanente, pose des difficultés aux étudiants non francophones. Le gouvernement du Québec en est conscient et offre désormais l’accès au service de Francisation en ligne, autrefois réservés aux personnes déjà sélectionnées comme immigrants.

La connaissance des processus d’immigration et l’accès à un emploi sont d’autres obstacles de taille. « Depuis 2010, Québec offre le Programme de l’expérience québécoise, une voie rapide d’obtention de la résidence permanente pour les futurs diplômés, explique Kareem El-Assal, auteur de l’étude de l’Institut du Québec. De 2011 à 2015, le nombre de certificats de sélection du Québec décernés aux étudiants étrangers dans ce programme a grimpé de 1 126 à 3 512. »

Mais il faudra plus. « Si les étudiants étrangers ne peuvent travailler après leurs études, ils partiront, prévient Kareem El-Assal. Il faut encourager plus d’employeurs à les embaucher dès la fin de leurs études. Encore trop d’entre eux hésitent, craignant de les voir quitter le Québec ou d’être empêtrés dans des processus administratif complexes. »

Le chant des sirènes

Pour garder davantage d’étudiants étrangers au Québec, il faudra d’abord en attirer plus. Le nombre d’étudiants universitaires internationaux a bondi de 72,7 pour cent au Québec de 2004-2005 à 2014-2015, alors qu’il a augmenté de 102 pour cent en Ontario et de 207 pour cent en Colombie-Britannique, selon Statistique Canada.

Ce retard provient en partie du fait que les universités de langue française du Québec recrutent surtout dans la francophonie, alors que les institutions de langue anglaise bénéficient de l’arrivée massive d’étudiants asiatiques notamment de la Chine et de l’Inde. Près de 60 pour cent des étudiants étrangers de l’Université de Montréal provenaient de France en 2016, contre 4,2 pour cent de Chine. À McGill, environ 18 pour cent proviennent de Chine et 16 pour cent de France.

Des étudiants éventuels à l’Université de Montréal. Photo de l’Université de Montréal.

Guy Lefebvre, vice-recteur aux Affaires internationales et à la Francophonie à l’Université de Montréal, admet que son institution cherche à diversifier les pays de provenance de ces étudiants. Le Brésil, la Chine ou le Pérou sont notamment dans sa mire.

« Pour nous, l’apport de ces étudiants est d’abord académique, dit-il. Il s’agit d’offrir aux étudiants québécois un campus international. Vous savez, seulement 7 pour cent des étudiants québécois de l’Université de Montréal feront des études à l’étranger. Pour les autres, le contact avec l’étranger et la constitution de réseaux internationaux se font au Québec. »

« Sans compter que ces étudiants nous appuient aussi par la suite, ajoute Jocelyne Younan, registraire adjointe, Recrutement et Communications à l’Université McGill. Certains restent au Québec, mais la majorité poursuit des carrières dans d’autres pays. Ils deviennent autant d’ambassadeurs pour aider McGill à recruter de nouveaux étudiants étrangers ou à construire des projets intéressants. »

Les universités québécoises s’entraident d’ailleurs pour rehausser le profil du Québec, notamment via le site Destinations universités Québec. « Nous collaborons pour promouvoir l’image du Québec et optimiser nos ressources, conclut Mme Younan. En travaillant ensemble, nous réussirons à attirer de plus en plus d’étudiants internationaux chez nous. » Ces efforts semblent commencer à porter fruit tel que le laisse présager le palmarès 2017 de l’Institut Quacquarelli Symonds (QS) qui couronne Montréal à titre de ville préférée des étudiants étrangers détrônant ainsi Paris qui régnait au sommet du classement depuis cinq ans.

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