L’engagement de Manon Bergeron contre les violences sexuelles récompensé

Récipiendaire de l’un des 11 prix remis lors du Gala de l’Acfas le 16 novembre, la professeure parle de la nécessité de documenter les violences sexuelles.

30 novembre 2023
Une photo de Manon Bergeron qui reçoit son prix des mains d'Anne Dionne, deuxième vice-présidente de la Centrale des syndicats du Québec.

Près d’une personne sur trois reconnaît avoir subi des violences sexuelles en milieu universitaire, selon une étude publiée en 2016. Au sein de la communauté 2SLGBTQIA+, le ratio de victimes s’élève à une personne sur deux, d’après un rapport de 2023 dirigé par la Chaire de recherche sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur que Manon Bergeron a créée. Le 16 novembre dernier, la professeure titulaire au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal a reçu le Prix Acfas Thérèse Gouin-Décarie pour les sciences sociales. Si la récompense confirme la pertinence actuelle de ses recherches qui ont su aboutir à des actions concrètes, elle souligne aussi la nécessité de faire prendre conscience d’un problème sociétal aussi présent dans le milieu de l’enseignement supérieur.

Interrogée sur son expertise, Mme Bergeron n’hésite pas à rappeler les différentes déclinaisons encore méconnues de ces violences. Le harcèlement sexuel? Des paroles et des actes qui se traduisent par des attitudes insultantes, hostiles et dégradantes. Les comportements sexuels non désirés? Les tentatives de viol et les agressions sexuelles, certes, mais aussi tous « les comportements verbaux et non verbaux offensants, non désirés et non réciproques ». Sans oublier le chantage sexuel, souvent employé pour des faveurs liées à l’emploi ou aux études. Elle en est convaincue : la lutte contre ces violences passera par une meilleure connaissance des concepts fondamentaux. Son implication en prévention a d’ailleurs été applaudie par l’Acfas.

Voici la liste des récipiendiaires des prix remis lors du Gala de l’Acfas : 

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« La lauréate a su rallier les expertises d’individus, d’institutions et d’organismes d’intervention, pour ensuite les organiser en un réseau visant un objectif commun : prévenir les violences sexistes et sexuelles dans le milieu de l’enseignement », a salué le jury du prix annuel. Comme c’est souvent le cas chez les femmes lauréates, Mme Bergeron a attribué cette reconnaissance à une réussite collective. « J’en suis la récipiendaire, mais c’est un prix d’équipe », a-t-elle précisé en citant ses collègues de la Chaire, les chercheurs et chercheuses, étudiant.e.s et autres partenaires de recherche impliqué.e.s au fil des années. Et malgré la matière politiquement sensible de son travail, la lauréate assure que depuis la création de la Chaire, il y a 5 ans, elle a toujours eu les coudées franches pour mener librement ses projets au sein des institutions.

Depuis qu’elle est devenue professeure en 2010, la sexologue a dirigé plusieurs recherches d’envergure, dont trois enquêtes au Québec pour mieux cerner les violences sexuelles en milieu universitaire et collégial : l’Enquête Sexualité, Sécurité et Interactions en Milieu Universitaire : Ce qu’en disent étudiant.es, enseignant.es et employé.es (ESSIMU, 2016), pour laquelle elle a reçu le prix Scientifique de l’année 2018 décerné par Radio-Canada, mais aussi le Projet intercollégial d’étude sur le consentement, l’égalité et la sexualité (PIECES, 2020) et cette année, le projet Alliance 2SLGBTQIA+, une enquête visant à mieux cerner les expériences de violences sexuelles subies en milieu collégial touchant spécifiquement les personnes étudiantes 2SLGBTQIA+ au Québec.


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Avant d’intégrer le milieu universitaire, Mme Bergeron a été intervenante auprès des victimes d’agressions sexuelles. « Depuis mon stage en sexologie où j’ai rejoint un organisme qui venait en aide aux personnes victimes, ça toujours été mon champ d’intérêt », confirme la professeure qui n’a donc pas attendu le mouvement #moiaussi pour trouver sa vocation mais s’est intéressée spécifiquement au milieu universitaire quand elle a découvert « un réel besoin d’y documenter la violence sexuelle ». Ses recherches vont notamment démontrer que le phénomène ne se limite pas à la communauté étudiante mais s’avère « très présent et pour l’ensemble des groupes », corps professoral et employé-e-s aussi. « C’est donc d’autant plus important de proposer des formations qui concernent toute la communauté universitaire et d’en mobiliser tous les acteurs », fait-elle valoir.

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Son travail a notamment inspiré la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur, et qui les oblige à adopter une politique pour contrer ce type de violences. Si le Québec partage avec les États-Unis « une obligation d’avoir un dispositif clair », explique-t-elle, ce n’est pas toujours le cas des autres provinces canadiennes où les mesures dépendent parfois de chaque établissement. Bien que l’adoption d’une loi ne suffise pas pour endiguer ce phénomène, nuance Mme Bergeron, elle constitue néanmoins « un élément central dans la lutte contre les violences sexuelles ».

En congé sabbatique d’enseignement depuis le mois d’août, la professeure travaille sur un projet de recherche qui suivrait le parcours d’étudiant.e.s du cégep jusqu’à l’université, analyserait leur exposition aux programmes de prévention et étudierait l’influence de ces dispositifs sur leurs comportements. « Le besoin actuellement, reconnaît-elle, c’est de savoir quel est l’effet réel de toutes ces mesures. »

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