Petit guide du rôle d’allié

Entretien avec Michael Kehler, chercheur à l’Université de Calgary et spécialiste de l’intersection entre le genre et l’éducation

07 mars 2025
Photo courtoisie de : Michael Kehler

Dans le milieu universitaire, les questions de genre et d’inégalités systémiques restent des enjeux majeurs, souvent invisibilisés ou minimisés. Michael Kehler, chercheur à l’Université de Calgary, s’intéresse à l’intersection entre le genre et l’éducation, en mettant en lumière le rôle que peuvent jouer les hommes en tant qu’alliés dans la lutte contre le sexisme et les discriminations. Dans cet entretien, il explore les moyens concrets d’encourager une masculinité plus inclusive et de briser le statu quo au sein des établissements. 

Qu’est-ce que le rôle d’allié pour vous? 

Être une personne alliée, c’est reconnaître et comprendre où l’on se situe soi-même sur le spectre des genres, des ethnies et des classes. C’est aussi chercher activement des façons de déconstruire ou de bousculer les rapports de pouvoir. Pour un homme blanc cisgenre et hétérosexuel, cela implique de stopper de manière réfléchie et intentionnelle les actes d’oppression. Le rôle d’allié passe également par la reconnaissance de ses privilèges et des diverses intersections du pouvoir qui articulent nos interactions quotidiennes. Tout se joue sur notre capacité et notre volonté à lutter contre les iniquités structurelles. En bref, une personne alliée sait reconnaître les injustices systémiques et ose briser le silence devant toute forme de racisme, de sexisme et de misogynie ordinaires. Elle n’hésite pas à faire résonner sa voix et à élever celle des autres qui dénoncent les injustices systémiques.  

Que peuvent faire les hommes pour favoriser l’égalité des genres dans le milieu universitaire? 

Pour être des alliés, les hommes peuvent commencer par voir s’ils savent écouter et respecter les voix des autres, puis se questionner sur leur façon d’apporter du soutien dans les situations qui le nécessitent. En d’autres mots, face à des iniquités de genre, les hommes doivent chercher à perturber concrètement l’ordre des choses. Ils doivent aussi examiner la façon dont ils invitent les autres, particulièrement d’autres hommes, à dialoguer ouvertement sur les iniquités de genre de façon à les rendre visibles. Face à la misogynie, au silence de certains hommes et à leur attitude défensive, ils ont le pouvoir d’alimenter et de promouvoir le dialogue et la curiosité. Lancer des discussions franches et inconfortables pour mettre au grand jour les déséquilibres de pouvoir et les injustices, c’est difficile, mais nécessaire. Dans le milieu universitaire, les hommes alliés peuvent mettre un frein aux pratiques systémiques sexistes et misogynes qui réduisent certaines personnes au silence et qui perpétuent des injustices, de façon implicite ou explicite.  

Comment les hommes alliés devraient-ils réagir face aux préjugés, à la discrimination et au harcèlement fondés sur le genre?  

La masculinité complice, contrairement au rôle d’allié, impose le silence et le statu quo face à des formes de racisme, de sexisme et de misogynie qu’on ne remet même pas en question. C’est par la compassion et la sensibilisation que l’on peut faire un pied de nez aux préjugés, à la discrimination et au harcèlement liés au genre. Les hommes sont dans une position particulière où ils peuvent se détacher de leurs privilèges masculins en ébranlant et en remettant en question les pratiques, les interactions et les attitudes discriminatoires de leurs homologues. En bref, ils devraient dénoncer les actes sexistes, discriminatoires, misogynes ou racistes dont ils sont témoins. Avoir le courage d’élever sa voix aux côtés des femmes, et non à leur place, est la bonne chose à faire en tant qu’allié.  

Que peuvent faire les administrations pour favoriser le rôle d’allié chez les hommes? 

Les administrations n’ont pas l’habitude de participer à la promotion du rôle d’allié. En reconnaissant les attitudes, les comportements et les répercussions qui alimentent la masculinité hégémonique, elles pourraient ouvrir la porte à des discussions plus larges sur le sexisme, la discrimination et le racisme systémiques dans les établissements universitaires. Les enjeux de santé mentale et de violence fondée sur le genre concernent tout le monde. Les façons dont la masculinité est représentée sur le campus, dans le milieu universitaire et dans les interactions quotidiennes peuvent encourager le rôle d’allié chez les hommes et la diversité des formes de masculinité. En favorisant une masculinité plurielle, les administrations donneraient aux garçons et aux hommes la légitimité de briser le moule qui les rend complices du maintien d’une réalité où les « cliques d’hommes » sont normales. Tant que les administrations ne remettent pas activement en cause la représentation de la masculinité sur les campus, les « cliques d’hommes » et la masculinité complice continueront d’être des vecteurs de sexisme, de racisme, d’homophobie et de discrimination systémiques.  

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