Soigner le cancer autrement : une recherche doctorale sur le terrain au Nigeria
Otuto Amarauche Chukwu s'intéresse au rôle que pourraient jouer les pharmaciennes et pharmaciens communautaires dans l'accès aux soins en cancérologie.

Doctorant en politiques de santé à l’Université de Toronto et récipiendaire de la Bourse internationale de recherche doctorale en 2023, Otuto Amarauche Chukwu mène une étude de terrain au Nigeria pour comprendre les défis rencontrés par les personnes atteintes de cancer. Son objectif : documenter les parcours de soins, cerner les obstacles systémiques et explorer le potentiel des pharmaciennes et pharmaciens communautaires pour désengorger le système et rapprocher les soins des patientes et patients. Nous avons discuté avec lui de ses travaux et de ses observations sur le terrain.
Q : Depuis que vous avez commencé votre travail sur le terrain en juin de l’année dernière, quels sont les principaux objectifs de votre recherche et quel type d’informations souhaitez-vous recueillir?
R: Ma recherche vise à explorer la façon dont les personnes atteintes de cancer au Nigeria naviguent dans le système de santé et à cerner les obstacles à des soins rapides et efficaces. Grâce à ces renseignements, j’espère explorer l’opinion des cancérologues, des pharmaciennes et pharmaciens et des décisionnaires sur la façon dont nous pouvons offrir certains soins aux personnes atteintes de cancer plus près de la collectivité par l’entremise des pharmaciennes et pharmaciens. Cela pourrait contribuer à réduire le fardeau croissant du traitement du cancer au Nigeria.
Je recueille des données qualitatives au moyen d’entrevues avec des patientes et des patients, le personnel soignant et des prestataires de soins de santé. L’objectif est de documenter les expériences réelles, y compris le fardeau du traitement du cancer, l’accessibilité aux soins et le rôle des pharmaciennes et pharmaciens dans le traitement du cancer. De plus, j’analyse la façon dont les pharmaciennes et pharmaciens qui travaillent dans la collectivité pourraient aider à régler ces problèmes et d’autres inefficacités dans l’accès aux soins en cancérologie, comme les longs temps d’attente et la disponibilité limitée des oncologues.
J’espère que ma recherche pourra fournir des données probantes qui pourront éclairer les décisions stratégiques et les interventions en soins de santé visant à améliorer l’accessibilité aux soins en cancérologie. L’objectif ultime est de contribuer à une approche du traitement du cancer axée sur la patientèle au Nigeria, en veillant à ce que les obstacles structurels soient éliminés et à ce que les patientes et patients reçoivent rapidement des soins abordables et de grande qualité.
Q : Pouvez-vous décrire à quoi ressemble une journée typique sur le terrain?
R : Ma journée typique de travail sur le terrain commence tôt par un survol des entrevues prévues et de la logistique. J’assure la coordination avec les auxiliaires de recherche, le personnel hospitalier, les patientes et patients et le personnel soignant pour m’assurer que les participantes et participants sont disponibles et à l’aise. Je mène habituellement des entrevues dans les services d’oncologie ou dans des zones isolées de l’hôpital, selon les préférences des participantes et participants.
Chaque entrevue exige une préparation minutieuse, car la discussion des soins en cancérologie peut être profondément personnelle et émotionnelle. J’aborde chaque séance avec empathie, en offrant un espace sécuritaire où les patientes et patients et le personnel soignant peuvent me faire part de leurs expériences. Au cours des entrevues, je prends des notes détaillées et j’enregistre les éléments clés, tout en observant l’environnement des soins de santé et les interactions entre les patientes et patients et les prestataires de soins.
Outre la collecte de données, j’assure la liaison avec les administrations d’hôpitaux et les comités d’éthique pour gérer les autorisations de recherche et maintenir la conformité aux lignes directrices sur l’éthique. À la fin de la journée, je passe en revue et j’organise mes notes, je transcris les entrevues et je réfléchis aux tendances qui se dégagent.
Q : Quels aspects du travail sur le terrain trouvez-vous les plus gratifiants? Pourriez-vous raconter une expérience ou un moment qui vous a marqué?
L’un des aspects les plus gratifiants du travail sur le terrain est la possibilité d’entendre les histoires des patientes et patients directement de leur bouche. M’entretenir avec des personnes atteintes de cancer me permet de mieux comprendre les défis auxquels elles sont confrontées. Leur résilience et leur détermination à accéder au traitement, malgré les obstacles systémiques, m’inspirent et renforcent l’importance de mes recherches.
Une expérience particulièrement mémorable a été la rencontre d’une femme qui avait reçu un diagnostic de cancer du sein, mais qui avait de la difficulté à recevoir rapidement un traitement en raison de contraintes financières. Elle a dû parcourir de longues distances pour avoir accès à la chimiothérapie et, parfois, elle a sauté des séances de traitement parce qu’elle n’avait pas les moyens de payer. Malgré ces défis, elle garde toujours espoir, et j’ai découvert qu’elle cherche activement d’autres façons d’accéder aux soins. Son histoire, comme celle de la plupart des autres personnes que j’ai interviewées, met en lumière les lacunes du système de soins en cancérologie au Nigeria et souligne l’urgence de s’attaquer aux obstacles financiers et logistiques au traitement.
Des moments comme celui-ci me rappellent pourquoi la recherche est cruciale – non seulement pour documenter les problèmes, mais aussi pour promouvoir des solutions. En sachant que ma recherche pourrait contribuer à d’importants changements stratégiques et à l’amélioration de l’accès aux soins de santé, je considère que tous les défis du travail sur le terrain en valent la peine.
Q : Avez-vous rencontré des difficultés au cours du processus de collecte des données? Si oui, comment les avez-vous surmontées?
Oui, le travail sur le terrain a présenté plusieurs obstacles, y compris des difficultés logistiques, éthiques et émotionnelles. L’un des principaux défis a été de franchir des étapes supplémentaires d’approbation éthique à l’établissement. Habituellement, l’obtention de l’approbation éthique du comité national d’éthique de recherche en santé du Nigeria (qui est gratuite) suffit pour mener des recherches dans des établissements publics. Cependant, certains endroits veulent que vous obteniez leur propre approbation éthique, qui a un coût. J’ai donc dû trouver des moyens de communiquer avec les administrations d’hôpitaux pour négocier ce coût, demander des exemptions ou ajuster mon budget de recherche.
Une autre difficulté a été de coordonner les entrevues avec les patientes et patients qui sont souvent en détresse en raison de leur diagnostic et de leur traitement. De nombreuses personnes ont des disponibilités limitées en raison de rendez-vous à l’hôpital, de la fatigue ou de contraintes financières qui rendent les déplacements difficiles. Pour résoudre ce problème, j’ai travaillé en étroite collaboration avec mes auxiliaires de recherche, le personnel infirmier du service d’oncologie et le personnel soignant pour organiser des entrevues à des moments qui conviennent le mieux aux personnes participantes, ce qui a eu pour effet de perturber le moins possible leurs soins.
De plus, écouter les patientes et patients parler de leurs difficultés, en particulier ceux qui ont des difficultés financières ou des options de traitement limitées, était éprouvant sur le plan émotionnel. Mais ces enjeux renforcent l’importance que ma recherche pourrait avoir. Malgré les difficultés, j’ai pu recueillir des données riches et significatives tout en veillant à ce que les personnes participantes se sentent entendues et valorisées tout au long du processus.
Q : Qu’est-ce qui vous pousse à poursuivre vos objectifs de recherche?
Ma passion pour la recherche découle de la conviction que les résultats fondés sur des données probantes peuvent entraîner d’importants changements politiques et améliorer les systèmes de soins de santé. Au Nigeria, et dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire, l’accès à des soins de qualité en cancérologie est souvent déterminé par le statut socioéconomique, la situation géographique et les inefficacités systémiques. Je suis motivé par la nécessité de combler ces lacunes et de faire valoir des solutions de soins de santé plus équitables.
Ce qui me pousse à continuer, c’est l’incidence que la recherche peut avoir sur les gens. Chaque entrevue, chaque point de données recueilli représentent l’expérience vécue d’une personne – une personne qui a du mal à accéder à un traitement qui lui sauverait la vie ou à s’y retrouver dans des systèmes de soins de santé complexes ou fragmentés. Savoir que mon travail peut favoriser l’élaboration de politiques qui améliorent l’accès à des soins en cancérologie abordables ainsi que la prestation de services et réduisent la souffrance des patientes et patients est un puissant facteur de motivation.
De plus, la recherche me permet de contribuer à un ensemble croissant de connaissances qui éclairent les discussions sur la santé dans le monde. En faisant la lumière sur les défis locaux, j’espère inspirer des solutions durables adaptées au contexte. En fin de compte, je m’engage à promouvoir l’équité en santé par la recherche, en veillant à ce qu’aucune personne ne soit laissée pour compte en raison d’obstacles systémiques.
Postes vedettes
- Sciences de l'éducation - Professeure suppléante ou professeur suppléant (didactique des mathématiques au secondaire)Université du Québec à Trois-Rivières
- Médecine vétérinaire - Professeure adjointe / agrégée ou professeur adjoint ou agrégé (chirurgie des animaux de compagnie)Université de Montréal
- Chaire d’excellence en recherche du Canada en sciences sociales computationnelles, en intelligence artificielle et en démocratie (Professeure agrégée ou professur agrégé ou titulaire)Université McGill
- Systèmes d’information organisationnels - Professeure réguliere ou professeur régulierUniversité Laval
- Finance - (2) Professeures adjointes/agrégées ou professeurs adjoints/agrégés (compabilité)Université Laval
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