Colmater le tuyau percé du monde universitaire

Souvent, les femmes sont confrontées à des problèmes systémiques dès les cycles supérieurs.

13 mars 2025
Photo de : istock.com/Toa55

En 2025, Susan Tighe deviendra la neuvième personne à prendre la barre du rectorat et de la vice-chancellerie de l’Université McMaster. Plus de 30 ans se sont écoulés depuis le départ de la dernière rectrice de McMaster. Au cours de cette période, les femmes ont fait quelques petites avancées dans les hautes sphères du monde universitaire canadien : elles sont aujourd’hui 31 % à occuper la plus haute fonction dans les universités du pays (13 % dans les établissements du regroupement U15). Toutefois, cette croissance est limitée et ralentit, car de plus en plus de femmes quittent le monde universitaire avant d’atteindre ces niveaux de responsabilité, entraînant le phénomène connu sous le nom de tuyau percé

Loin d’être une méritocratie 

Malgré les idées reçues, les hommes ne sont pas naturellement plus aptes à exercer les plus hautes fonctions sur le campus. Aucun gène humain ne prédispose les hommes à la réussite ou les femmes à l’échec dans leur carrière universitaire. Au contraire, les processus de sélection élèvent artificiellement la barre pour les femmes et les minorités, exigeant qu’elles soient 2,5 fois plus accomplies pour être considérées comme égales, ce qui complique encore davantage les choses pour les groupes sous-représentés.  

Le biais de genre peut avoir une incidence sur l’allocation des ressources pour le corps professoral, ainsi que sur les affectations d’enseignement, les femmes donnant plus souvent des cours d’introduction que les hommes. La population étudiante nourrit ces préjugés en classe, en louant les hommes pour leurs connaissances et leur expertise, et les femmes pour leur personnalité maternelle et leur attitude. Comme l’a fait remarquer Ben Barres, neurobiologiste à l’Université de Stanford : « Trop souvent, le monde universitaire est loin d’être une méritocratie pour les femmes talentueuses ». 

Élimination progressive et disproportionnée  

Les défis systémiques auxquels se heurtent les femmes universitaires ne font pas leur apparition lorsqu’elles deviennent membres du corps professoral. Ils apparaissent plutôt dès les cycles supérieurs. Selon le Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur, les Canadiennes surpassent les hommes depuis des décennies en matière d’obtention de diplômes de premier cycle et de maîtrise. En principe, cela devrait se traduire par une hausse des effectifs féminins dans le corps professoral et, par la suite, dans la filière universitaire, jusqu’aux plus hauts niveaux de responsabilité. 

Hélas, le constat est tout autre.  

L’exode universitaire des femmes commence pendant le doctorat, puis se poursuit au cours des années postdoctorales. Un récent sondage de l’Association canadienne des postdoctorantes et postdoctorants (ACPP) révèle que les femmes consacrent davantage de temps aux tâches administratives et aux services universitaires et moins de temps à leurs programmes de recherche que les hommes. Elles sont plus de cinq fois plus à risque d’être victimes de harcèlement en raison de leur identité de genre et beaucoup plus susceptibles que les hommes de revoir leurs objectifs professionnels au détriment de l’obtention de la permanence ou de postes de chercheuse ou de scientifique. De toute évidence, comme le précise le rapport : « Il semble qu’il se passe quelque chose lors de transition du postdoctorat au statut de chercheuse ou chercheur chez les personnes en voie vers la permanence, qui entraîne l’élimination progressive et disproportionnée des femmes ».  

Atteindre l’équilibre 

Les établissements élaborent peu à peu des stratégies visant à éliminer les obstacles et les défis systémiques en matière d’égalité de genre sur les campus, mais l’adoption de cette approche descendante progresse lentement. Nous pouvons simplement commencer par changer notre façon d’interagir avec les femmes dans les programmes aux cycles supérieurs et les postes postdoctoraux.  

Bâtir la confiance en soi 

Le mentorat est un élément clé du perfectionnement des étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs et au postdoctorat, surtout pour les femmes qui sont régulièrement la cible de messages dévalorisant leurs capacités. En rehaussant les attentes et en montrant aux femmes que vous les croyez capables d’atteindre les objectifs ambitieux que vous fixez avec elles, vous pouvez les aider à changer leur propre discours.   

Inviter les femmes à diriger 

Tout le monde est occupé, mais les étudiantes aux cycles supérieurs et les postdoctorantes sont particulièrement débordées, car elles doivent conjuguer leurs travaux de recherche et leurs obligations familiales.  

Multiplier les occasions pour les femmes de perfectionner leurs compétences de leadership pourrait les aider à se projeter dans le monde universitaire à plus long terme, plutôt que d’être laissées pour compte et exclues. Invitez-les à diriger des projets, des comités, des conférences et des travaux de recherche. Si vous essuyez un refus, sollicitez-les à nouveau à la prochaine occasion. Il ne faut pas présumer que ces occasions n’intéressent pas les femmes; leur emploi du temps est parfois simplement trop chargé. 

Envisager de réattribuer les tâches 

D’après les données du sondage de l’ACPP, les femmes se voient confier davantage de tâches administratives et moins de personnes à superviser, en plus de consacrer plus de temps au service universitaire. Si vous remarquez des tendances dans votre département, envisagez de changer les choses pour que tout le monde soit sur un pied d’égalité. Demander aux femmes d’en faire plus ne risque pas d’améliorer leur situation.  

Nous souhaitons tous et toutes que les femmes réussissent et nous savons que des changements sont nécessaires pour assurer l’égalité de genre. Toutefois, vouloir et changer sont deux choses différentes. Si l’objectif est d’améliorer la diversité des genres sur nos campus, nous devons faire en sorte que toutes les personnes se sentent les bienvenues, valorisées et respectées.  

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