Concilier l’université et la famille pendant la quatrième vague
L’absence de reconnaissance structurelle des difficultés vécues par les parents et les proches aidants pendant la pandémie est une grave lacune dans les établissements d’enseignement.
En Ontario, on a l’impression que deux mondes parallèles coexistent. Les universités parlent encore d’un « retour à la normale », le gouvernement a levé la plupart des mesures sanitaires et la protection vaccinale permet à plusieurs d’aller au restaurant, de se réunir et de voyager l’esprit tranquille. Toutefois, ceux d’entre nous qui ont de jeunes enfants n’en sont pas du tout à la même étape. Alors qu’ils entament une troisième année scolaire bouleversée par la pandémie, nos enfants doivent composer avec des sentiments profonds d’anxiété, de deuil et d’isolement, et ce, toujours sans pouvoir se faire vacciner. Voilà qui entraîne des répercussions sur de nombreux parents de mon entourage, dont moi-même, qui vivent leurs pires moments depuis le début de la pandémie.
En tant que personne inscrite au doctorant et auxiliaire d’enseignement, je suis évidemment préoccupée par la sécurité au travail et les expériences d’apprentissage et d’enseignement postsecondaires. Mais comme parent, j’observe avec inquiétude la hausse des cas causée par le variant Delta, alors que des centaines de milliers d’enfants non vaccinés retournent s’asseoir six heures par jour dans les classes surpeuplées d’écoles mal ventilées et en manque de ressources.
Le gouvernement provincial a refusé de prendre les mesures qui auraient permis de prévenir la vague actuelle (et la précédente, d’ailleurs) et d’assurer la sécurité des enfants pour ce retour en classe, si nécessaire pour eux comme pour les parents. Les demandes sont claires : offrir des congés de maladie payés pour tous, investir dans l’évaluation et l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, adopter de solides plans de dépistage, de recherche de contact et d’isolement, réduire la taille des classes, regrouper les élèves en cohortes, etc. Il nous faut un plan qui n’exclut personne, y compris les travailleurs racisés à faible revenu, les personnes handicapées ou immunosupprimées, les enfants et leurs familles. Le gouvernement a privilégié les entreprises privées et son programme d’austérité au détriment de la santé et du bien-être collectifs. Nous en faisons tous les frais.
À l’heure actuelle, tous les parents que je connais font face à des décisions et des situations impossibles, et beaucoup doivent composer avec des choix et des ressources plus limités que les miens. Je vais néanmoins parler de ma propre expérience. Au début de la pandémie, j’ai dû faire un choix entre la sécurité de ma famille d’une part, et mes obligations liées à des dates limites de financement et mes perspectives de carrière de l’autre. J’ai dû soupeser les risques pour la santé mentale de vouloir tout faire en même temps compte tenu des risques de maladie, des transitions traumatisantes et des cycles précaires de confinement et de fermetures. La personne qui partage ma vie est atteinte d’une maladie chronique, et mon aîné a divers besoins liés à la santé mentale et à l’apprentissage. L’année dernière, nous avons donc pris la décision difficile de garder les enfants à la maison. Pendant ces 18 mois inédits de confinement, j’enseignais le soir et la fin de semaine en m’adaptant à l’horaire de travail de la personne avec laquelle je suis en couple, je menais des initiatives de lutte contre l’injustice à l’ère pandémique, je prenais soin de mes deux enfants et je tentais tant bien que mal de rédiger ma thèse.
Inutile de vous dire que j’avance lentement. Ma surcharge atteint de nouveaux sommets et mes capacités à faire mes travaux de recherche et à contribuer aux échanges dans mon domaine sont évidemment très limitées. Je comptais sur le retour des enfants à l’école et à la garderie cet automne, mais ce retour m’apparaît désormais dangereux pour la santé physique et psychologique ainsi qu’extrêmement précaire, puisque chaque toux ou contact rapproché entraînera inévitablement une fermeture et un cycle d’isolement.
Au début de la pandémie, mon université a (légèrement) prolongé le financement des étudiants en fin de programme. Croire que les doctorants moins avancés dans leur parcours ne seront pas ralentis par cette crise qui perdure est problématique. L’absence totale de reconnaissance structurelle des difficultés vécues différemment par les parents et les proches aidants pendant la pandémie est sans doute une lacune plus grave encore. Supposer que je puisse accomplir mes tâches d’avant comme si de rien n’était alors que je dois travailler sans service de garde (comparativement aux 40 heures par semaine prévues) est complètement absurde. Quiconque s’est déjà occupé de jeunes enfants peut en témoigner.
Le printemps dernier, j’ai dû décliner une bourse de fin d’études parce que l’université a refusé d’ajuster sa période d’admissibilité pour tenir compte du temps consacré aux soins pendant la pandémie. Comme cette année scolaire sera encore une fois imprévisible, j’accumulerai certainement encore plus de retard. En raison de circonstances sur lesquelles je n’ai aucune emprise, je risque d’épuiser mon financement avant d’avoir terminé ma thèse. Mes directeurs sont compréhensifs, mais les obstacles structurels demeurent nombreux. Ma situation n’est pas un cas isolé : je sais que des parents ont dû quitter des postes menant à la permanence pendant la pandémie, sans compter les doctorants qui n’ont pas pu poursuivre ou terminer leurs études. Cela aura des conséquences dans le milieu universitaire (qui seront les exclus?) et pour la production de connaissances en général (quelles voix seront absentes?).
De toute évidence, le gouvernement doit agir, mais les établissements postsecondaires ont également une responsabilité. Pour respecter leurs engagements en matière d’équité, d’accessibilité et d’inclusion, ils doivent offrir un meilleur soutien aux étudiants et aux employés qui prennent soin d’enfants et de proches pendant cette crise.
Il n’est pas trop tard pour mieux faire. Vous pouvez encore agir pour exiger les politiques nécessaires afin de protéger les enfants et d’aider les parents. Vous pouvez participer à la campagne de l’Ontario Parent Action Network pour une rentrée sécuritaire et une relance juste avec les mots-clics #SeptembreSécuritaire (#SafeSeptember) et #RelanceJuste (#JustRecovery). Écrivez à vos élus et consultez cette trousse pour découvrir d’autres moyens d’agir en cette période de rentrée scolaire. Vous pouvez également militer pour des congés de maladie adéquats et permanents avec le réseau Decent Work & Health Network et vous joindre à la campagne Justice for Workers afin de lutter pour des salaires équitables et des milieux de travail sûrs. Vous aiderez à prévenir des maladies et des décès inutiles et à soutenir ceux qui prennent soin des enfants malades ou exposés au virus qui doivent rester à la maison. Enfin, vous pouvez écrire à votre syndicat et à votre université. Parlez à vos collègues et mobilisez-vous. Il est peu probable qu’une extension soit offerte à tous les doctorants, mais en utilisant notre pouvoir collectif, nous pouvons inciter les universités à reconnaître les difficultés vécues pendant la pandémie par les étudiants aux cycles supérieurs qui ont des responsabilités familiales.
Johanna Lewis est parent queer, milite dans sa communauté et fait son doctorat au Département d’histoire de l’Université York.
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
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