Activités d’intégration : les universités misent sur la sobriété alors que la pandémie persiste
Pour nombre d’universités, la prévention de la propagation du virus passe par des mesures visant à réduire la consommation excessive d’alcool.
Stine Linden-Andersen a bien des raisons d’être tendue ces jours-ci : elle est psychologue clinicienne spécialiste des comportements à haut risque et vice-rectrice à la vie étudiante d’une petite université québécoise réputée pour la propension de ses étudiants à faire la fête. Non pas une, mais deux cohortes d’étudiants au premier cycle viennent en effet d’intégrer pour la première fois le campus de l’Université Bishop’s, en dépit des craintes liées à la quatrième vague.
Pourtant, malgré la semaine d’intégration qui s’est achevée et la fin de semaine des retrouvailles prévue plus tard ce mois-ci, Mme Linden-Andersen estime que la rigueur des mesures de santé publique imposées et la sensibilisation accrue des étudiants aux dangers de l’abus d’alcool contribueront à assurer un retour sécuritaire sur les bancs des universités cet automne.
« Au cours des cinq dernières années, on a assisté ici à un vrai changement de culture instauré par les étudiants, une manière de passer le flambeau à leurs collègues », raconte Mme Linden-Andersen.
En plus de se conformer aux règles provinciales strictes liées à la COVID-19, qui rendent notamment obligatoire de présenter un passeport vaccinal pour participer aux activités, les étudiants de première année de l’Université Bishop’s devaient assister à une conférence sur le consentement pendant la semaine d’intégration afin de pouvoir assister au concert de clôture de celle-ci.
L’alcool a également été interdit lors des autres événements de la semaine d’intégration, qui se sont tous déroulés sur le pittoresque campus de Lennoxville, au Québec. Lors des activités où l’alcool était autorisé, y compris deux petits rassemblements où les étudiants pouvaient, pour la première fois à l’Université Bishop’s, apporter leur propre boisson, des « tentes de sécurité » permettaient aux participants de se procurer de l’eau, des collations, du désinfectant pour les mains et de l’information sur la santé publique. Des patrouilles d’étudiants formés à venir en aide aux personnes en état d’ébriété avancé ont écumé le campus et ses alentours du jeudi au samedi soir, comme ils le font tout au long de l’année scolaire.
« Cela aide à sensibiliser les étudiants à faire la fête de façon sécuritaire, affirme Mme Linden-Andersen. Ils sont plus réfléchis et montrent l’exemple aux autres. »
Lutter contre les clichés
À l’heure où les étudiants réintègrent les campus partout au Canada après près de deux ans, de nombreuses universités redoublent d’efforts pour faire appliquer la réglementation destinée à prévenir les infections par le coronavirus et à lutter contre les conditions propices à la consommation excessive d’alcool et à d’autres comportements à haut risque.
« Pendant la pandémie, les jeunes adultes qui aiment boire ont soit augmenté leur consommation en raison du stress ou l’ont réduite en raison de la rareté des rassemblements », affirme Bryce Barker, professeur à temps partiel à l’Université d’Ottawa et courtier du savoir auprès du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances ainsi que du Partenariat en éducation postsecondaire – Méfaits de l’alcool (PEP-MA), un réseau regroupant 41 universités et collèges ainsi qu’Universités Canada (éditrice d’Affaires universitaires), qui élabore des pratiques exemplaires pour contrer les méfaits de la culture de la consommation d’alcool chez les étudiants. « Dans les deux cas, on risque d’observer une hausse de la consommation cet automne. »
Selon M. Barker, le cinéma et les autres médias grand public ont longtemps dépeint l’abus d’alcool comme indissociable de l’expérience universitaire nord-américaine, tout en minimisant ses méfaits.
« Les étudiants croient qu’on attend d’eux qu’ils boivent et y voient un moyen de multiplier les contacts sociaux », précise M. Barker. Il ajoute que même les cas d’ébriété extrême entraînant vomissements, pertes de conscience et hospitalisations sont « présentés comme quelque chose de positif qui tisse des liens ».
M. Barker indique que les comportements des jeunes adultes liés à l’alcool sont plus susceptibles de présenter des risques lors des grands rassemblements et des événements annuels comme la semaine d’intégration, les retrouvailles, l’Halloween ou la Saint-Patrick.
« Les étudiants marquent ces dates dans leurs calendriers », souligne M. Barker avant d’ajouter que les bars et restaurants locaux ainsi que les fabricants de bières et de spiritueux encouragent la consommation par des publicités dans les médias sociaux. « La consommation croissante d’alcool par les étudiants est pour eux synonyme de bénéfices, et ils comptent fortement sur elle pour assurer leur rentabilité. »
Selon Leo Erlikhman, diplômé de l’Université Queen’s et membre du conseil d’administration du PEP-MA, les étudiants de première année sont particulièrement vulnérables aux effets de l’alcool. « Beaucoup vivent loin de la maison pour la première fois et font de nouvelles rencontres dans un contexte où l’exploration et l’expérimentation sont encouragées, explique-t-il. Mais un grand nombre d’entre eux ignorent les conséquences de l’abus d’alcool. »
M. Erlikhman évoque les résultats d’une étude qu’il a récemment menée sur l’hospitalisation de personnes de 12 à 24 ans à l’Hôpital général de Kingston pour cause d’abus d’alcool. Le but était de mettre en lumière les conséquences de ces abus lors de grands événements scolaires. La plupart des 2 500 hospitalisations pour consommation excessive, blessures et problèmes de santé mentale liés à l’alcool concernaient des étudiants et ont eu lieu pendant les grands événements à l’Université Queen’s.
M. Erlikhman ajoute que d’autres études sont parvenues aux mêmes conclusions sur les effets de l’abus d’alcool et les moments où il survient. Une étude menée en 2019 à l’Université de Sherbrooke a également montré que la proportion de jeunes adultes admis à l’hôpital avait bondi lors des grands événements sur le campus.
Variant Delta et Delta House
Les manchettes récentes indiquent qu’en ces temps de réouverture des campus, certains étudiants transgressent les directives universitaires et de santé publique en lien avec la COVID-19 et la consommation d’alcool. Dans un courriel adressé aux étudiants le 2 septembre, au lendemain d’une fête de rue qui a rassemblé 4 000 personnes à Kingston en violation de la Loi de 2020 sur la réouverture de l’Ontario, le principal de l’Université Queen’s, Patrick Deane, a indiqué que l’établissement entendait, avec de nombreux partenaires communautaires, s’attaquer au problème et sanctionner les contrevenants. « Ce serait déplorable que ces comportements nous empêchent de revenir à la normale comme on l’espère depuis si longtemps, a écrit M. Deane. Les universités sont des lieux d’apprentissage. »
L’Université de la Colombie-Britannique fait elle aussi preuve de fermeté envers les étudiants qui participent à des fêtes hors campus. Selon son porte-parole, Matthew Ramsey, ces rassemblements transgressent les nombreuses directives visant à ralentir la propagation de la COVID-19, telles que la présentation d’une preuve de vaccination, les tests obligatoires pour les non-vaccinés, la réduction de la taille des événements lors de la semaine d’intégration et des retrouvailles, etc.
De l’autre côté du détroit de Géorgie, le vice-recteur adjoint aux affaires étudiantes de l’Université de Victoria, Jim Dundson, a critiqué dans un communiqué les centaines d’étudiants qui ont participé à une fête en plein air sur le campus le 6 septembre, les invitant à « cesser de se comporter d’une manière qui menace le retour sur le campus ».
À Halifax, les dirigeants et étudiants de l’Université Saint Mary’s poursuivent leurs efforts pour rendre la semaine d’intégration et les retrouvailles plus inclusives et moins axées sur l’alcool et les fêtes de fin de soirée.
Même son de cloche à quelques pas de là à l’Université Dalhousie. « Les temps ont changé sur les campus comme ailleurs », souligne Lyndsay Anderson, directrice adjointe de la culture et de l’expérience étudiante ainsi qu’ancienne gestionnaire du comportement étudiant à l’Université.
« Avant, la semaine d’initiation – une expression que nous avons décidé de ne plus utiliser d’ailleurs -, n’était qu’un long tourbillon de concerts, de fêtes et d’alcool. Désormais, l’accent est mis sur l’intégration et sur les activités qui aident les étudiants à se familiariser avec le campus et les ressources dont ils peuvent bénéficier », explique Mme Anderson.
« Nous voulons que les étudiants socialisent, pas seulement qu’ils fassent la fête. Il s’agit de les amener à briser la glace, de les sensibiliser à l’importance de s’amuser et de se faire des amis dans un cadre sûr et inclusif. »
Postes vedettes
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
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