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Mouvement étudiant québécois : que reste-t-il du Printemps érable?

Des jeunes leaders brossent un portrait du mouvement étudiant tel qu’il est devenu 10 ans après la plus grande manifestation étudiante de l’histoire du Québec.

par ÉMILE BÉRUBÉ-LUPIEN | 20 JUIN 22

En 2012, des organisations étudiantes comme la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) et la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) se réunissaient afin de renverser la décision du gouvernement libéral d’augmenter les droits de scolarité de 1 625 dollars sur cinq ans.

Une bataille que le mouvement étudiant a remportée après une mobilisation de plusieurs mois. Une décennie plus tard, Affaires universitaires prend le pouls des mouvements étudiants québécois et de leur évolution.

Alexandre Guimond a 28 ans aujourd’hui. Il y a 10 ans, il était de tous les combats lors du Printemps érable. Il a participé à de nombreuses manifestations, dont beaucoup ont dégénéré. M. Guimond est aujourd’hui directeur général du Regroupement étudiant de maîtrise, diplôme et doctorat de l’Université de Sherbrooke (REMDUS). Et il convient que 2012 a marqué son engagement au sein des mouvements étudiants.

« C’est vraiment la grève de 2012 qui a été l’éclosion de ma conscientisation et de mon éveil politique. Sans 2012, je serais resté un douchebag qui joue au hockey! Je faisais à peu près deux manifestations par jour », lance-t-il.

Un mouvement au ralenti

M. Guimond note toutefois qu’aujourd’hui, un certain creux de vague peut être observé sur le plan du militantisme étudiant, en comparaison avec cette période il y a 10 ans. « La pandémie a vraiment creusé le fossé. À part pour les manifestations pour l’environnement, c’est difficile de mobiliser les étudiants. Et aux cycles supérieurs, c’est encore plus difficile de mobiliser nos membres », explique-t-il. La suspension des activités sociales (en raison de la pandémie), un tremplin vers l’engagement militant, pourrait aussi avoir pesé dans la balance, selon lui.

Le directeur général du REMDUS ajoute que le mouvement étudiant est en quelque sorte divisé en deux branches : la recherche et le lobbyisme d’un côté, et le militantisme à proprement dit de l’autre. Si le premier se porte assez bien, alors que les associations étudiantes se sont professionnalisées, le second est un peu moins actif. « Ça prendrait un gouvernement qui veut hausser les droits de scolarité ou quelque chose de majeur pour que ça se ressoude », estime-t-il.

Si elle a également constaté une baisse de l’implication étudiante, Samy-Jane Tremblay, présidente de l’Union étudiante du Québec (UEQ) – une association étudiante qui a vu le jour en 2015 –, demeure toutefois optimiste pour la suite des choses. « Avec le présentiel qui revient, j’ai bon espoir. Le mouvement étudiant est encore très fort, vigoureux. Il est capable d’améliorer, comme toujours, la condition étudiante », affirme-t-elle.

Mme Tremblay juge aussi que si une menace aux intérêts des étudiants devait se profiler, ceux-ci se mobiliseraient.

Pour M. Guimond, les étudiants demeurent cependant plus faciles à mobiliser lorsqu’il s’agit de réagir à des interventions du gouvernement : « Une lutte offensive, pour aller faire des gains, c’est plus dur à mobiliser. Mais une lutte défensive, pour défendre des acquis, je ne crois pas que ça serait difficile à mobiliser. »

Ces deux visions entraînent toutefois une division dans le mouvement étudiant, constate M. Guimond. Si le côté de la recherche et du lobbyisme est bien appuyé par l’UEQ, d’après lui, les étudiants bénéficieraient aussi d’une autre organisation plus axée sur le militantisme.

Les droits de scolarité, toujours aussi importants

M. Guimond et Mme Tremblay s’entendent pour dire que si la question des droits de scolarité demeure toujours importante pour le mouvement, les préoccupations de ce dernier ont également évolué, notamment pour intégrer la lutte aux changements climatiques.

« Le mouvement étudiant, c’est le reflet des enjeux de société qu’on vit, affirme Mme Tremblay. L’environnement est un enjeu social sur lequel l’UEQ travaille depuis le début. La façon dont ça implique le mouvement étudiant, c’est quand on s’attarde à ce que font nos universités, qui utilisent des énergies fossiles. C’est le troisième secteur qui émet le plus de gaz à effets de serre au Québec. »

Le président de la FECQ , Samuel Vaillancourt, juge aussi que les prises de position des étudiants se sont diversifiées. « Il y a eu un élargissement des sujets qui sont traités par les mouvements étudiants. Par exemple, on a ajouté la justice climatique et divers sujets qui sont plus à tendance sociale, au sens où ça va moins concerner l’étudiant, mais le jeune qui évolue au sein de la société », explique-t-il.

Leçons de 2012

Selon M. Guimond, s’il y a une leçon à tirer du Printemps érable, c’est l’utilisation des réseaux sociaux, notamment pour organiser des manifestations. La pandémie a également permis de populariser des plateformes comme Zoom et donc de planifier plus rapidement des réunions.

S’il n’était âgé que de 12 ans au moment des événements de 2012, M. Vaillancourt admet aussi que le spectre du Printemps érable plane parfois sur les délibérations de son organisation étudiante. « À l’interne, lorsqu’on parle de différents dossiers, des fois, on fait le comparatif avec ce qui a été fait en 2012. On regarde ce qui a été efficace, qu’est-ce qui peut être fait de façon différente. C’est une forme de référence sur la façon dont les actions sont menées. »

De son côté, Mme Tremblay explique que le Printemps érable peut avoir influencé certains aspects de l’UEQ lors de sa création, mais n’a plus vraiment d’impact au quotidien. Le combat de 2012 n’est toutefois pas oublié. « L’histoire est toujours importante à garder en tête, d’apprendre du passé. En 2012, c’était la plus grande manifestation étudiante qu’il y a eue et ç’a donné des résultats. Il y a certainement des choses qu’on doit garder en tête dans l’après 2012 », conclut-elle.

COMMENTAIRES
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  1. pierre jasmin / 23 juin 2022 à 16:17

    Bravo à Affaires universitaires de publier cet article avec de sérieuses références qui démontrent, contre l’opinion conservatrice médiatique, les effets positifs nombreux du printemps érable, en particulier pour la cause écologique.
    Alors professeur titulaire à l’UQAM, j’avais participé avec mes étudiants aux nombreuses manifestations et en ai écrit le compte-rendu sur le site des Artistes pour la Paix, ainsi qu’en témoignant auprès de la Commission gouvernementale Carbonneau-Ménard-Grenier: inutile de mentionner que le rapport fut tabletté par les Libéraux provinciaux revenus au pouvoir :
    http://www.artistespourlapaix.org/?p=2987

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