Les soins aux animaux de laboratoire maintenus malgré la pandémie

Aucun abattage ni euthanasie à grande échelle n’a été signalé au pays, et le personnel s’efforce de protéger cette importante infrastructure de recherche.

21 avril 2020
rat in hands

La pandémie de COVID-19 a transformé la plupart des universités en villes fantômes, mais les techniciens, étudiants et scientifiques qui travaillent avec des animaux ne chôment pas. Pour ce volet complexe de l’entreprise scientifique, il est tout simplement impossible de mettre la clé sous la porte.

Selon le plus récent rapport du Conseil canadien de protection des animaux (CCPA), en 2018, quelque 3,8 millions d’animaux – surtout des souris, des oiseaux et des poissons – étaient utilisés pour la recherche, l’enseignement et l’expérimentation dans les universités, ministères et autres établissements certifiés par cet organisme indépendant. Le CCPA mène périodiquement des inspections afin de savoir si les pratiques dans ces établissements respectent des normes éthiques et techniques précises. Entre autres exigences, les établissements doivent adopter des plans détaillés pour faire face à diverses urgences allant des pannes d’électricité généralisées aux perturbations résultant d’un conflit de travail.

« Nous n’avions aucun plan particulier en cas de pandémie », reconnaît Holly Orlando, directrice du Service vétérinaire et animalier de l’Université d’Ottawa. Néanmoins, les autorités gouvernementales ont classé les soins aux animaux parmi les services essentiels. Par conséquent, le personnel des laboratoires a pu rester en poste sans se buter à trop d’obstacles bureaucratiques. « Ces personnes aiment les animaux et veillent quotidiennement à ce que nos animaux ne manquent de rien. »

À l’autre bout du pays, l’enthousiasme est le même : « Le bien-être de nos animaux de laboratoire demeure une priorité, affirme Matthew Ramsey, directeur des affaires universitaires au Service de relations publiques de l’Université de la Colombie-Britannique. Nos installations de recherche sur les animaux sont considérées comme des services essentiels, et les soins sont assurés par du personnel qualifié. » Il ajoute qu’en plus du garder les populations animales dans leurs laboratoires (ce qui assure l’intégrité des travaux de recherche), des exemptions ont été obtenues pour que se poursuivent certains travaux, dont l’interruption entraînerait le sacrifice inutile de plusieurs animaux.

Dernier recours

C’est justement ce qui s’est produit dans de nombreuses universités américaines. Selon les revues Science et The Scientist, bon nombre d’établissements ont dû se résoudre à euthanasier une part importante de leurs populations animales afin de réduire le nombre d’employés affectés aux soins. Pour André Buret, vice-recteur adjoint à la recherche à l’Université de Calgary, de telles mesures ne devraient être adoptées qu’en dernier recours.

« Il est impensable d’euthanasier et de perdre des animaux de cette façon, affirme-t-il. En fait, pour utiliser des animaux en recherche, nous devons nous soumettre à un système très strict et suivre les procédés les plus éthiques et les moins cruels possible […] Le volet éthique est très important pour nous, voilà pourquoi nous avons rendu ces expériences essentielles. »

Malgré tout, des pertes sont enregistrées. Jim Gourdon, directeur du Centre de médecine comparée et de ressources animalières de l’Université McGill, affirme que 15 pour cent de leurs rongeurs ont dû être euthanasiés à cause de retards (les rongeurs auraient été trop vieux pour certaines études) ou d’expériences annulées. Selon lui, ce pourcentage peut varier considérablement d’une université à l’autre, mais McGill se donne beaucoup de mal pour maintenir ses populations et poursuivre les projets de recherche à long terme, dans lesquels des sommes massives ont été investies.

À l’Université d’Ottawa, la Dre Orlando affirme que les efforts déployés aujourd’hui serviront après la crise : « Un grand nombre de nos animaux sont des reproducteurs issus de lignées transgéniques que l’Université a mis des années à développer, explique-t-elle. Nous voulons que les chercheurs puissent reprendre leurs travaux le plus rapidement possible après la pandémie. »

M. Buret, qui utilise des modèles animaux (qui possèdent des caractéristiques anatomiques, physiologiques ou immunologiques relativement semblables à celles de l’être humain) pour étudier les façons dont les pathogènes attaquent l’organisme. Pour les administrateurs comme lui, la situation actuelle – déjà inquiétante – deviendrait catastrophique sans le dévouement du personnel de soins aux animaux : « Nous sommes très reconnaissants des efforts supplémentaires qu’ils déploient pour nous aider à traverser la crise », explique-t-il.

Ce dévouement n’a rien d’étonnant pour Pierre Verreault, directeur général du CCPA. Selon lui, les gens du milieu savent très bien que leur travail coûte cher, est exigeant en main-d’œuvre et soulève d’importantes questions morales : « La grande majorité des chercheurs comprennent que l’utilisation d’animaux d’expérimentation n’est pas un droit, mais un privilège. »

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