Mettre fin à la complaisance
« Les universités sont le meilleur endroit pour tenir ce genre de conversations difficiles, » dit Mira Sucharov.
Presque un an après l’attaque menée par le Hamas et la prise d’otages dans le sud d’Israël, les universités canadiennes se préparent à de nouvelles manifestations cet automne. Affaires universitaires a discuté avec Mira Sucharov, professeure de sciences politiques et experte des relations Israël-Palestine à l’Université Carleton, des répercussions des campements propalestiniens du printemps dernier.
AU : Qu’est-ce qui vous a le plus frappée dans les campements de manifestation partout au pays au printemps dernier?
MS : Ces campements montrent que la lutte pour la protection des Palestiniennes et Palestiniens contre la violence et l’occupation a réellement galvanisé les étudiantes et étudiants universitaires de tous les horizons. Ils ne sont pas sans rappeler les manifestations étudiantes au Canada, dans les années 1980, contre l’apartheid en Afrique du Sud, ainsi que celles aux États-Unis, dans les années 1960 et 1970, contre la guerre au Vietnam. Alors que des dizaines de milliers de Palestiniennes et de Palestiniens sont tués (un nombre qui croît chaque jour) par les bombes israéliennes, je pense qu’il est louable que les étudiantes et étudiants se prononcent.
AU : Des voix ont affirmé que les manifestations créaient un malaise. Qu’en pensez-vous?
MS : Il est vrai que les campements et les manifestations ont causé un malaise chez certaines personnes, mais être mal à l’aise, ça ne veut pas dire être en danger. Les manifestations visent essentiellement à mettre fin à la passivité. Selon moi, se prononcer et se pousser mutuellement à réfléchir à la manière dont nous pouvons refaçonner notre monde, ça fait partie de la vie sur un campus universitaire.
Je tiens à ajouter que des groupes juifs sont déçus, voire en colère – et on peut comprendre –, parce que les protestataires n’ont pas assez dénoncé la violence et la terreur du 7 octobre. Et pourtant, des protestataires font partie de la communauté juive. Ainsi, outre les demandes directes de désinvestissement et de boycottage adressées aux administrations universitaires, il serait idéal pour le bien-être émotionnel de l’ensemble de la communauté universitaire que les manifestantes et manifestants se mobilisent en faveur de la dignité, de la liberté et de l’humanité de tout le monde, en Israël comme en Palestine. Je dis cela en sachant que les administrations universitaires peuvent décider de financer indirectement la puissance militaire israélienne avec leurs investissements; elles ont beaucoup moins d’influence sur l’opinion publique palestinienne, et certainement aucune sur un groupe comme le Hamas.
AU : Dans quelle mesure les manifestations ont-elles porté fruit?
MS : Je dirais que, dans l’ensemble, elles ont donné des résultats, même s’ils sont minimaux : elles ont contribué à braquer des projecteurs sur une question que bon nombre de Canadiennes et Canadiens auraient préféré ignorer. Il est trop tôt pour savoir si les manifestantes et manifestants ont atteint leurs objectifs de désinvestissement, mais au moins un recteur (celui de l’Université McGill) a déclaré publiquement qu’il reconsidérerait les investissements de son établissement dans la fabrication d’armes. Quant à savoir si les protestataires ont réussi leur campagne de boycottage des établissements universitaires israéliens, c’est une tout autre histoire. La plupart des universités considèrent que les échanges et les partenariats avec les universités font partie intégrante du principe de liberté universitaire. Je pense qu’il est très peu probable que les universités fassent quoi que ce soit qui changerait ces relations.
AU : Est-il trop tôt pour tirer des leçons?
MS : Je pense que les administrations universitaires ont constaté que les étudiantes et étudiants se font entendre et se montrent tenaces lorsqu’ils sont convaincus d’un problème, qu’ils constatent une injustice et qu’ils veulent y remédier. De même, les étudiantes et étudiants ont appris qu’une pression soutenue et non violente peut se révéler efficace. J’espère aussi que les protestataires ont compris qu’elles et ils doivent agir avec prudence, bien choisir leurs slogans et veiller à ce que leurs propos mettent de l’avant les droits et la dignité de chacun, et pas seulement la dignité d’un groupe au détriment d’un autre.
AU : À l’avenir, qu’est-ce que les établissements universitaires peuvent faire différemment pour répondre aux préoccupations de leurs étudiantes et étudiants?
MS : J’espère qu’ils trouveront d’autres moyens de faire participer leur population étudiante. Ils devraient rencontrer les dirigeantes et dirigeants étudiants pour savoir ce qui les préoccupe. Au minimum, ils devraient organiser des événements sur le campus afin de sensibiliser les gens à la situation en Israël et en Palestine, des événements organisés dans un esprit d’ouverture et d’apprentissage. J’ai vu sur bien des campus canadiens la nervosité face à des initiatives en ce sens l’année dernière, et j’espère donc qu’ils se rendront compte que les universités sont le meilleur endroit pour tenir ce genre de conversations difficiles. Face à l’urgence de sauver des vies palestiniennes de la violence qui se poursuit en Israël et de libérer les Israéliennes et Israéliens détenus par le Hamas, il faut agir sans plus tarder.
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
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