Quelques pistes pour freiner le déclin du français en science
Le plus récent rapport du Comité permanent de la science et de la recherche confirme qu’un sérieux coup de barre est nécessaire pour redonner ses lettres de noblesse à la science en français au Canada.
« On se dirige tout droit vers l’agonie », lance Maxime Blanchette-Joncas, député du Bloc Québécois dans Rimouski-Neigette-Témiscouata-Les Basques. Contacté par Affaires universitaires, le vice-président du Comité permanent de la science et de la recherche réagit au rapport intitulé Un nouvel élan à la recherche et la publication scientifique en français au Canada, présenté à la Chambre des communes le 15 juin dernier.
« Imaginez : à peine 0,6 % des publications scientifiques au Québec étaient en français en 2021. Ce chiffre était de 4 % au début des années 2000 », indique l’instigateur de ces travaux parlementaires qu’il qualifie « d’historiques ». Les chiffres cités par le bloquiste proviennent de l’Observatoire des sciences et des technologies qui les a colligés à l’aide de données de Clarivate, la société qui est entre autres derrière la plateforme Web of Science, le logiciel EndNote et les compilations Journal Citation Reports.
Cette étude du Comité s’inscrit dans une série de signaux d’alarme lancés dans les derniers mois pour mettre en garde contre la marginalisation de la science en français. Sur les 28 témoins entendus lors des cinq réunions tenues sur le sujet entre le 3 octobre 2022 et le 2 février 2023, plusieurs avaient d’ailleurs déjà sonné le tocsin par le passé. Même chose en ce qui a trait aux auteurs et autrices des 24 mémoires reçus dans le cadre de ces consultations.
Plus de financement
C’est le cas de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, qui a soumis un tel document. Son directeur de la recherche stratégique et des relations internationales, Martin Normand, accueille favorablement les 17 recommandations formulées au gouvernement. « Elles reflètent les nôtres, exprimées à l’issue de nos États généraux tenus fin 2021 et début 2022 », souligne celui qui a en outre témoigné devant le Comité.
Plusieurs recommandations, comme la quatrième, ont trait au financement. Celle-ci vise à ce « que le gouvernement du Canada […] développe un programme de financement pérenne dédié aux établissements d’éducation postsecondaire en situation linguistique minoritaire ». Le Comité demande aussi que ce programme tienne compte des « défis liés à la petite taille, à l’éloignement et aux coûts additionnels » auxquels font face ces établissements situés en contexte francophone minoritaire au Canada.
« Pour que les chercheurs et chercheuses puissent évoluer dans un environnement propice à la recherche, il faut des infrastructures fonctionnelles. Dans les dernières années, le financement de ces établissements s’est fait de manière non récurrente, principalement sous forme d’enveloppes », déplore M. Normand. Soulignons d’ailleurs que cette recommandation se retrouve aussi dans le plus récent rapport du Comité permanent des langues officielles.
La neuvième recommandation préconise quant à elle l’instauration d’un « plancher minimal de financement destiné à la recherche réalisée ou publiée en français » pour chacun des trois organismes subventionnaires fédéraux. Radio-Canada révélait justement en mai dernier que parmi toutes les subventions accordées par les conseils de 2019 à 2022, 95 % ont été versées à des projets rédigés en anglais.
Selon ces données, les demandes en français récoltent des subventions représentant à peine 2 % du budget des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Un organisme qui avait déjà été pointé du doigt dans le passé : en raison de l’abolition de l’Initiative pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, le Consortium national de formation en santé avait déposé en 2014 une plainte auprès du Commissariat aux langues officielles.
Établir un quota budgétaire réservé aux demandes de financement soumises en français au sein de chaque conseil est une fausse bonne idée, estime toutefois Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec. « Dans certaines disciplines, les scientifiques québécois vont chercher plus d’argent, en proportion, que la part de la population que représente le Québec au sein du Canada. Des quotas les pénaliseraient », affirme la tête dirigeante des Fonds de recherche du Québec (FRQ).
Selon lui, il vaut mieux améliorer la promotion de la science en français, comme le font par exemple les FRQ depuis 2021 avec le prix Publication en français. « Il faut soutenir davantage les Érudit de ce monde, appuyer les éditeurs de revues francophones dans tous les domaines scientifiques, pas seulement en sciences sociales et humaines, et améliorer la découvrabilité des publications en français, comme on le fait avec les contenus culturels », énumère-t-il. De nombreuses recommandations du Comité vont également en ce sens.
Un Bureau pour la science en français?
Les gestes à poser pour donner une nouvelle impulsion à la science en français au Canada pourraient-ils être coordonnés par un seul et même acteur? C’est ce que laisse croire la sixième recommandation qui prône la création d’un Bureau pour la science en français, rattaché au Bureau de la conseillère scientifique en chef du Canada. Cette sous-division serait notamment chargée de « proposer des actions concrètes aux organismes fédéraux qui financent la recherche » et de « mesurer les progrès accomplis ».
La proposition émane dans les faits de la conseillère scientifique en chef du Canada, Mona Nemer. En mars dernier, à l’invitation du Comité, elle a rédigé une réponse à une question portant sur l’accès à l’information scientifique en français dans laquelle figure cette mesure. Contactée pour commenter cette recommandation, cette dernière a décliné notre demande d’entrevue. « Nous serons heureux de réfléchir à des pistes de solution pour renforcer la place du français en science si le gouvernement souhaite nous confier un rôle dans cette mission importante », nous a néanmoins fait savoir par courriel Peter Thornton, conseiller principal en communications au Bureau de la conseillère scientifique en chef.
S’il juge la recommandation intéressante, M. Quirion craint cependant qu’une telle entité soit soumise aux aléas du politique. « Ce serait préférable de la rattacher aux conseils subventionnaires fédéraux », pense-t-il. M. Normand se dit pour sa part en accord avec cette idée, dans la mesure où on ne multiplie pas les structures du genre. « Le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 publié en avril dernier annonce déjà la création d’un comité d’experts sur la recherche en français », souligne-t-il.
La balle est désormais dans le camp du gouvernement du Canada. Ce dernier devrait formuler une réponse au rapport du Comité dans les prochains mois, précise par écrit un porte-parole d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. « Ce gouvernement se targue d’être le premier à reconnaître le déclin du français au Canada, qu’il le prouve! La crise linguistique la plus importante, en 2023, se déroule en science », conclut M. Blanchette-Joncas.
Postes vedettes
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
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