Un essai historique pour célébrer les 100 ans de l’Acfas

L’auteur Yves Gingras explique son approche pour retracer les faits saillants de l’organisme depuis sa fondation.

28 mars 2023
Un livre avec des objets de bureau.

Alors que l’Acfas (auparavant connue sous le nom Association canadienne-française pour l’avancement des sciences) célèbre ses 100 ans en 2023, l’historien et sociologue des sciences Yves Gingras a retracé dans un livre le centenaire de cet organisme qui promeut l’activité scientifique, la recherche et la diffusion du savoir en français. Une histoire féconde, truffée d’anecdotes et intimement liée à celle du Canada, d’un océan à l’autre.

Des heures de recherches à fouiller des boîtes d’archives, à feuilleter les publications passées de l’Acfas, à retracer les moments forts des congrès, à comprendre les étapes charnières de l’association au fil des ans et voilà le travail : 330 pages résument tout un siècle d’évolution associative dans l’essai Pour l’avancement des sciences, Histoire de l’Acfas (1923-2023), publié aux Éditions du Boréal en cette année anniversaire.

M. Gingras a privilégié une approche sociologique plutôt qu’une chronologie exhaustive, dans la lignée de la première version de l’ouvrage publiée chez le même éditeur en 1994, et qui portait sur la période 1923-1993. Près de 30 ans après la première parution, une nouvelle édition révisée, mais surtout augmentée d’un peu plus du tiers de nouveau contenu, vient clore le chapitre du centenaire. Si l’auteur précise que quelques ajustements mineurs ont été apportés à la partie déjà publiée, ce sont surtout les trois dernières décennies de l’Acfas qui ont retenu son attention pour sceller l’essai.

La nouvelle édition actualise les chapitres regroupés en grandes thématiques, de la promotion de la culture scientifique à la formation d’une communauté scientifique, en passant par le rayonnement de l’Acfas sur la place publique pour finir par un résumé des raisons d’être de l’association à travers l’évolution de ses objectifs dans le temps.

« Bien sûr, toute institution est composée d’individus, mais elle les transcende également en ce sens que, avec le temps, les individus passent alors que l’institution demeure », écrit l’auteur en introduction. Une façon de dire, « attention, je ne nommerai pas tout le monde », prévient le professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et directeur scientifique de l’Observatoire des sciences et des technologies.

Approche sélective

Les plus récents événements retenus dans l’ouvrage sont ceux ayant contribué à faire avancer la mission fondamentale de l’organisme, souvent au diapason des préoccupations de l’époque, résume M. Gingras qui n’a pas dérogé à sa précédente méthodologie de travail pour concevoir la nouvelle édition. Même si la disponibilité et l’accessibilité aux documents était plus aisée sur la plus récente période étudiée, la sélection des faits s’est déroulée selon des critères bien précis. « Le problème du tri est surtout réel quand les histoires n’ont pas de problématique sociologique », souligne l’essayiste aguerri.


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Le début du XXIe siècle, par exemple, marque un tournant dans la promotion de la culture scientifique, découvre-t-on dans le livre. Avec l’avènement des médias sociaux et de la diffusion de discours pas toujours fondés, les scientifiques prennent conscience de l’importance de s’exprimer directement dans l’espace public. Plus récemment, l’essor du style entrepreneurial dans le milieu universitaire et « l’importance de transformer les découvertes scientifiques en avantages économiques » ont orienté les formations proposées par l’Acfas.

Visée objective

Autre initiative citée pour illustrer la porosité entre science et société, celle du concours d’éloquence Ma thèse en 180 secondes. Mis en place par l’Acfas en 2012, il « s’inscrit dans le genre Star Académie », écrit M. Gingras. « Il ne s’agit pas d’un jugement que je porte, mais d’une observation », explique l’auteur qui garantit sa neutralité par l’approche sociologique de son écriture. Car la question se pose, inévitablement, dans l’exercice historique : comment rester objectif pour composer une histoire intimement liée à son propre parcours professionnel? En toute transparence, l’historien des sciences précise que lui-même a déjà été impliqué dans un certain nombre d’événements de l’Acfas, il a d’ailleurs fait partie du conseil d’administration dans les années 2000.

Mais l’écriture ethnographique requiert une distance avec le sujet traité, fait valoir le professeur qui enseigne à l’UQAM depuis 1986. Avant de se lancer dans ce projet d’édition, Yves Gingras a également tenu à ne pas devoir soumettre le texte à l’association avant la publication de l’ouvrage. Pour cette dernière mouture, il a bénéficié de l’aide d’un assistant de recherche, Raphaël Pelletier, l’un de ses étudiants au doctorat en histoire et sociologie des sciences. Sa mission consistait notamment à retrouver dans les boîtes d’archives de l’Acfas les documents commandés par le professeur.

« Le défi résidait dans le fait que la portion plus contemporaine des archives n’a pas été traitée, mais nous avions la chance de partir d’une première édition du livre très structurée », raconte M. Pelletier, qui a donc passé des heures à éplucher les fonds d’archives par dossiers, entre les congrès, les publications, les différents prix et récompenses, ou encore les activités conçues pour encourager la relève scientifique. En ce sens, cette expérience lui aura aussi été bénéfique. Outre le travail de recherche associé au mandat, un atout pour ses propres aptitudes en recherche archivistique, cette mission lui aura permis d’élargir son réseau de contacts et même décrocher une collaboration avec l’Acfas afin de rédiger la ligne chronologique sur les 100 ans d’histoire de la recherche publiée sur le site de l’association.

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