L’exode accidentel des cerveaux
Un Canadien expatrié explique comment un déménagement temporaire au Royaume-Uni pour ses études s’est finalement prolongé et ce que le gouvernement pourrait faire pour le ramener au pays.
Lorsque je vivais dans mon patelin en Ontario, je considérais les Canadiens qui allaient vivre à l’étranger comme des traîtres. Ils avaient fui notre pays pour l’argent, un climat ensoleillé ou la célébrité. Mais je suis moi-même devenu l’un d’entre eux : j’ai participé à l’exode des cerveaux canadiens et je vous assure que c’est arrivé tout à fait par accident.
Comme moi, chaque année, des centaines de Canadiens quittent le pays pour effectuer des études doctorales ou postdoctorales avec la ferme intention d’acquérir une expérience internationale, et chaque année, quelques-uns ne reviennent pas. Je suis allé faire un doctorat en histoire au Royaume-Uni et, deux ans après avoir obtenu mon diplôme, j’y vis toujours et j’occupe un poste d’historien universitaire.
Je ne suis pas parti à l’étranger pour recevoir une « meilleure » éducation. En 2009, j’ai appris qu’il fallait en moyenne sept ans pour obtenir un doctorat en histoire au Canada, contre seulement trois ou quatre ans au Royaume-Uni. Ma conjointe avait déjà consacré le temps nécessaire à l’obtention d’un doctorat au Canada et nous n’avions pas envie de recommencer. Nous sommes donc partis à l’étranger afin d’accélérer le processus et aussi par esprit d’aventure.
Nous nous sommes donc installés en Angleterre, certains de notre identité canadienne. Pendant que j’étudiais à la bibliothèque, ma femme, ingénieure universitaire, a commencé à gravir les échelons du milieu de l’enseignement supérieur britannique pour occuper son temps jusqu’à notre retour au pays. Mais elle a découvert que le système d’éducation canadien fait de nous des candidats attirants à l’étranger. L’attitude chaleureuse des Canadiens met les comités d’entrevue à l’aise, et notre formation générale nous permet de nous démarquer de ceux qui ont étudié au sein du système britannique spécialisé.
Au fil du temps, nos liens avec le Canada ont commencé à s’amenuiser. Pour bon nombre d’expatriés comme nous, les choses se passent un peu ainsi : après une première année de solitude, les personnes rencontrées dans le milieu de l’enseignement supérieur deviennent tranquillement vos amis. Vous échangez sur vos préoccupations relatives à l’état de la recherche et de l’enseignement et tissez des liens en vous plaignant de la dernière politique mal conçue du Secrétaire britannique à l’Éducation. Vous apprenez les incontournables expressions à la mode et les réponses aux principales questions que poseront les comités d’entrevue britanniques. Personne n’est là pour vous apprendre les expressions canadiennes à la mode.
Vers la fin de vos études, votre superviseur mentionne les « bourses pour jeunes chercheurs » offertes par les universités d’Oxford et de Cambridge et vous encourage à poser votre candidature. Vous connaissez les bourses postdoctorales à court terme décernées par l’entremise du Conseil de recherches en sciences humaines et du Conseil de recherches en sciences et génie du Canada, mais personne n’en parle vraiment. Et même si vous en obteniez une, il semble maintenant plus simple d’aller à Oxford pour un poste temporaire.
Six ans se sont déjà écoulés et je me rends compte que je ne sais pas comment être un universitaire canadien.
Tout le monde ne vit pas la même chose. Il n’est pas rare que des doctorants originaires de pays à revenu faible ou moyen qui étudient dans des universités britanniques aient un emploi qui les attend chez eux, où ils enseignaient déjà. Les obstacles au retour ne sont pas insurmontables, et nous aurions probablement pu surmonter la plupart. Mais nous n’avions ni le besoin ni la responsabilité de le faire. On peut supposer que les détenteurs de passeport canadien rentreront au pays sans sécurité d’emploi.
L’attrait du Canada n’existe pas en vase clos. Il faut régulièrement rappeler aux étudiants installés à l’étranger pourquoi ils devraient revenir, et ce, dès leur départ, car c’est là que leur lien de cœur avec le Canada est le plus fort. Un avatar amical et réceptif (à défaut d’un vrai visage) qui reste en contact dans les médias sociaux, envoie un bulletin trimestriel d’offres d’emploi, facilite la création d’une communauté virtuelle de chercheurs vivant des situations semblables et donne des conseils pour effectuer un retour au pays constituerait une solution efficace à peu de frais. Il existe des sociétés savantes pour ceux qui étudient le Canada, mais, à ma connaissance, aucune pour les expatriés canadiens qui étudient dans des domaines variés.
Le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique devrait se donner pour priorité de mettre un terme à l’exode des cerveaux. Bien que la responsabilité de l’éducation incombe aux provinces, l’exode des cerveaux est un problème d’ampleur nationale et l’entité fédérale devrait prendre l’initiative de maintenir des liens solides entre les expatriés et le milieu de l’enseignement supérieur.
Né au Canada, Adam Crymble vit actuellement à Londres, en Angleterre, où il est chargé de cours en histoire à l’Université du Hertfordshire.
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