Cet article est un sommaire de l’article « What role should faculty play in supporting student mental health? ».
Un soir, à l’automne 2017, John Walsh, professeur d’études classiques à l’Université de Guelph, et sa femme Mary Walsh, administratrice universitaire, se sont joints à d’autres membres du personnel et du corps professoral pour rendre visite aux étudiants des résidences. « Nous frappions aux portes et discutions brièvement avec les étudiants pour savoir s’ils se plaisaient à l’Université, explique M. Walsh. Nous leur disions que l’Université se souciait grandement de leur bien-être, et qu’ils étaient plus qu’une statistique universitaire pour nous. Nous leur rappelions aussi que l’Université met beaucoup de ressources à leur disposition. »
Lors des visites, les bénévoles étaient jumelés avec un membre du personnel des résidences et consignaient sur des formulaires toute préoccupation relative aux étudiants rencontrés et les questions auxquelles ils n’avaient pas pu répondre. L’initiative a été si bien accueillie qu’elle sera intégrée aux activités régulières des résidences, en octobre et en mars.
Ces visites ne sont qu’un exemple des efforts déployés par l’Université de Guelph pour améliorer la santé mentale sur le campus, un enjeu prioritaire et urgent dans tous les établissements postsecondaires. Partout au Canada, les universités reconnaissent qu’elles jouent un rôle important dans le maintien du bien-être de leurs étudiants. Elles augmentent le budget de leurs services de santé mentale de façon importante, mettent en place des stratégies et des cadres de grande envergure, embauchent davantage de conseillers, offrent des programmes en ligne et du soutien par les pairs et préparent leur personnel à composer avec la hausse des étudiants ayant besoin d’aide. Parallèlement, les membres du corps professoral s’interrogent sur leur rôle dans toutes ces stratégies de soutien envers les étudiants qui doivent composer avec l’anxiété, la dépression ou une maladie mentale grave.
Les professeurs ne savent pas toujours comment assurer la réussite scolaire des étudiants tout en les aidant à composer avec des enjeux pouvant aller du simple stress aux véritables crises psychologiques et émotionnelles. Et pourtant, ce sont souvent eux qui sont le mieux placés pour apercevoir les problèmes de rendement et les comportements qui pourraient signaler une profonde souffrance.
La plupart des universités offrent, en ce sens, de la formation à leurs professeurs, mais la participation est volontaire. Un professeur reçoit une telle quantité de courriels de l’administration pendant un semestre, qu’un message contenant le lien des politiques et protocoles liés à la santé mentale des étudiants peut facilement passer inaperçu. Il s’agit pourtant d’outils précieux, à condition que tout le monde sache où les trouver et comment les utiliser.
Selon Maria Lucia Di Placito-De Rango, professeure d’anglais au Collège Humber de Toronto ayant à son actif beaucoup de travaux de recherche et d’écrits sur la façon dont les universités et les professeurs perçoivent leur rôle dans le soutien aux étudiants aux prises avec des problèmes de santé mentale, « les professeurs ont besoin de perfectionnement professionnel de meilleure qualité ». Comme elle l’écrit dans un article publié dans l’International Journal of Mental Health and Addiction en 2017, « malgré l’attention accrue portée à la santé mentale des étudiants et les efforts constants d’amélioration des systèmes d’intervention, un aspect demeure relativement peu abordé : le rôle du professeur. »
Le dilemme du professeur compatissant est bien connu, car nombre de professeurs doivent composer avec des demandes croissantes d’accommodement en santé mentale et s’interrogent sur la meilleure façon d’aider les étudiants manifestant des signes de détresse.
Kim Hellemans, professeure de psychologie au département de neuroscience de l’Université Carleton et conseillère auprès des étudiants au premier cycle, affirme qu’elle doit souvent agir comme médiatrice entre des professeurs et des étudiants pour des questions de report d’échéances, de reprise d’examens ou d’assiduité en classe. Les professeurs sont réticents à rejeter ces demandes d’accommodement, mais, en tant que neuroscientifique, Mme Hellemans sait qu’un peu de stress est bénéfique au développement humain. Apprendre à gérer son temps et à employer des stratégies d’adaptation pour jongler avec les travaux et les examens écrits aide les étudiants à devenir plus solides et résilients.
Mme Hellemans soutient que le report répété d’échéances, par exemple, n’est pas toujours dans l’intérêt à long terme des étudiants. Elle propose quelques idées dont les professeurs peuvent s’inspirer pour aider leurs étudiants à raviver leurs capacités universitaires, notamment en prévoyant des travaux d’équipe, en se familiarisant avec les services aux étudiants sur le campus et en abordant la gestion du temps et du stress en classe.
Cette démarche n’est pas unique en son genre. Lors d’un exposé donné au printemps à l’Université Simon Fraser, Mme Di Placito-De Rango a proposé l’adoption d’un modèle où les professeurs suivent des formations et reçoivent des directives claires sur la manière de
« reconnaître les étudiants potentiellement aux prises avec des problèmes de santé mentale, de leur offrir un soutien équitable pour favoriser la réussite du cours ou de les orienter vers les ressources appropriées ».
Le rôle des professeurs devrait se préciser à mesure que les chercheurs canadiens continueront de recueillir de l’information pour déterminer les modèles de soutien les plus efficaces, soutient Catherine Munn, psychiatre en chef au centre de bien-être étudiant de l’Université McMaster et cocréatrice d’un outil de formation en ligne qui fournit au corps professoral des renseignements précis sur l’efficacité des mesures d’accommodement et des idées pour favoriser la santé mentale en classe.
S’ils ont accès à davantage de travaux de recherche, à de la formation et à des protocoles institutionnels, les professeurs se sentiront plus confiants dans leur façon de favoriser la réussite des étudiants souffrant de problèmes de santé mentale. Car comme le dit si bien Mme Di Placito-De Rango, « ne rien faire n’est pas envisageable ».
Tenir compte des problèmes de santé mentale des étudiantes et étudiants n’est pas à négliger. Mais ne faudrait-il pas en amont s’interroger sur les causes qui expliquent ces problèmes de santé mentale ? Ces causes ne relèveraient-elles pas du contexte de compétition de plus en plus forte qui se généralise dans des sociétés capitalistes avancées comme les nôtres ? Je pense à un moment que nous devons, en tant que chercheures et chercheurs critiques, nous interroger sur les causes et adopter par conséquent une approche holistique. Les étudiantes et étudiants sont plongés depuis leur enfance dans un système éducatif qui vise à les mettre en situation de concurrence intense les uns et les autres et ceci doit en partie expliquer cela. D’ailleurs, nous-mêmes en tant que professeures et professeurs participons largement à ce processus de mise en concurrence systématique.