Accompagner la population étudiante à l’ère de l’IA générative
Les universités doivent repenser leurs stratégies disciplinaires en matière d’intégrité académique.
L’ensemble des enseignantes et enseignants que je connais, ou presque, est fatigué d’avoir à composer avec ChatGPT et l’intelligence artificielle (IA) générative. Bien que quelques collègues s’emballent devant le potentiel créatif de ces nouvelles technologies et l’accessibilité qu’elles offrent aux personnes handicapées ou lors d’études dans une autre langue, ce que je vois surtout, c’est de l’exaspération devant l’usage malhonnête qui en est fait par des étudiantes et étudiants, au détriment de leur expérience d’apprentissage (sans compter le poids qui vient s’ajouter sur les épaules du corps professoral, des auxiliaires d’enseignement et des doyennes et doyens qui enquêtent).
En ayant un portrait plus précis des motivations derrière l’utilisation de l’IA générative pour rédiger des travaux, les universités seront mieux outillées pour consolider l’intégrité académique, sans désavantager les personnes plus vulnérables.
Les études montrent que deux grands éléments motivent généralement le plagiat. D’abord, les étudiantes et étudiants seront davantage tentés si leurs motivations sont extrinsèques plutôt qu’intrinsèques – s’ils suivent un cours parce qu’il est obligatoire plutôt que parce que le sujet les intéresse, par exemple. (Si vous avez déjà usé d’astuces pour contourner les formations en ligne sur la cybersécurité ou les matières dangereuses de votre université afin de satisfaire aux exigences des ressources humaines et d’arrêter de recevoir ces intempestifs courriels de rappel, vous voyez très bien en quoi les motivations extrinsèques peuvent nous faire tourner les coins ronds.)
« Pour une étudiante ou un étudiant qui manque de ressources financières et de temps, et qui fera tout pour obtenir la note de passage, la facilité d’utilisation de l’IA générative peut représenter un point de bascule qui mène de l’intégrité académique à l’inconduite universitaire. »
Ensuite, si les étudiantes et étudiants ont l’impression que le plagiat est monnaie courante, la pression d’y avoir recours pour ne pas être laissé derrière augmente. On voit qu’il ne s’agit pas de malice, mais de personnes qui font des choix discutables quant à leur gestion du temps et des possibles risques.
Le statut socio-économique, familial ou d’immigration module d’autant plus les décisions. Une personne qui doit, en plus de ses études, travailler 30 heures par semaine pour joindre les deux bouts ou qui a beaucoup de responsabilités familiales doit gérer son temps judicieusement, ce qui peut lui faire tourner les coins ronds, en particulier dans les cours et les travaux où la motivation n’est pas intrinsèque. Idem pour une étudiante ou un étudiant étranger qui éprouve des difficultés et qui pourrait perdre son permis d’études en situation d’échec : la personne pourrait être tentée de plagier pour atténuer les risques. Plus on se sent au pied du mur, plus la pression de réussir le cours par n’importe quel moyen augmente.
On doit donc s’attendre à ce que les profils étudiants non conventionnels, comme ceux des personnes à faibles revenus, d’âge adulte ou en provenance de l’étranger, soient surreprésentés parmi les accusations de comportement frauduleux. Il a également été prouvé que les étudiantes et étudiants étrangers racisés (c’est-à-dire d’origine asiatique ou africaine, par exemple, par opposition à des personnes venant d’Australie ou de France) se font excessivement accuser d’inconduite par rapport à leurs pairs. Le jugement du personnel universitaire peut être influencé par des biais cognitifs.
« Comme la COVID-19, l’IA générative ne disparaîtra pas demain. »
L’IA générative profite de ces difficultés. Faire rédiger son travail par autrui coûte bien plus cher et prend bien plus de temps que d’utiliser ChatGPT. Pour une étudiante ou un étudiant qui manque de ressources financières et de temps, et qui fera tout pour obtenir la note de passage, la facilité d’utilisation de l’IA générative peut représenter un point de bascule qui mène de l’intégrité académique à l’inconduite universitaire.
Je ne dis pas qu’il faudrait se fermer les yeux devant la nuée d’inconduites découlant de l’IA générative. L’intégrité académique doit être préservée – tant pour assurer celle des grades attribués que pour mettre la population étudiante à l’abri de la culture du plagiat et de la pression d’y avoir recours. On doit aussi s’assurer de ne pas désavantager encore plus les personnes aux profils non conventionnels.
Les établissements universitaires devraient adopter une approche globale, et ne pas seulement penser aux procédures de signalement, d’enquête et d’infraction, mais aussi aux initiatives qui pourraient prévenir le plagiat en fonction de ses facteurs sous-jacents. Par exemple : en offrant plus de financement et un service de garde aux étudiantes et aux étudiants, ils pourront disposer du temps nécessaire pour réaliser leurs travaux; en concevant bien le curriculum, on aura moins l’impression de simplement devoir cocher des cases (source de motivation extrinsèque). Du côté des interventions, les procédures disciplinaires devraient tenir compte des traumatismes et être équitables et proportionnelles à l’infraction. Au Canada, un vol de moins de 5 000 $ ne mène pas à une déportation, mais une inconduite universitaire liée à un travail qui vaut 10 % de la note finale pourrait entraîner la perte d’un permis d’études. Le milieu universitaire doit repenser ses systèmes disciplinaires et intégrer des approches qui offrent un cheminement de réparation en cas d’inconduite.
Lorsque la COVID-19 est arrivée, tout le secteur s’est mis en branle pour continuer d’enseigner aux étudiantes et étudiants. On doit faire de même pour cette nouvelle « pandémie ». Comme la COVID-19, l’IA générative ne disparaîtra pas demain.
Shannon Dea est doyenne de la Faculté des arts à l’Université de Regina.
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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