L’Arrivée, le film : comment la linguistique a sauvé le monde

Le réalisme du film de Denis Villeneuve doit beaucoup à une professeure de linguistique de l’Université McGill.

30 janvier 2017

Imaginez cela : un étrange vaisseau spatial avec des extraterrestres aux commandes plane au-dessus de divers endroits stratégiques de la planète. On sait peu de choses sur les intentions de ses occupants. Les organisations internationales et les gouvernements nationaux peinent à anticiper la suite des évènements. Déployant de l’équipement et du matériel militaire, ils chargent les meilleurs chercheurs d’analyser toutes les données possibles sur les nouveaux arrivants, en vue de contrer une possible attaque.

Telle est l’intrigue de la superproduction cinématographique L’Arrivée (titre original en anglais : Arrival) du renommé réalisateur québécois Denis Villeneuve, actuellement dans la course aux Oscars dans huit catégories, dont celles du meilleur film, du meilleur réalisateur et de la meilleure adaptation cinématographique. (Avertissement : si vous n’avez pas vu le film, vous pouvez passer au dernier paragraphe.) Parmi les nombreux rebondissements de ce film de deux heures, le plus étonnant tient peut-être au fait que le monde, bien sûr finalement sauvé, ne l’est pas grâce aux prodiges de la science la plus avancée. Il l’est plutôt, en partie, grâce aux apports de la recherche en sciences humaines, en particulier aux travail d’une professeure de linguistique.

Louise Banks (Amy Adams) parle avec les extraterrestres dans Premier Contact. Photo de Paramount Pictures.

Le réalisme du scénario doit beaucoup à Jessica Coon, professeure agrégée de linguistique, chercheuse financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en syntaxe et langues autochtones à l’Université McGill, qui a fait office de conseillère scénaristique et dont les ouvrages sont évoqués dans le film. En matière de contenu canadien, le spectateur est servi.

D’après les directives qu’elle a reçues, l’héroïne du film, la professeure de linguistique Louise Banks campée par Amy Adams, doit décoder le langage des nouveaux arrivants pour déterminer, aussi vite que possible et dans un véritable esprit d’enquête scientifique, les intentions des visiteurs extraterrestres. Possédant des années d’études et de recherche, l’habile Mme Banks entend bien ne pas se contenter d’une démarche aussi simpliste face à tant de variables inconnues.

S’inspirant de la psychologique, Mme Banks est par ailleurs consciente de la relation complexe et symbiotique qui existe entre langage et pensée, et de la nécessité pour elle d’en arriver à « réfléchir comme les extraterrestres » pour réussir à décoder le sens de leurs propos. Abandonnant son équipement protecteur, elle se met à communiquer directement avec les extraterrestres, au moyen du langage écrit.

À force d’« approximations successives », Mme Banks parvient peu à peu à décoder le langage des visiteurs, et ce faisant elle reprogramme sa propre façon de penser pour la rapprocher de la leur. Ce n’est qu’ainsi qu’elle réussit à cerner le véritable but de leur venue sur Terre, effectuant dans la foulée une découverte stupéfiante qui transformera à jamais l’humanité.

Pure science-fiction? Bien sûr, mais uniquement du fait de la présence d’extraterrestres dans le film. La « science » de la linguistique, tout comme la majorité des sciences humaines, nous aide chaque jour à décoder l’un des systèmes les plus complexes que nous connaissions : la société humaine.

Que ce soit parce qu’elles sont porteuses des connaissances nécessaires pour relever des défis apparemment insaisissables, ou parce qu’elles contribuent à l’élaboration de politiques publiques judicieuses ou encore à la concrétisation des promesses liées à l’innovation technologique, les sciences humaines sont essentielles à la création de sociétés saines et prospères. Et peut-être même à leur salut…

Ted Hewitt est président du Conseil de recherches en sciences humaines.

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