Le modèle des forces : une avenue prometteuse pour favoriser la santé mentale en enseignement supérieur

Au Québec, la gestion de cas centrée sur les forces émerge comme une piste prometteuse pour lever les obstacles à l’accès aux services de santé mentale en enseignement supérieur.

Graphique de : Stella Levi

La santé mentale étudiante en enseignement supérieur, préoccupation de longue date pour la communauté scientifique, est devenue une priorité ministérielle au Québec depuis la pandémie de la COVID-19, grâce notamment aux pressions des associations collégiales et universitaires. La station SME​, qui recense les initiatives en place, permet d’attester de la richesse des services qui se déploient actuellement. 

Il ne suffit toutefois pas que des services en santé mentale soient disponibles sur les campus pour que les personnes étudiantes les utilisent. Encore aujourd’hui, divers obstacles les empêchent d’accéder aux services requis au moment opportun. Certaines de ces barrières sont liées aux réalités individuelles des personnes étudiantes, qu’il s’agisse de la disponibilité en matière ​​termes ressources financières ou de temps pour consulter, considérant notamment les engagements académiques. Certaines manifestations associées à un état de santé mentale détérioré et des expériences négatives de recherche d’aide peuvent également nuire. L’accès ou non aux services n’est pas qu’une question de volonté individuelle. Des barrières socioculturelles et institutionnelles sont également en jeu. La visibilité, la disponibilité et la spécificité de l’offre de services dans les milieux d’enseignement supérieur contribuent aux modulations de cette accessibilité. Il en va de même pour les enjeux entourant la stigmatisation en santé mentale qui freinent certaines personnes dans leur recherche d’aide.  

La gestion de cas: une voie prometteuse 

Afin d’améliorer l’accessibilité des services, des applications ou ​des ​sites​ web​ visant à les promouvoir ont été conçus par plusieurs établissements postsecondaires (ex. le Plant des ressources à l’Université du Québec à Chicoutimi). Mieux communiquer l’offre de services est certes nécessaire, mais cette stratégie n’est pas suffisante, notamment lorsqu’il s’agit de naviguer à travers une offre qui est vaste. La gestion de cas, une manière de travailler issue du travail social, parait une avenue prometteuse déjà mise en place dans divers établissements. Résumé de manière très simplifiée, le travail du gestionnaire de cas consiste à la fois à assurer un suivi personnalisé auprès de l’individu, tout en coordonnant et facilitant l’accès aux ressources institutionnelles ou communautaires requis​es​ par sa condition. Des études récentes à propos du déploiement de l’approche de gestion de cas en milieu postsecondaire indiquent que cette manière d’accompagner les personnes étudiantes peut être utile à différents égards, qu’il s’agisse de favoriser les transitions scolaires, de répondre de manière holistique à des besoins complexes​ ou particuliers,​ ou encore d’offrir une réponse adaptée en situation de crise, notamment sociosan​​itaire. Les écrits scientifiques à propos de l’implantation et de l’efficacité de la gestion de cas en enseignement supérieur sont toutefois limités. De plus lorsqu’il est question de gestion de cas dans les écrits, on fait rarement référence à l’approche privilégiée. 

L’orientation vers les forces pour atteindre le rétablissement 

Dans le champ de la santé mentale, la gestion de cas est une modalité d’intervention déployée à l’échelle internationale depuis les années 1980. Elle repose sur différentes approches : modèle de courtage, gestion de cas clinique, modèle de réadaptation et finalement, le modèle des forces. Ce dernier, connu sous le nom de Strengths Model, a été développé il y a une quarantaine d’années et est aujourd’hui reconnu comme l’une des approches les plus favorables au rétablissement des personnes concernées. Fondé sur six principes centraux, ce modèle repose sur les idées suivantes : 1) toute personne peut se rétablir, 2) les forces sont mises de l’avant plutôt que les limites, 3) la relation est centrale et égalitaire, 4) ​​​​la personne dirige l’intervention, 5) l’intervention se réalise dans des lieux ​​significatifs pour la personne et 6) l’environnement et la communauté sont des ressources essentielles. En effet, même si le modèle des forces peut avoir l’air simpliste en apparence, il requiert des habiletés complexes qui se développent grâce aux allers-retours entre la formation et la pratique. L’importance de cette supervision professionnelle est d’ailleurs mise de l’avant par les personnes instigatrices de l’approche. Bien que ce modèle soit reconnu comme une réponse efficace pour les personnes vivant avec un trouble mental grave, son implantation et son efficacité auprès des populations plus jeunes restent peu documentées. Une étude de la portée menée par notre équipe a révélé qu’une dizaine d’études visant à déployer le modèle auprès de jeunes adultes ont été publiées à travers le monde.  

Vers une gestion de cas centrée sur les forces ? 

Deux observations principales ressortent de ce qui précède : d’une part, la gestion de cas semble répondre efficacement aux besoins des populations étudiantes dans les établissements d’enseignement supérieur, et d’autre part, le modèle des forces favorise le rétablissement des personnes vivant avec des troubles mentaux. Partant de ce constat, notre équipe a choisi de travailler à l’adaptation et au déploiement du modèle des forces dans les milieux universitaires et collégiaux québécois. Les premières analyses que nous avons menées confirment que les principes au cœur de l’approche centrée sur les forces sont déjà présents, à divers degrés, chez les intervenantes et intervenants œuvrant dans ces milieux. Cependant, nos travaux mettent également en lumière la nécessité d’un accompagnement structuré et d’une formation continue pour permettre une véritable intégration des six principes dans la pratique. 

Les prochaines étapes de cette ​​recherche permettront de réfléchir aux adaptations qui doivent être apportées au modèle des forces pour que celui-ci puisse vivre dans les milieux d’enseignement supérieur, ce qui permettra ensuite d’imaginer l’évaluation de son implantation et de son efficacité. 

Pour aller plus loin : 

La Station SME regorge d’informations et d’outils pour soutenir l’accompagnement et l’amélioration continue des pratiques visant la santé mentale étudiante dans les établissements d’enseignement supérieur. À ce sujet, un webinaire et une affiche produits par plusieurs signataires de cet article dans le cadre de l’édition 2024 des Journées SME​ sont rendus disponibles​ : 

D’autres outils disponibles sur le site web de la station SME sont pertinents en lien avec le contenu de cet article, notamment: 

Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série d’articles mensuels sur la santé mentale étudiante en enseignement supérieur portée par l’Observatoire sur la santé mentale étudiante en enseignement supérieur (OSMÉES) et l’Initiative sur la santé mentale étudiante en enseignement supérieur (ISMÉ)

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