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Permettez-moi d’être franc. Depuis des années, je vois des professeurs permanents à temps plein travailler dur et exceller sur les trois plans fondamentaux que sont l’enseignement, la recherche, et le service à la collectivité. Leur capacité à exceller sur ces plans tient à leur solide éthique professionnelle et plus précisément au respect de l’obligation morale imposée par leur convention collective, qui énonce les droits, les responsabilités et les privilèges liés à leur emploi. Ces professeurs sont conscients que leur convention collective comporte des obligations pour eux et pour leur employeur, et ils s’emploient à respecter les leurs. Hélas, d’autres collègues se révèlent désespérément sous-performants, loin d’être à la hauteur du rendement et des résultats attendus en vertu de leur convention collective.

Il existe bien sûr dans tous les secteurs des gens sous-performants, mais les professeurs permanents à temps plein jouissent d’un privilège particulier. La permanence est très souvent, à tort, assimilée à une protection en matière d’emploi, même par certains de ceux qui en bénéficient. Or, Michiel Horn (Academic Freedom in Canada: A History, 1999) estime plutôt que la permanence apporte trois choses : « l’indépendance intellectuelle, l’autonomie collective, ainsi que le temps et la sécurité financière nécessaires à la poursuite d’activités savantes et scientifiques ».

Les professeurs permanents ne sont en rien tacitement autorisés à sous-performer, ou libres de le faire

Le mot clé ici est « poursuite », au sens où ces activités doivent d’abord avoir été entreprises. Les professeurs permanents ne sont en rien tacitement autorisés à sous-performer, ou libres de le faire. Pourtant, dans les faits, ceux qui sont désespérément et largement sous-performants conservent habituellement tous les avantages financiers et autres que leur confère la permanence. L’image des universités, tenues de rendre des comptes au public, s’en trouve menacée.

Les universitaires permanents devraient être tenus de rendre davantage de comptes que les autres. Pour sanctionner les professeurs sous-performants, il existe un autre moyen que de les priver d’augmentation salariale annuelle, de fonds pour le perfectionnement professionnel ou encore de congés sabbatiques. Ce moyen consiste à les soumettre à une évaluation rigoureuse, une fois leur permanence obtenue. En prônant une telle évaluation, je ne plaide pas pour l’abandon de la négociation collective ou pour la résiliation des conventions collectives des professeurs, comme ce à quoi l’on a assisté au Wisconsin sous le gouverneur Walker. Je n’appelle pas non plus à la privatisation, à laisser les lois du marché dicter le jeu. Je plaide plutôt pour que toute personne rémunérée par l’argent public fasse preuve de l’intégrité exigée par sa convention collective.

Peut-être est-il vain d’espérer parvenir à contraindre les professeurs sous-performants à faire plus. Peut-être sont-ils trop protégés par leur permanence et par les associations de professeurs, ce qui leur permet de n’en faire qu’à leur tête pendant que leurs collègues travaillent d’arrache-pied. Peut-être, enfin, le fait de les priver d’augmentation salariale annuelle et de congés sabbatiques relèverait-il d’un casse-tête pour les doyens, en plus d’exposer ces derniers aux protestations des associations de professeurs, voire au dépôt de plaintes. Toutefois, ne rien faire, c’est tolérer le maintien de la fracture entre ceux qui font leur boulot et ceux qui ne le font pas. Imaginons que je découvre qu’un étudiant s’est rendu coupable de plagiat. Il serait bien plus simple pour moi de ne pas le sanctionner, mais, dans ce cas, je ne ferais pas mon travail. Les administrateurs qui tolèrent la sous-performance, voire l’absence de performance, ne font pas leur boulot.

J’appelle donc à renforcer les normes d’imputabilité applicables, sans vouloir pour autant donner aux tenants du statu quo des arguments pour renforcer leur position. Je sais bien que les mots « normes » et « imputabilité » sont associés au néo-libéralisme, qui tend à assimiler les universités à des entreprises. Je suis aussi conscient qu’aucune méthode unique en matière de normes ne saurait être équitable. Par exemple, certains universitaires autochtones s’estiment actuellement pénalisés par un système qui ne reconnaît pas leurs contributions qui sont étrangères au champ restreint des publications soumises à une évaluation par les pairs.

Les pièges à éviter ne sont cependant pas une raison de renoncer à amorcer un dialogue sur la responsabilité. « Pourquoi l’argent public, déjà rare, devrait-il servir à financer les salaires à six chiffres – et les avantages sociaux – de ceux qui ne font pas leur travail? » Selon moi, rémunérer ainsi ces gens n’est ni justifiable, ni défendable, ni éthique.

On pourrait me rétorquer que le rendement professionnel de mes collègues ne me regarde pas. Je ne suis pas d’accord. Le manque de productivité de certains engendre une iniquité chronique en matière de charge de travail. Et il mine encore davantage la confiance de la population envers les universités. Il n’est pas étonnant que le cynisme et la confusion abondent vis-à-vis du bon travail que nous accomplissons.

Certains verront peut-être dans mon point une menace incompatible avec le système de négociation collective et de permanence. Peut-être vais-je même être perçu comme une sorte de traître. Pourtant, je suis un fervent défenseur de la négociation collective et de la permanence. Ce que je n’accepte pas, c’est l’érosion du système sur lequel elles reposent. Il nous faut remédier à ses lacunes pour empêcher les gens nettement privilégiés qui ne font pas leur travail de profiter d’avantages injustifiés, ce qui est à la fois inéquitable et contraire à l’éthique. Il est démoralisant et démotivant de voir certains collègues profiter des mêmes avantages que d’autres, alors que leurs contributions à la recherche et aux activités savantes sont, en clair, inexistantes. Ce système ne fait qu’encourager la médiocrité, à l’heure où l’excellence devrait être la norme.

Gerald Walton est professeur agrégé à la faculté d’éducation de l’Université Lakehead.

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