Notre salut économique passe par la formation et non par le Panier bleu
Le gouvernement québécois devrait-il baser sa stratégie pour la reprise économique sur l’achat local ou sur la formation des travailleurs?
À l’aube d’une crise économique sans précédent, on ne peut que saluer l’initiative d’achat local du gouvernement du Québec. Dans le but d’encourager la création et le maintien des emplois via l’achat local, le gouvernement du Québec a lancé le Panier bleu.
Malheureusement, cette approche a plusieurs limites. L’une des plus importantes est l’achat de biens produits à l’extérieur du Québec et du Canada. En effet, encourager l’achat des biens produits et des services offerts par nos concitoyens au lieu de favoriser l’importation est une excellente initiative.
Sans le nommer directement, on comprend que l’achat en ligne de type « Amazon » est visé par cette stratégie, mais ce type d’entreprise a plus de succès avec les biens produits à l’extérieur du pays qu’avec les biens produits localement.
À titre d’exemple, si je souhaite faire l’achat d’un disque dur portatif pour mon ordinateur, il est probable que ce bien est produit à l’extérieur du pays. Imaginons un prix d’achat de 10 dollars via « Amazon », laquelle me livre le bien en question, directement à ma porte. Imaginons que le même bien est offert au prix de 12 dollars par le détaillant local.
Je serai donc invité à encourager l’achat local et payer deux dollars de plus pour le même bien. Je ne sais pas pour vous, mais je ne crois pas que la plupart des gens vont accepter de donner deux dollars au détaillant local pour le même bien offert en ligne à 10 dollars.
Sans tomber dans l’absurde, certains diront que si j’achète les ingrédients chez l’épicier en ligne pour faire ma recette préférée, laquelle est aussi offerte par mon restaurant local, à un coût de cinq dollars de plus par portion, devrais-je lui remettre ce cinq dollars, car je me suis fait livrer les ingrédients?
Comme je l’ai déjà mentionné dans un autre article, il n’y a actuellement aucune taxe pour compenser les impacts environnementaux d’avoir acheté mon bien produit à l’extérieur du pays et de l’avoir fait livrer directement à ma porte. Une telle taxe permettrait d’obtenir une meilleure comparaison des prix pour les biens offerts localement, surtout, si on y ajoute une taxe en lien avec le respect de nos lois sur l’environnement ou encore mieux, les mêmes règles que pour l’investissement responsable.
Pour ce qui est de l’idée de limiter ou taxer les biens étrangers, du protectionnisme en quelque sorte, ce n’est pas une possibilité puisque le Canada est un pays exportateur de plusieurs biens partout dans le monde, surtout aux États-Unis. La fermeture de nos frontières aurait des conséquences pour plusieurs secteurs de notre économie et nous y perdrions au change. Pensons simplement à nos différentes ententes de libre-échange, l’exemple même du non-protectionnisme.
Évidemment, certains mentionneront que la pandémie liée au COVID-19 sonne le glas de la mondialisation. Cela est peu probable et même si nous avons constaté que nous ne pouvions pas être dépendants des autres pays pour certains biens (ex. les masques), il nous sera impossible d’être totalement autonome pour tout ce que nous consommons comme biens.
En bref, l’achat local pour les biens et services produits localement a plein de sens, mais cette stratégie ne fonctionne plus lorsque les biens proviennent de l’étranger. La solution pour sauver l’ensemble des travailleurs du commerce de détail? Il n’y en a pas. Le monde a changé et nous devrons trouver d’autres avenues pour ces travailleurs qui seront touchés par la nouvelle réalité économique, tout comme nous l’avons fait pour ceux qui produisaient naguère, le « Buggy Whip » (fouet de cocher).
L’avenue de la formation
Quelles sont les avenues possibles? Il y a plusieurs avenues puisqu’alors que certains secteurs cesseront de croître, d’autres débuteront, mais l’une se démarque, la formation : formation continue, formation d’appoint, formation professionnelle, formation universitaire, etc.
Il fut un temps ou lorsque l’on terminait l’école, qu’on eût fini le secondaire, le collégial ou même l’université, c’était terminé. On avait le bagage académique nécessaire pour entreprendre notre carrière, celle qu’on avait choisie en fonction du travail souhaité. Aujourd’hui, les règles ont changé. La formation continue ou continuelle est la nouvelle norme, norme qui devra être soutenue fiscalement tout au long de notre carrière.
Les gouvernements devront encourager financièrement, via les coûts de formations et des crédits d’impôt, nos concitoyens touchés par ces changements à retourner sur les bancs d’école. À être formé pour les besoins actuels des entreprises, mais aussi, pour les besoins futurs, car notre société continuera d’évoluer.
Les entreprises aussi devront soutenir leurs employés dans leur formation continue, mais aussi dans la transition afin de passer d’un rôle à un autre plus facilement. Actuellement, les entreprises ont encore tendance à pratiquer ce que j’appelle le « typecasting ».
Le « typecasting », c’est ce qui arrive lorsque les recruteurs ont un penchant à voir un individu dans un certain rôle et qu’ils ont de la difficulté à l’imaginer dans un autre. Un exemple très simpliste. Vous étiez plombier et à la suite de votre nouvelle formation, vous êtes maintenant qualifié comme électricien.
Bien que vous postuliez sur des postes d’électricien, on vous regarde toujours comme un plombier et on vous sort toutes sortes d’arguments comme quoi votre expérience de plombier ne peut vous aider dans votre nouveau rôle d’électricien.
Comme si cela n’était pas assez, dès qu’un individu atteint l’âge de 50 ans, on pense à lui comme à un futur retraité. Pourtant « Liberté 55 » n’est qu’un concept de marketing puisque la majorité des gens accèdent à la retraite dans la mi-soixantaine. Ainsi, si vous êtes dans la cinquantaine et que vous venez de vous réorienter dans un nouveau domaine, vous faites face à un double défi.
C’est cet aspect que les entreprises doivent corriger. Un individu qui a fait les efforts nécessaires à réorienter sa carrière ne devrait pas avoir un obstacle supplémentaire en étant perçu comme arrivant en fin de carrière. Pire encore, être perçu comme une menace pour un nouveau gestionnaire souvent plus jeune que le candidat.
Notre gouvernement devrait-il baser sa stratégie pour la reprise économique sur l’achat local ou sur la formation des travailleurs?
Clément Hudon est professeur en planification financière à l’École des sciences de l’administration à l’Université TÉLUQ.
Postes vedettes
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
Laisser un commentaire
Affaires universitaires fait la modération de tous les commentaires en appliquant les principes suivants. Lorsqu’ils sont approuvés, les commentaires sont généralement publiés dans un délai d’un jour ouvrable. Les commentaires particulièrement instructifs pourraient être publiés également dans une édition papier ou ailleurs.