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Passer de déchets à matériau de construction durable

Une équipe de chercheurs met au point une formule pour incorporer des bouteilles de vin recyclées dans la composition du béton.

par DAISY LE CORRE | 05 NOV 18

Cela peut paraître impossible, pourtant ils l’ont fait. Arezki Tagnit-Hamou, directeur du Centre de recherche sur les infrastructures en béton de l’Université de Sherbrooke, et son équipe ont réussi à donner une deuxième vie à des bouteilles de vin. La ruse? Une fois réduites en poudre de verre, elles sont intégrées à la composition du ciment utilisé pour construire des trottoirs.

La formule a été testée, notamment à Montréal : le trottoir conçu devant le Musée des beaux-arts résiste aux intempéries et à l’épandage de sel depuis 2011. Selon M. Tagnit-Hamou, le tout repose sur des milliards de bulles d’air qui créent des places de détente, comme des réservoirs, et qui évitent que le béton brise en cas de gel et dégel.

Le professeur titulaire au Département de génie civil a eu l’idée de transformer du verre en béton grâce au journal étudiant de son université. « C’est le titre d’un article qui m’a interpellé : « Un campus vert dans une ville en béton ». J’ai eu un déclic, j’ai voulu changer cette connotation négative liée au béton », explique le passionné dont le concept permet de réduire l’émission de dioxyde de carbone et de faire rouler l’économie.

« Le ciment est un produit fantastique si on sait l’utiliser à bon escient. On oublie souvent que le matériau le plus utilisé dans le monde après l’eau, c’est le béton », lance d’emblée le chercheur, conscient de l’impact significatif du ciment sur l’environnement puisqu’il produit entre cinq et huit pour cent des gaz à effet de serre.

Son apport écologique est moins connu. « On peut apporter beaucoup de solutions à notre environnement grâce au béton, mais les gens ne maîtrisent pas ce matériau », déplore-t-il.

« Depuis longtemps, dans l’univers du béton, on utilise des ajouts cimentaires qui ne sont rien d’autres que des déchets d’autres industries. L’économie circulaire existe depuis un moment dans ce secteur », rapporte-t-il en précisant que le Québec est d’ailleurs l’un des endroits où l’on sait faire le meilleur béton au monde.

En plus de redorer l’image du béton sur le plan environnemental, le simple fait d’utiliser de la poudre de verre permet de détourner des milliers de bouteilles de vin des dépotoirs. Le recyclage de certains types de verre comportant des défis, il n’est pas rare que ceux-ci ne puissent être recyclés au Québec. Dans une fiche d’information, RECYC-Québec souligne que « la majorité [des centres de tri] éprouve des difficultés à acheminer le verre à des conditionneurs, de par sa faible valeur sur le marché et le manque de débouchés locaux ».

D’après l’expert, il est urgent de développer localement des matériaux et d’arrêter les importations/exportations. « Le simple fait de les transporter annule tous les avantages du matériau qu’on vient de développer : il faut le valoriser sur place. Le monde est devenu un petit village, mais il faut agir localement », explique M. Tagnit-Hamou. « Il y a encore beaucoup de matériaux qu’on appelle « déchets » et qui n’en sont pourtant pas. La science avance partout à l’échelle internationale, mais les actions sur les matériaux doivent se faire sur place. Il faut changer de perspective au quotidien. »

Face à l’émergence de ce nouveau béton, « l’industrie suit » selon le professeur. « Mais ça lui prend des garanties. Il y a des enjeux financiers et de sécurité. »

Des éventuels détracteurs? Pas vraiment, des sceptiques surtout. « C’est normal, le monde du béton est habitué à sa manière de fonctionner. Il s’ouvre tout doucement vers de nouvelles technologies », affirme M. Tagnit-Hamou pour qui ce n’est plus le temps de se préparer aux changements climatiques. « Ils sont déjà là et nous sommes en retard. »

Le concept fait déjà beaucoup parler de lui à l’international. « On reçoit des appels des États-Unis, de l’Europe et des îles aussi. Avec les coûts d’enfouissement et la gestion des déchets, les îles sont noyées sous leurs propres déchets. Elles sont condamnées à les réutiliser sur place. »

D’ici la fin de 2018, le professeur et son équipe devraient franchir une étape clé : la normalisation canadienne de leur concept sur laquelle ils travaillent depuis 10 ans. L’équivalent devrait aboutir aux États-Unis en 2019.

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