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Quatre universités accueillent les recommandations de la vérificatrice générale de l’Ontario

L’audit a révélé que les universités peinent à combler un déficit financier causé par la réduction et le gel des droits de scolarité des étudiant.e.s de l’Ontario.

par MOIRA MACDONALD | 02 MAR 23

Le travail découlant des 21 recommandations contenues dans un rapport produit par la vérificatrice générale de l’Ontario a été amorcé tant au ministère des Collèges et Universités de l’Ontario que dans les quatre universités concernées. Formulées au lendemain de la déclaration d’insolvabilité de l’Université Laurentienne au début de l’année 2021, ces recommandations visent à resserrer la surveillance, la gestion financière et la gouvernance.

Dans un rapport de 113 pages publié à la fin novembre, la vérificatrice générale, Bonnie Lysyk, et son équipe expliquent que la réduction des droits de scolarité de 10 % imposée par la province en 2019 et le gel subséquent pour les étudiant.e.s de l’Ontario ont nourri une dépendance à l’égard des inscriptions d’étudiant.e.s provenant de l’étranger, et ce, au point de menacer la santé financière des 23 universités publiques de la province. Recommandant à la province d’analyser la viabilité financière des universités à la lumière des fonds publics et des droits de scolarité actuels et de réagir plus promptement quand un établissement présente des symptômes de précarité financière, Mme Lysyk affirme qu’il faut aussi développer une vision stratégique pour le système postsecondaire ontarien qui fera une distinction nette entre les programmes des universités et des collèges et qui empêchera l’existence d’une concurrence malsaine pour les inscriptions d’étudiant.e.s.

« Ça finit par devenir malsain », déclare Mme Lysyk. Son rapport va plus loin : « le ministère n’a pas évalué le secteur dans son ensemble pour établir de façon rationnelle, par exemple, combien d’universités sont nécessaires », ce qui a mené les universités à adopter une mentalité du « chacun pour soi ». Le ministère a répondu qu’il travaillerait avec le milieu à l’élaboration d’un plan stratégique à long terme qui comprendrait des mesures pour la viabilité financière et opérationnelle, et qu’il évaluerait les niveaux de financement actuels, adopterait un nouveau cadre de responsabilisation financière et collaborerait avec les établissements qui éprouvent des difficultés financières.

Les vérifications ont été effectuées à l’Université de Nipissing, à l’Université Algoma, à l’Université de Windsor et à l’Université technologique de l’Ontario. Ces quatre établissements de petite et moyenne taille ont été choisis en raison de leurs résultats sous la moyenne provinciale pour quatre des sept indicateurs financiers clés ministériels. Une seule d’entre elles – l’Université Algoma – a affiché un excédent annuel de 2016-2017 à 2020-2021.

Bonnie Lysyk sitting at a microphone.
Dans un examen ciblé de l’état des finances d’universités, la vérificatrice générale de l’Ontario, Bonnie Lysyk, les met en garde contre les effets d’une dépendance trop grande à l’égard des sommes découlant des inscriptions d’étudiant.e.s provenant de l’étranger. Photo par Frank Gunn/Canadian Press.

S’il y a matière à amélioration, ces universités sont dans une bonne posture financière. « Même si chacune évolue dans un contexte très différent, il n’y avait pas de sentiment d’urgence ou de situation semblable à ce que l’on a vu à l’Université Laurentienne », explique Mme Lysyk. Son bureau a aussi publié en novembre un rapport éloquent sur l’établissement de Sudbury et les facteurs qui ont pu le mener à déclarer son insolvabilité.

Chez les quatre universités, l’équipe de vérification a trouvé des faiblesses communes dans les pratiques de gestion financière, notamment le défaut de produire systématiquement une analyse de rentabilisation pour tous les projets d’immobilisations. Par ailleurs, les universités ne disposaient pas toujours de politique limitant le financement extérieur (ou, si elles en avaient une, ne la respectaient pas toujours), elles n’ont pas présenté à leur conseil d’administration de projections des flux de trésorerie et elles n’ont pas fait d’analyse périodique ni apporté de modifications en fonction de la rentabilité des programmes d’enseignement.

La dépendance à l’égard des inscriptions provenant de l’étranger, majoritairement de l’Inde, varie d’un établissement à l’autre. À l’Université Nipissing, seul 1 % des 6 200 inscriptions provient de l’étranger alors qu’à l’Université Algoma, le plus petit établissement audité avec ses 3 500 étudiant.e.s, 76 % des 23,5 millions de dollars tirés en 2020-2021 des droits de scolarité étaient attribuables à des étudiant.e.s provenant de l’étranger. La majorité de ces étudiant.e.s fréquentaient le campus Brampton de l’Université Algoma, situé à près de 700 kilomètres du campus principal dans le Nord de l’Ontario.

Mme Lysyk a recommandé que les universités diversifient le recrutement à l’étranger au-delà d’un ou deux marchés, et en fonction des pays désignés comme prioritaires par le gouvernement fédéral. Son rapport indique aussi qu’on a encouragé les responsables du recrutement à l’étranger à privilégier la quantité au détriment de la qualité – les universités insistent toutefois sur le fait que la qualité est demeurée une priorité –, et que la province doit normaliser la conversion des notes.

Si 85 % de ses étudiant.e.s provenant de l’étranger sont originaires de l’Inde, l’Université Algoma a déjà un plan pour instaurer un seuil maximum de 50 % pour tout pays donné d’ici 2025-2026. Comme l’explique la rectrice Asima Vezina, l’Université a voulu procéder petit à petit en se concentrant sur l’Inde lorsqu’elle a significativement élargi son recrutement à l’étranger afin de pallier une importante baisse des inscriptions pour l’année 2018-2019.

La vérificatrice a par ailleurs invité les conseils d’administration des établissements à renforcer la littératie financière de leurs membres et à réduire leur taille pour compter entre 14 et 16 membres, ce qui fait partie des bonnes pratiques observées en dehors des universités. L’objectif est que l’ensemble des membres puissent participer pleinement aux délibérations, à la transmission de l’information et à la prise de décisions. Les conseils d’administration des universités ontariennes ont en moyenne 29 membres; ceux des universités auditées, de 18 à 32. Dans un courriel à Affaires universitaires, Glen Jones, professeur en enseignement supérieur et ex-doyen de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario de l’Université de Toronto, convient que certains conseils d’administration sont sans doute trop imposants, mais a fait valoir qu’il n’existe pas de modèle unique parce que les universités servent toutes des missions et des communautés différentes.

Les universités réagissent

La vérificatrice générale, qui s’exprime indépendamment du gouvernement, n’a pas le pouvoir d’obliger les établissements audités à appliquer ses recommandations; les universités en question se sont tout de même montrées disposées à le faire.

Dans sa réponse à la vérificatrice, l’Université de Windsor a expliqué que la réduction et le gel des droits de scolarité, en place depuis quatre ans, a amputé son budget de 32 millions de dollars. Selon un communiqué diffusé après la publication du rapport, l’établissement s’emploie à adopter « plusieurs changements », et à dresser un plan de travail pour donner suite aux 14 recommandations qui lui sont adressées.

Dans un communiqué diffusé dans les mêmes circonstances, l’Université de Nipissing a elle aussi cité le gel des droits de scolarité comme un facteur aggravant sur le plan financier. Elle ajoute que vu sa réalité nordique, l’Université doit assumer des coûts souvent plus élevés que dans les établissements du Sud de la province : le gel a eu par conséquent des « effets dévastateurs » sur sa situation financière. L’Université compte aussi appliquer les améliorations recommandées.

De son côté, l’Université technologique de l’Ontario juge qu’elle fait bonne figure dans un contexte difficile pour le milieu : c’est ce qu’a affirmé son recteur Steven Murphy dans une déclaration transmise par courriel à Affaires universitaires, ajoutant que l’établissement compte aller de l’avant avec la majorité des recommandations dans la prochaine année.

En entretien, Mme Vezina a qualifié la vérification de « très utile » puisque l’Université Algoma prévoit une nouvelle expansion à Brampton. Elle a ajouté que l’Université prévoit mettre en œuvre toutes les recommandations. Inauguré en 2009, le campus de Brampton a été agrandi en 2018, un exploit qui, comme le souligne le rapport de la vérificatrice générale, a pu se concrétiser sans investissement majeur. Plutôt, des espaces loués et des ententes avec des organismes locaux sans but lucratif ont permis à l’établissement de fournir des services auxiliaires.

Le Bureau de la vérificatrice générale interrogera le ministère et les quatre universités sur leur éventuelle mise en application des recommandations, contre-vérifiera le tout et publiera un rapport de suivi dans le cadre du rapport annuel du Bureau à la fin de 2024. Par la suite, le Bureau fera un suivi des recommandations restantes pendant trois ans.

Aux dires de Mme Lysyk, toutes les universités se sont montrées coopératives et transparentes pendant la vérification, une qualité essentielle à une gestion financière saine. La vérificatrice générale ajoute que la crise à l’Université Laurentienne (où des compressions importantes dans le personnel et les programmes ainsi qu’une restructuration financière et administrative majeure ont été effectuées, le tout accompagné d’une crise politique que les gouvernements provincial et fédéral ont dû gérer) a eu l’effet d’une douche froide pour ces universités et elles en ont tiré des leçons.

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