Faire la paix avec le stress

L’une des 12 chercheurs à recevoir un prix lors du Gala de l’Acfas a étudié le stress sous plusieurs formes.

15 novembre 2018

Les dangers du stress sur la santé physique et mentale défraient régulièrement les manchettes, au grand désespoir de Sonia Lupien. La fondatrice et directrice du Centre d’études sur le stress humain, agit aussi comme professeure titulaire au département de psychiatrie de l’Université de Montréal et comme directrice scientifique du Centre de recherche de l’institut universitaire en santé mentale de Montréal.

Le stress, elle le connaît bien. Elle lui a même consacré sa carrière en recherche. Ses travaux lui ont récemment valu le prestigieux Prix Acfas Jacques-Rousseau pour la multidisciplinarité, décerné à une chercheuse ou un chercheur ayant établi, au-delà de son domaine de spécialisation, des ponts entre différentes disciplines. Ses recherches en neuropsychologie combinent ses deux passions : la psychologie et la biologie. Elles font converger la biochimie, l’imagerie cérébrale, l’analyse des comportements et l’analyse des troubles psychiatriques.

Ce prix, elle l’a reçu le 13 novembre dernier lors du Gala de l’Association francophone pour le savoir aux côtés de 11 autres chercheurs qui se sont distingués. Voici la liste des lauréats :

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Le spectre du stress

Mme Lupien déplore depuis longtemps l’image très négative peinte du stress. Ironiquement, celle-ci serait l’une des plus grandes sources de stress des gens. Elle ne nie pas, bien entendu, que le stress produit des effets délétères. « Quand on est stressé on sécrète des hormones de stress, lesquelles remontent au cerveau et en affectent des régions importantes pour l’apprentissage, la mémoire et les émotions », résume-t-elle.

Toutefois, elle se désole que l’on fasse peu de cas d’une évidence : le stress est nécessaire à l’humain et présente aussi de nombreux effets positifs, notamment l’augmentation de la vigilance, de l’attention sélective et de la performance. À condition de savoir le gérer.

« La menace à notre survie est le seul facteur de stress absolu, tous les autres sont relatifs, souligne la chercheuse. Notre interprétation d’une situation fera que l’on produira plus ou moins d’hormones de stress. C’est intéressant, car cela veut dire que l’on peut travailler sur soi pour réduire sa sécrétion d’hormones de stress. »

Si une personne passe des heures à s’apitoyer sur son sort, elle produira beaucoup d’hormones de stress. Si elle considère a priori une situation stressante comme quelque chose de négatif, elle en générera aussi beaucoup plus que si elle la perçoit de manière moins négative. Il y a donc tout un travail à faire sur le plan comportemental et psychologique pour diminuer notre vulnérabilité aux effets négatifs du stress.

Aider les gens

C’est au moment de choisir son sujet de doctorat en neurosciences que Mme Lupien commence à s’intéresser aux effets des dérèglements hormonaux sur les fonctions cognitives des personnes âgées. Assez rapidement, elle démontre un lien entre de forts taux d’hormones du stress chez les adultes âgés, la perte de mémoire et une réduction du volume de l’hippocampe, cette zone du cerveau importante pour la mémoire et l’apprentissage. Elle fait aussi apparaître des liens entre la pauvreté chez les enfants et un taux d’hormones du stress plus élevé.

Ses travaux lui font ensuite découvrir le lien entre la production des hormones de stress et des comportements et des facteurs psychologiques sur lesquels il est possible d’intervenir. Ça tombe bien, parce qu’elle n’a pas du tout envie de rester confinée à ses laboratoires et à la production d’articles scientifiques. Elle veut aider les gens concrètement.

« Découvrir pour découvrir, ça ne me suffisait pas, je voulais que ça serve », explique-t-elle. Elle élabore donc sept conférences visant à démystifier le stress et à expliquer les facteurs qui contribuent à augmenter sa présence dans nos vies. Elle publie aussi le livre Par amour du stress (Éditions au Carré), qui utilise les plus récentes découvertes scientifiques pour expliquer l’impact du stress, mais aussi la meilleure manière d’en faire un allié, plutôt qu’un ennemi.

Son contact constant avec le terrain lui permet de vivre une réelle dynamique de coconstruction des connaissances. « Je dirais qu’environ 85 pour cent de ma recherche provient de questions, d’inquiétudes ou d’idées du public », confie-t-elle. Elle donne l’exemple de l’anxiété de performance chez les jeunes, un sujet sur lequel elle a récemment commencé à travailler à la suite de nombreux commentaires de parents et de travailleurs du milieu scolaire.

« Quelqu’un m’a dit récemment que je parlais du stress de manière réconfortante, c’est le plus beau compliment que je pouvais recevoir, termine Mme Lupien. Il faut arrêter d’avoir peur du stress, ça ne fait que l’amplifier. »

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