Service d’aide à la recherche en français : un accompagnement de premier plan
Les chercheurs et chercheuses d’expression française évoluant en francophonie minoritaire bénéficient désormais d’un service totalement inédit pour préparer leur demande de financement en français. Et ça marche !
Lorsqu’il souhaitait déposer une demande de subvention de recherche dans sa langue maternelle, le français, Félix Mathieu partait avec deux prises contre soi. Le professeur au Département de science politique de l’Université de Winnipeg se privait alors de l’essentiel du soutien habituellement fourni par l’entremise du bureau de la recherche de l’institution unilingue anglophone.
« On validait la grille budgétaire du projet, mais c’était à peu près tout », raconte ce spécialiste de la diversité nationale et ethnoculturelle dans les démocraties libérales contemporaines. « Faute de ressources dédiées, personne n’était en mesure de me relire pour valider les aspects plus techniques. »
La signature d’une entente de partenariat entre l’Université de Winnipeg et l’Acfas dans le cadre de son Service d’aide à la recherche en français (SARF) a depuis changé la donne pour le chercheur. Pour la première fois de sa carrière, M. Mathieu a bénéficié d’un programme de soutien et d’accompagnement digne de ce nom dans la préparation de sa demande de financement rédigée en français.
Celle-ci a été soumise dans le cadre du concours 2024 de développement Savoir du Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH), l’hiver dernier. « La demande portait sur l’index des cultures sociétales, un outil méthodologique que j’ai contribué à développer », précise-t-il.
Résultats probants
C’est la première fois depuis le lancement du SARF en 2023 que des chercheurs et chercheuses universitaires d’expression française en milieu minoritaire du Canada jouissent de ce coup de pouce. « Nous avons soutenu un total de six candidatures dans le cadre des premiers concours 2024 du CRSH », se félicite Thierry Drapeau, directeur du SARF.
Si cela semble peu dans l’absolu, il convient néanmoins de relativiser. « Pour toutes les subventions Savoir [qui font l’objet du plus grand volume de demandes auprès du CRSH], nous n’avons reçu que 19 demandes de la part de scientifiques hors Québec en 2023 », indique Sylvie Lamoureux, vice-présidente à la recherche au CRSH.
Les chiffres sont encore plus encourageants pour les concours de cet automne. Début septembre, l’équipe du SARF accompagnait 15 scientifiques dans leur demande auprès du CRSH. Du lot, 11 comptaient déposer dans le cadre du volet « régulier » du concours Savoir, dont la date limite pour soumettre était fixée au 1er octobre 2023.
« Lorsqu’on sait que 29 demandes Savoir en moyenne ont été soumises en français en milieu minoritaire entre 2017 et 2021, c’est significatif, affirme M. Drapeau, qui cite des données du CRSH. Il s’agit après tout d’un potentiel d’augmentation de plus de 33 % ! » « Ce sont autant de demandes qui auraient été autrement soumises en anglais, voire pas du tout », pense pour sa part Mme Lamoureux.
De là à parler d’un frein à une tendance lourde, il n’y a qu’un pas. Le nombre de demandes de subvention déposées en français auprès des trois organismes de recherche du Canada baisse en effet de manière constante depuis les années 1990, rappelle un rapport du Comité permanent de la science et de la recherche publié en 2023.
Si bien que, dans le cas du CRSH, seulement 12 % des demandes soumises annuellement le sont aujourd’hui dans la langue de Molière. La communauté de la recherche d’expression française représente pourtant 21 % de toute la communauté scientifique au pays.
Moment opportun
En fin de compte, M. Mathieu n’a pas obtenu la réponse positive tant espérée de la part du CRSH à la suite de sa demande de subvention de recherche. « Je m’y attendais, dans la mesure où les taux de succès sont de manière générale assez bas [du fait de l’environnement très concurrentiel de la recherche] », se console le chercheur.
Ce refus n’influence toutefois en rien son appréciation du SARF. « L’accompagnement reçu était prévisible et professionnel, comme si le programme roulait depuis plusieurs années déjà, témoigne-t-il. Surtout, j’ai eu l’impression de pouvoir faire fi de la barrière institutionnelle qui me dissuadait jusqu’à maintenant de penser mes recherches en français plutôt qu’en anglais. »
Le SARF a justement été créé pour combattre l’anglonormativité dans le monde de la recherche au Canada. Sa mise en place a été annoncée en 2021 à la suite de la publication du rapport Portrait et défis de la recherche en contexte minoritaire au Canada, qui mettait en exergue les nombreuses difficultés auxquelles font face les chercheurs et chercheuses d’expression française en francophonie minoritaire.
Au même moment, le gouvernement du Canada entreprenait une réforme de la Loi sur les langues officielles, s’engageant notamment « à favoriser l’épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire au Canada », notamment par l’appui à la création et à la diffusion des savoirs scientifiques en français.
Preuve de la pertinence du SARF dans l’écosystème canadien de la recherche, 10 institutions universitaires ont signé des ententes de partenariat avec l’Acfas depuis la mise en place du dispositif.
Si certains noms comme le campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, l’Université de Moncton, l’Université Simon Fraser, l’Université Saint-Paul et l’Université de l’Ontario français vont de soi, d’autres dans la liste surprennent. « Je ne m’attendais pas par exemple à ce que l’Université de Victoria [unilingue anglophone] se manifeste, confie Mme Lamoureux. À mes yeux, cela témoigne d’un réel engouement pour le SARF »,
Et la suite ?
La prochaine étape dans le déploiement consistera à signer des ententes de partenariats pour offrir des services de soutien à la recherche en vue des concours des Instituts de recherche en santé du Canada et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Le défi s’annonce considérable : seulement 5 % des demandes de financement soumises chaque année à ces deux conseils subventionnaires fédéraux le sont en français.
« Il va y avoir davantage de mobilisation et de sensibilisation à faire qu’en sciences humaines et sociales, où la langue est souvent intrinsèquement reliée au sujet de recherche », convient Thierry Drapeau. Il peut cependant se rassurer : le Plan d’action pour les langues officielles mentionne le SARF parmi ses « mesures visant à améliorer l’écosystème de la recherche en français au Canada ». Et ce dernier prend fin en 2028.
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
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