Combattre le fléau de l’insomnie

Le manque de sommeil touche de plus en plus de gens et les scientifiques y cherchent des solutions.

09 mars 2018

Il ya 20 ans, les cliniques du sommeil étaient rares. Le manque de sommeil étant maintenant chose courante, elles sont devenues nécessaires. La Fondation nationale du sommeil des États-Unis estime que 80 millions de Nord-Américains souffrent actuellement d’un trouble du sommeil. Au Canada, les chercheurs de l’Université Laval ont découvert que, bon an mal an, 30 à 40 pour cent des adultes souffrent à divers degrés d’un manque de sommeil.

La science du sommeil est une discipline relativement nouvelle, mais elle progresse rapidement grâce aux technologies modernes qui permettent d’observer le cerveau. Comme le souligne Stuart Fogel, neuroscientifique et professeur adjoint en psychologie à l’Université d’Ottawa, « combinée aux ordinateurs, la neuroimagerie est un outil très puissant. Elle nous permet d’approfondir nos recherches et d’observer les phases du sommeil. » Bien des questions sur le sommeil et ses fonctions demeurent sans réponse, mais la science a confirmé son rôle important dans notre vie éveillée.

Photo par Elizabeth Lies sur Unsplash.

Les observations de Matthew Walker, chercheur en science du sommeil, professeur de neuroscience et de psychologie à l’Université de Californie (Berkeley) et auteur du livre à succès Why We Sleep: Unlocking the Power of Sleep and Dreams, font réfléchir sur les effets pernicieux du manque de sommeil. Selon lui, plus de 20 études épidémiologiques à grande échelle rapportent toutes la même corrélation : moins on dort, moins on vit longtemps. La recherche a également relié le manque de sommeil à l’hypertension artérielle, aux maladies cardiaques, au diabète, à l’obésité, à la maladie d’Alzheimer et à la dépression.

« Nous tentons d’expliquer à la population que le sommeil n’est pas un luxe. Il est essentiel à notre bien-être physique et mental », dit Julie Carrier, professeure de psychologie à l’Université de Montréal et chercheuse au Centre d’études avancées en médecine du sommeil de l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. Selon elle, l’idée qu’un sommeil suffisant va de pair avec la bonne alimentation et l’exercice dans le maintien d’une bonne santé n’est pas encore largement acceptée par ses étudiants. « Bon nombre d’entre eux croient que le sommeil n’est pas productif. Certains se vantent même de ne pas dormir beaucoup. C’est fou », fait-elle remarquer.

Les technologies numériques figurent parmi les principaux facteurs de manque de sommeil, surtout chez les jeunes. Selon Robert Comey, enseignant clinique en psychiatrie à l’Université de la Colombie-Britannique, « utiliser les médias sociaux avant de se coucher est une mauvaise idée, car cette activité stimule le cerveau ». En outre, il souligne que la lumière bleue émise par les écrans peut perturber l’horloge biologique et retarder la sécrétion de la mélatonine, qui prépare le corps au sommeil.

Photo par Sanah Suvarna sur Unsplash.

Bon nombre de troubles du sommeil sont directement causés par un dérèglement de l’horloge biologique. Les jeunes dérèglent souvent leur horloge biologique le week-end en se couchant et en se levant tard. Ils tombent sous la coupe du « décalage horaire social », signale James MacFarlane, professeur adjoint en psychiatrie à l’Université de Toronto. Résultat : ils sont assommés le lundi matin.

La forme la plus courante de trouble du rythme circadien est l’insomnie, soit une difficulté à s’endormir ou à rester endormi, par exemple au petit matin. Bien que l’insomnie soit courante, les insomniaques n’obtiennent pas toujours un traitement optimal. On leur prescrit souvent des somnifères, mais ceux-ci ne fonctionnent qu’à court terme et peuvent entraîner une dépendance.

De nombreux experts, dont Charles Morin, professeur en psychologie et directeur du Centre d’étude des troubles du sommeil de l’Université Laval, soutiennent que le traitement le plus efficace serait la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). La TCC vise à modifier les comportements et les pensées qui nuisent au sommeil. Elle aide à modifier les habitudes de vie et à apprendre des routines de sommeil efficaces.

« Idéalement, toute clinique du sommeil devrait offrir un programme de traitement de l’insomnie. C’est loin d’être le cas », dit M. Morin. Malheureusement, il indique que peu de médecins sont qualifiés pour offrir une TCC au Canada. En plus, jusqu’à tout récemment, aucune école de médecine canadienne n’offrait de formation sur la TCC.

M. Comey, de Vancouver, convient que l’accès au traitement est préoccupant. « À notre clinique, les patients dont le cas n’est pas jugé urgent ou semi-urgent doivent attendre environ six mois pour voir un spécialiste de la respiration et entre un et deux ans pour voir un psychiatre pour un trouble du sommeil. »

Malgré tout cela, un sentiment de satisfaction a envahi le milieu de la recherche canadien. M. Morin constate que, depuis quelques décennies, la science du sommeil se transforme et fait l’objet de recherches intenses, alors qu’il n’y a pas si longtemps, les scientifiques présumaient allègrement que le sommeil était un état passif où le cerveau s’éteignait tout simplement. Le scientifique tient à rappeler que la science du sommeil n’en est qu’à ses balbutiements. « Beaucoup de mystères restent à résoudre en matière de sommeil. C’est ce qui en fait un champ d’études si stimulant. »

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